25/04/2024

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27 avril 1958: Le peuple togolais s’en souvient comme si c’était hier !

Le 27 avril 1958, la victoire des partis nationalistes (CUT, JUVENTO, MPT,) sonnait le glas du colonialisme français au Togo. Mais cette victoire n’était pas seulement électorale, c’était une authentique victoire populaire, car elle était l’aboutissement dune lutte de longue haleine menée par le peuple togolais contre la domination coloniale, une lutte pleine d’abnégation, de courage et de sacrifice. C’est en effet, face à la mobilisation et à la détermination du peuple que l’impérialisme français à dû se résoudre à ces élections qui étaient pour lui une porte de sortie. C’est bien parce qu’ils situent leurs mouvements dans la continuité de ces luttes populaires, que les patriotes et démocrates commémorent le 27 avril 1958.

Aujourd’hui, nous commémorons le 50éme anniversaire de la grande victoire du 27avril 1958, cette grande victoire remportée de haute lutte sur le colonialisme français. Victoire éclatante car elle fut arrachée après une longue période d’épreuves, de résistance et de lutte, aux prix de lourds sacrifices consentis par les vrais fils de notre chère Patrie. Depuis son avènement au pouvoir, la bande Eyadéma tente par tous les moyens de ternir, de souiller le souvenir de cette période exaltante. Elle a mis en place une énorme machine de mystification pour nous faire croire que l’histoire de notre pays n’a commencé que le 13 janvier 1967. Des générations de jeunes ont été éduquées dans une vision déformée du 27avril. Nous ne devons pas permettre aux réactionnaires qui n’ont jamais contribué à cet événement de continuer à biffer d’un trait notre histoire. Nous ne devons pas permettre à quiconque de travestir sa signification. Au contraire, nous devons nous fixer comme tâche, non seulement de donner au 27avril tout son sens politique, mais de le populariser pour qu’il serve d’exemple en matière de courage, d’abnégation et de détermination pour les luttes actuelles et futures contre l’impérialisme et ses agents locaux.

Pourquoi donnons-nous tant d’importance à la journée du 27 avril1958 ?

Pour répondre à cette question, il paraît nécessaire de faire son historique, de décrire le processus qui y a conduit. Pour cela, point n’est besoin, dans ce cadre, de remonter à la résistance du Peuple togolais face à l’agression coloniale. Nous partirons donc seulement de l’année 1945. A la veille de la fin de la deuxième guerre mondiale, la politique française, telle qu’elle a été élaborée à la Conférence de Brazzaville (janvier-février 1944) pouvait se résumer ainsi:
* pas question d’indépendance des colonies.
* mettre tout en oeuvre par quelques réformes sur les aspects parmi les plus criards du colonialisme, pour donner l’impression aux autochtones qu’ils sont véritablement assimilés, et qu’ils ont les mêmes droits que les citoyens français.

Les peuples africains ne se sont pas laissés tromper par cette politique. Au Togo, ce fut le Gouverneur NOUTARY qui fut chargé d’appliquer cette politique. Il avait pour mission d’user de toutes les manoeuvres pour obtenir des vieux notables l’intégration pure et simple du TOGO dans l’ensemble français. Il eut l’idée, lors d’une rencontre de proposer aux «élites» (et notables) le statut de citoyen français. Mais le souvenir vivace des pires souffrances endurées pendant la guerre, notamment la dure contribution économique à laquelle étaient soumis les petits paysans sous peines de lourds emprisonnements, de bastonnades et de travaux forcés.

La prise de conscience nationale pouvait s’expliquer par une opposition opiniâtre et avisée des notables aux entreprises de NOUTARY. L’échec des tentatives de ce dernier fut consacré au cours d’une assemblée tenue les 11 et 12 mai 1945 au Palais du Gouvernement où il avait réunis quelques personnalités du Sud. A cette réunion, un des notables fit cette réponse aux propositions du Gouverneur de leur conférer la citoyenneté française:-nous citons «Dites, Monsieur le Gouverneur, vous au moins vous avez la chance de connaître notre pays. Ne trouvez-vous pas paradoxal, vous qui êtes si intelligent, de nous demander d’être citoyens d’un pays que nous ne connaissons pas ? Ne pensez-vous pas qu’il serait plus logique de vous demander d’être citoyen togolais ? ». Cette réponse aussi simple et d’une logique implacable, fut le point de départ de la rupture entre les autorités coloniales et les nationalistes.

Cette rupture brutale des pourparlers, les menaces du Gouverneur, la perspective des élections à la Députation de 1946 et surtout l’essor de la prise de conscience politique des masses populaires togolaises furent autant de raisons qui ont concouru à la mutation du CUT (Comité de l’Unité Togolaise). Simple amicale créée en 1941 par le Gouverneur Montagné pour assurer l’attachement des notables à la France, le CUT se transforma en 1946 en un mouvement nationaliste luttant pour faire triompher les aspirations du peuple Togolais à l’unité, à l’indépendance. Le CUT prouva son audience auprès des masses populaires togolaises lors des élections générales de 1946 à la Chambre des députés française, et lors des élections à l’Assemblée Représentative du Territoire.

A ces deux élections, le Docteur AKU fut élu à une écrasante majorité comme député, et le CUT rafla tous les postes de l’Assemblé Territoriale en ce qui concerne le «collège indigène». Cette victoire éclatante ne laissa pas les autorités coloniales indifférentes. Elles mirent tout en oeuvre pour tenter de détruire le CUT de l’intérieur et pour aider le parti de Nicolas Grunitzky à leur dévotion, le Parti Togolais du Progrès (PTP) à renforcer ses structures. Ce travail fut confié au Gouverneur CEDILE, qui pratiqua habilement une politique «amicale coopération» avec le CUT; politique dont le but à peine caché était de freiner le mouvement de revendication nationale, d’amorcer un processus de désintégration interne du CUT et d’aider dans le même temps le PTP à s’organiser.

Une fois le travail de mise en place terminé, ce fut au Gouverneur DIGO d’exécuter le plan prévu par CEDILLE à savoir: écraser le CUT par tous les moyens, opposer la population du Nord à celle du Sud (par la création de l’UCPN (Union des Chefs et des Populations du Nord) notamment. Cette basse besogne aboutit en 1951, grâce à des élections préfabriquées, truquées, à l’éviction du Député sortant, le Docteur AKU, candidat du CUT, et au profit de Nicolas GRUNITZKY, candidat de l’administration qui, du reste, est resté citoyen français jusqu’à sa mort physique. Mais en cette même année, naissait un nouveau parti nationaliste, la JUVENTO, fermement décidé à radicaliser la lutte nationaliste.

Le gouvernement français fit alors appel au Gouverneur PECHOUX, un spécialiste de la répression sanglante qui s’était déjà fait une sinistre réputation en Côte d’Ivoire en 1949 et 1950. La répression connut alors une ampleur sans précédent: bastonnades et sévices divers pour avoir prononcé le mot d’ABLODE , interventions brutales des «garde-cercles» et autres gendarmes dans les meetings et manifestations nationalistes, affectations arbitraires de fonctionnaires, y compris hors du territoire; licenciements abusifs, suppression de bourses aux étudiants Mais tout cela ne put entraver la détermination du peuple.

A l’intérieur, les partis nationalistes, tout en poursuivant leur travail de mobilisation, travail dans lequel les femmes jouèrent un rôle important, tout en se renforçant sur le plan organisationnel (surtout la JUVENTO), s’abstenaient de participer à toute opération électorale. Face à la répression dont ils étaient victimes, face aux trucages électoraux, il savaient qu’ils n’avaient rien à attendre des élections, et ils avaient conscience que l’essentiel était de créer un rapport de forces favorable en mobilisant autour de leur mot d’ordre: unification et indépendance, l’ABLODE. Mais ils n’oubliaient pas pour autant l’aspect diplomatique, internationale de la lutte: ils envoyaient à chaque session de l’ONU des représentants pour aller défendre devant cette assemblée internationale la cause de l’indépendance, et ils encourageaient le peuple à adresser à l’ONU des pétitions pour dénoncer les méfaits du colonialisme.

En 1956, le colonialisme français organisa un référendum en vue de transformer le Togo en une «République autonome». L’objectif visé était d’obtenir la levée de la tutelle de l’ONU, de soustraire le Togo à tout contrôle international sous prétexte que le Togo est déjà partiellement indépendant. Par leur mobilisation et leurs luttes (notamment à Lomé, Pya, Mango), le peuple et les nationalistes togolais déjouèrent la manoeuvre: l’ONU refusa la levée de tutelle, et en 1957, elle força la France à accepter le principe d’élections générales sous son contrôle. Nul doute que les résultats de ces élections traduiraient de façon claire, le choix du peuple entre l’indépendance nationale et le carcan de la communauté franco-africaine.
Les nationalistes, cette fois, acceptèrent de relever le défi. La campagne électorale ne s’est pas déroulée sans incidents. L’administration coloniale française, sachant qu’elle jouait sa dernière carte au Togo et en Afrique sous sa domination coloniale, avait tout fait pour entraver la bonne marche de cette campagne: intervention des commandants de cercle dans les réunions, menaces, divers trucages des listes électorales, lenteur délibérée dans la distribution des cartes d’électeur: rien n’y fit, et la menace d’un mot d’ordre de grève générale obligea les agents colonialistes à reculer. C’est donc un contexte de grande mobilisation populaire que se déroulèrent ces élections qui aboutirent à cette victoire éclatante des nationalistes: sur les 46 sièges à pourvoir, ils en remportèrent une trentaine. Cette victoire avons-nous dit, était l’aboutissement de luttes et de sacrifices. Rappelons-en quelques épisodes :

* VOGAN août 1951: Le colonialisme français, s’immisçant dans les affaires coutumières de la population de Vogan, voulait imposer à celle-ci, en la personne de Jacob Kalipé, un chef à sa dévotion au détriment de Ferdinand Kalipé que soutenaient les nationalistes. Face au refus des masses qui manifestaient pour marquer leur opposition les autorités coloniales envoyèrent la troupe qui ouvrit le feu: on dénombra officiellement 7 morts.

* LOME 31 mai 1957: Il n’est pas nécessaire de remonter très loin (notamment aux «journées de jets de pierres de janvier 1933 ») pour affirmer que Lomé a toujours été au coeur de la contestation du régime colonial. Ainsi, le 21 septembre 1956, quand Gaston Defferre vint installer la «République autonome», les nationalistes lui réservèrent une surprise. Déjà avant même son arrivée, on racontait partout de manière ironique qu’il venait offrir un «morceau», un «bout» d’indépendance. Lors de son accueil, au moment où Grunitzky prononçait le discours de bienvenue, il fut brusquement interrompu par un grand tumulte; une banderole fut déployée sur laquelle on pouvait lire: NOUS VOULONS l’INDEPENDANCE COMPLETE, PAS UNE PARCELLE D’INDEPENDANCE Puis ce furent des clameurs: ABLODE GBADJA ! ABLODE NOGO ! Le régime de «ZOTONOMI» était publiquement discrédité.

Mais, l’exploit le plus spectaculaire eut lieu à Lomé le 31 mai 1957. Une action de grande signification tant par son caractère héroïque parce qu’elle révéla au monde le véritable visage de l’autonomie interne. C’était pendant la mission de visite de l’ONU, mission dirigée par le Libérien KING. Elle avait pour objectif de recueillir des informations sur le fonctionnement du régime de l’autonomie que le colonialisme français avait imposé avec la complicité de ses suppôts du PTP et de l’UCPN. Rappelons que l’instauration de l’autonomie interne, c’était dans le but d’obtenir la levée de la tutelle des Nations Unies, de soustraire le Togo de tout contrôle onusien, et de l’intégrer à la «Communauté française». Le 31 mai donc, c’était l’accueil officiel et public de la délégation onusienne au stade municipal de Lomé (alors dénommé Stade Gouverneur Montagné).

Pour faire croire que tout allait bien, que le régime de «Zotonomi» avait l’assentiment de la majorité de la population, les colonialistes français et leurs suppôts n’avaient pas lésiné sur les moyens; des camions avaient ramené de tous les coins du pays, une foule considérable: des chefs traditionnels, des groupes folkloriques, de simples paysans; tous censés manifester leur attachement au régime colonialiste. Sur ce plan, soit dit en passant le pouvoir Eyadéma n’a pas tellement innové. Toujours est-il que les choses ne se passèrent pas comme l’avaient prévu les organisateurs. La montée des couleurs venait à peine de se terminer, quand un groupe de nationalistes se faufila jusque devant le mât, et là, devant les hauts dignitaires, les membres de la délégation onusienne, les militaires et policiers, tous médusés, fit descendre de son mât ce drapeau tant honni de ce régime fantoche, le lacera et réussit même à l’emporter ! Fureur de Grunitzky et de ses acolytes, déchaînement des forces de répression, frappant sans distinction, n’épargnant même pas ceux que le pouvoir avait lui-même fait venir par camions ! Les militants nationalistes répliquaient par des jets de jus de piment et d’acide. Quoiqu’il en soit, le désordre était général, le régime «ZOTONOMI» venait de connaître une nouvelle gifle, mais une gifle de portée internationale.

PYA-HAUT: 22 juin 1957. On a beaucoup raconté, on raconte encore beaucoup de contre-vérités sur cet épisode sanglant de la lutte du Peuple togolais. La version la plus stupide veut faire passer les victimes de ce massacre comme de «simples ivrognes qui ayant trop forcé sur le «tchoukoutou», ont voulu affronter les forces de l’ordre avec des flèches et des gourdins». Cette version, largement répandue à l’origine par le pouvoir colonialiste et ses suppôts togolais persiste encore de nos jours. On l’entend chez de nombreux compatriotes qui, tout simplement par défiance, parce qu’Eyadéma les a récupérés par pure démagogie et pour sa propre gloire, n’ont pas cherché à en savoir davantage sur ces martyrs.

Mais la direction du mouvement nationaliste elle-même est aussi responsable de cette ignorance. Certes, elle a, en son temps, dénoncé le massacre (télégramme de protestation d’Augustino de Souza, Président du CUT à la Commission de Tutelle de l’ONU, le 27 juin 1957) mais après ce fut le silence. Mais pourquoi une telle attitude? Tout simplement parce que la direction du mouvement nationaliste, représentée par les dirigeants du CUT, s’est toujours méfiée du mouvement populaire, de tout mouvement de révolte, de «la rue», et qu’elle n’a jamais voulu célébrer outre mesure les acteurs de cette forme de lutte généralement organisée et menée par des militants de la JUVENTO. La preuve, les APLANGAVIO n’ont pas connu meilleur sort. Combien de jeunes togolais connaissent aujourd’hui l’exploit de ces jeunes anticolonialistes ? Très peu, et pour cause. Le comble c’est qu’ils furent maintenus en prison après la victoire du 27 avril et l’accession d’Olympio au pouvoir, et ne furent libérés que sous la pression populaire! Il va sans dire que la démocratie triomphante, remettra les martyrs de PYA, de VOGAN et d’ailleurs, comme les APLANGAVIO, à la place qu’ils méritent.

Ce qui s’est passé à PYA HAUT est un exemple classique de la répression coloniale. Des soldats (garde-cercles) avaient encerclé le marché de Tcharé, à la recherche de nationalistes qu’ils molestaient et passaient à tabac. Ils s’étaient emparés de l’un d’entre eux nommé Bouyo Moukpé qu’ils avaient ligoté et jeté dans leur véhicule afin de le conduire à Kara. Selon les officiels, Bouyo était l’objet d’un mandat d’arrêt pour rébellion.

Naturellement, cette prétendue rébellion est en fait un prétexte fallacieux.
C’était plutôt pour l’isoler de ses activités politiques et indépendantistes. D’ailleurs, au moment de son arrestation, il était en train de vendre des cravaches tout en scandant le slogan «ABLODE», une manière ironique de dénoncer l’oppression coloniale.
Alertés, les habitants de PYA HAUT se mobilisent, dressent des barricades sur la route pour empêcher le véhicule de passer et pour exiger la libération de leur camarade. Les forces de répression qui avaient entre-temps appelé des renforts, voulurent forcer les barricades, obliger les manifestants à se disperser. Ils tirèrent des coups de sommation auxquels les manifestants répondirent par des coups de flèches et par des cris d«ABLODE». Les forces colonialistes, prises de rage, ouvrirent le feu: 27 morts. L’exemple de PYA confirme que, contrairement à ce que certains veulent encore nous faire croire, le mouvement indépendantiste, loin d’être confiné au Sud, loin d’être un mouvement «sudiste», était aussi fortement implanté dans le Nord, malgré les manoeuvres de division du pouvoir colonialiste et de ses agents du PTP-UCPN, et qu’il impliquait tout le peuple. Surtout, il nous montre le degré de mobilisation atteint par les masses populaires qui n’hésitent plus à affronter, y compris avec des armes, le pouvoir colonialiste. Dans ce contexte, la victoire était inéluctable.

Quelles leçons pouvons-nous donc tirer de la victoire du 27 avril 1958 ?

La première leçon, c’est que le moteur de cette victoire historique, ce furent les masses populaires mobilisées sur la base de leur aspiration pour l’indépendance, la liberté.

La deuxième, c’est que si le gouvernement français et ses agents locaux ont fini par accepter l’idée de l’élection d’une assemblée nationale à la place de l’assemblée «zotonomi», ce fut sous la poussée des luttes des masses populaires. C’est parce qu’ils se rendaient compte que le torrent indépendantiste était devenu irrésistible du fait de cette mobilisation, et que les masses se montraient chaque jour plus déterminées, prêtes à tout, comme elles l’ont montré notamment à PYA HAUT et à LOME. Ajoutons à cela la conjoncture internationale: les peuples étaient partout déchaînés contre la domination coloniale; l’impérialisme français venait d’essuyer une cuisante défaite en Indochine, et un nouveau foyer venait de s’allumer en Algérie. Tout cela constituait un appui formidable pour la lutte du peuple togolais. Toutes ces considérations doivent nous faire comprendre que le 27 avril 1958, ce n’est pas tellement la victoire du bulletin de vote, mais, plutôt et surtout, la consécration d’une victoire déjà inscrite dans les rapports de forces sur le terrain. C’est la lutte qui a payé, et seule la lutte paye, telle est notre deuxième leçon.

La troisième, c’est que cette victoire, le Peuple ne l’a doit donc ni à l’ONU, ni aux USA, ni à une quelconque autre puissance étrangère, mais seulement à lui-même. Certes, la délégation de l’ONU a, dans une certaine mesure, permis une certaine transparence des élections. Mais on doit comprendre que ce n’est pas là le facteur essentiel. D’ailleurs, malgré la présence onusienne, c’est la menace d’une grève générale fixée au 23 avril par l’Union des Syndicats Confédérés du Togo dirigée par feu Akouété Paulin, qui a mis fin à certaines lenteurs dans l’inscription sur les listes électorales. De toute manière, il ne fait aucun doute que si par suite de fraudes, les partis anti-nationaux l’avaient emporté, la lutte aurait pris d’autres formes, et qu’un soulèvement populaire n’était pas à exclure. En tout cas, les fractions les plus déterminées du mouvement indépendantiste s’y préparaient. Il est d’ailleurs remarquable qu’aucun des partis nationalistes ne s’est jamais ouvertement opposé aux luttes des masses. Ce sont donc les facteurs internes qui ont été déterminants.

La quatrième leçon, c’est que si la mobilisation a été possible et continue, c’est que l’objectif était clair et bien défini: l’indépendance, que traduisait ce mot d’ordre sans ambiguïté: ABLODE. Ce mot d’ordre, était compréhensible pour tous, et il était mobilisateur, comme on a pu le vérifier; il était unificateur, dans ce sens que tous les partis et organisations indépendantistes s’y retrouvaient, quels que soient les arrière-pensées des uns et des autres, et ont pu s’unir sur cette base pour affronter le scrutin électoral. Imaginez donc un seul instant quel aurait été le résultat si les partis nationalistes s’étaient bornés à revendiquer «des élections libres et transparentes», s’ils s’étaient contentés de lancer des appels à l’ONU ou à des pays et à des puissances étrangères pour faciliter des tractations avec le PTP-UCPN. Assurément le 27 avril aurait été impossible.

Les limites et les carences du mouvement indépendantiste.

Mais si nous en sommes là aujourd’hui, si les espérances qui soulevèrent notre Peuple ce 27 avril 1958, n’ont pas été réalisées et que nous nous retrouvons ici en exil, c’est par suite des limites et des carences du mouvement indépendantiste lui-même. Les masses populaires n’avaient pas leur organisation pour défendre leurs intérêts spécifiques, pour transformer la lutte anticolonialiste en lutte de libération nationale, c’est-à-dire pour aller jusqu’à la rupture avec l’impérialisme.

Le CUT, qui était à la tête du mouvement, était sous la direction de la bourgeoisie et des gros propriétaires fonciers. Pour ces classes sociales, l’indépendance c’est tout simplement prendre la place de l’administration coloniale, ne plus dépendre de la seule France, mais pouvoir nouer des liens avec d’autres puissances impérialistes et avant tout avec les Etats-Unis d’Amérique et l’Allemagne. Des liens de dépendance évidemment. C’est ainsi qu’au lieu d’une indépendance réelle, notre pays est passé à la dépendance néocolonialiste. Un tel régime était incapable de satisfaire les aspirations des masses, et ne pouvait que s’isoler. C’est ce qui facilita le coup d’Etat du 13 janvier 1963 perpétré par l’impérialisme français.

Depuis son avènement, le régime autocratique Eyadéma tente par tous les moyens de faire oublier le 27 avril, pour lui substituer le 13 janvier une prétendue journée de Libération Nationale. Par un prétendu vote de leur assemblée bidon, le 21 mai 1987, les députés RPT ont même purement rayé cette date de l’histoire de notre pays. Mais le 27 avril restait dans les coeurs. L’une des premières décisions du mouvement insurrectionnel populaire de 1990-1991, fut de rétablir le 27 avril. La grandiose célébration du 27 avril 1991, en pleine insurrection populaire, montre bien que le Peuple n’a pas oublié.
Dans un Togo soumis au joug d’une autocratie sanguinaire et barbare, la seule revendication qui pouvait correspondre à la revendication de l’indépendance qui avait tant mobilisé le Peuple durant ces année 50, c’est celle de la démission immédiate d’Eyadéma. Il est significatif que les masses se soient spontanément retrouvées et mobilisées en 1990-1991 autour de cette revendication. En la posant ouvertement comme mot d’ordre de leur mouvement de lutte, les masses ont ainsi renoué avec l’esprit du 27 avril 1958, avec les traditions de lutte indépendantiste. En ce sens, on peut affirmer que les EKPEMOG sont en sorte les dignes continuateurs des APLANGAVIO. C’est cette tradition retrouvée qu’une certaine opposition tente d’enterrer de nouveau tout en nous entraînant dans le bourbier.

Il est une manière plus subtile que la répression, d’effacer cette glorieuse date de notre histoire: c’est de lui faire perdre son sens véritable, en le réduisant à un résultat de vote, ou à la célébration d’une indépendance que la réalité de tous les jours nous montre qu’elle n’est que fictive. Mais la meilleure manière de perpétuer le souvenir du 27 avril, c’est de rappeler sans cesse les luttes menées par le peuple; c’est de tirer leçon des expériences accumulées dans ces luttes; c’est de nous engager résolument à notre tour dans la lutte populaire jusqu’au démantèlement total de l’autocratie.

A bas le 13 janvier !
Vive le 27 avril 1958 !
Gloire éternelle aux vaillants fils du Peuple qui ont sacrifié leur vie pour cette victoire !
Que les démocrates et patriotes d’aujourd’hui prennent exemple sur eux !

Fait à Bruxelles, le 26 avril 2008.

Le Front des Organisations Démocratiques Togolaises en Exil
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