25/04/2024

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Adieu Emmanuel Bob Akitani : Grand combattant de la liberté du Togo

Le lundi 16 mai 2011, un grand arbre, en la personne d’Emmanuel Bob-Akitani, est tombé dans notre village appelé Togo. Dans notre tradition, lorsqu’une personnalité d’envergure nationale décède, on dit qu’un grand arbre est tombé dans le village. Eh bien ! Akakpovi Emmanuel Bob-Akitani naquit le 18 juillet 1929 à Aného. Son père était catholique, sa mère vodoussi de Zowla. Lui-même manifestera toute sa vie un penchant religieux notoire.

FORMATION ACADÉMIQUE ÉLÉMENTAIRE ET SECONDAIRE

Emmanuel fit ses études primaires à Aného et y obtint son CEPE en 1943. Il fut le n°2 de toute cette ville, ce qui démontre qu’il fut un garçon intelligent et travailleur.

En 1944, Emmanuel suivit le Cours Supérieur de Lomé tenu à l’époque par le brillantissime maître David Kokou Ananou. Au terme de ce cours de six mois, Emmanuel réussit au concours et entra à l’Ecole Primaire Supérieur (EPS) de Lomé en septembre de la même année.

À l’EPS, Emmanuel était toujours parmi les sept premiers de sa promotion de vingt-cinq élèves. Si bien que, vers la fin de l’année académique 1946/47, lorsqu’il se fut agi de choisir quelque cinq de ces élèves pour aller passer à Porto-Novo (Rép. du Bénin), pour la première fois, le BEPC, Emmanuel en fera partie.

À la sortie de l’EPS, en 1947, notre compatriote et grand intellectuel Ayi Emmanuel KOUÉVI réussit à convaincre le Docteur Rudolph Trénou qui, à son tour, convainquit les leaders du Comité de l’Unité Togolaise (CUT) d’envoyer directement en France les meilleurs éléments de la promotion 1944/47 au lieu des écoles dites du Gouvernement général : William Ponty, Bamako, Dabou, Rufisque, Katibougou. Les cutards à leur tour réussirent à convaincre le Gouverneur Jean Noutary …

Akakpovi Emmanuel Bob-Akitani prendra ainsi le Cap Tourane le 17 septembre 1947 pour Paris où il débarquera le 13 octobre subséquent. Il intégra l’Ecole Spéciale des Travaux Publics-Eyrolles. Mais, au bout d’un certain temps, lui et ses camarades togolais vont se rendre compte que cette école ne leur convenait pas. Ils changèrent alors d’orientation et se mirent à préparer leurs baccalauréats. Emmanuel obtint ses bacs 1ère partie série moderne, et 2ème partie série mathématiques, respectivement en 1949 et 1950.

FORMATION ACADÉMIQUE SUPÉRIEURE

À partir de ce moment, Emmanuel entra au Lycée Henri IV à Paris pour la classe de mathématiques supérieures (1950/51). Après quoi, il s’inscrivit à l’Université de Paris pour la licence (de nos jours maîtrise) de mathématiques qu’il décrocha en 1957.

Ce diplôme en poche, Emmanuel entra à l’Ecole Nationale Supérieure du Pétrole et des Moteurs (ENSPM)-CES située dans la banlieue sud-est de Paris. Il en sortit ingénieur en 1959. Sa carrière professionnelle allait maintenant démarrer.

CARRIÈRE PROFESSIONNELLE

– De septembre 1959 à décembre 1960, Emmanuel est employé par la Société des Pétroles du Sénégal (SPS), une filiale de la BP (British Petroleum),
– De janvier 1961 à novembre 1969, notre frère est fonctionnaire de la Direction des Mines et de la Géologie au Togo,
– De janvier 1961 à mai 1962, il est Directeur-Adjoint des Mines et de la Géologie, puis Directeur de ce département de mai 1962 à novembre 1969.
– De 1963 à 1968, Emmanuel est Co-Directeur du Projet-Nations Unies de Recherches Minières et des Eaux Souterraines,
– D’avril à octobre 1964, Emmanuel suivit un stage au Canada et au Chili en tant que boursier des Nations-Unies,
– De novembre 1969 à mars 1974, notre Ingénieur est Conseiller Technique au Ministère togolais des Mines, Travaux Publics, Transports, Postes et Télécommunications. Dans ce cadre, il est de mars 1974 à mars 1981,Secraire Général de la Compagnie Togolaise des Mines du Bénin (CTMB) devenue plus tard Office Togolais des Phosphates (OTP),
– D’avril 1981 à décembre 1982, Emmanuel est Conseiller Technique au Ministère togolais de l’Aménagement Rural.

Après de si intenses activités professionnelles, Akakpovi Emmanuel Bob-Akitani demanda et obtint sa retraite le 1er janvier 1983. Mais il poursuivra sa carrière d’Ingénieur avec des sociétés privées jusqu’en 1994. Ce qui va l’amener à aller faire des recherches minières en République Centre Africaine (RCA) entre mars 1983 et mars 1985.

ACTIVITÉS POLITIQUES

Akakpovi Emmanuel Bob-Akitani a, dès son adolescence, témoigné un vif intérêt pour la lutte visant la libéralisation du Togo et de l’Afrique en général. À Paris, nos devanciers qui s’y trouvaient venaient de créer, en mars 1947, le Jeune Togo : une amicale devenue très vite un outil de combat anticolonialiste et anti-impérialiste. Emmanuel et ses compagnons de promotion y adhérèrent sans aucune forme de procès. Ils adhérèrent également à l’Association Académique des Etudiants Africains de Paris, dirigée en ces temps-là par les Cheikh Fall, les Mahtar Amadou M’Bow, les Cheikh Anta Diop, etc.

Au début des années 1950, Emmanuel se retrouva au sein du GAREP (Groupe Africain de Recherches en Economie et en Politique), mis sur pied par François Amorin, Abdoulaye Ly, Louis Béhanzin, Amadou Mahtar M’Bow, Solange Faladé, etc. Il s’agissait d’un groupe panafricaniste d’études, d’obédience quelque peu « trotskyste ». Mais le GAREP très tôt fit long feu en raison de dissensions internes.

Un peu plus tard, fin 1950/début 1951, le Jeune Togo aura énormément contribué à fonder la grande FEANF (Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France) : une combinaison des Associations Académiques et des Associations Territoriales desdits étudiants. Dans toutes ces organisations Emmanuel aura brillé par sa vive intelligence et sa prudence avérée. Il ne mettait pied nulle part sans avoir au préalable, tel un chat, flairé le terrain.

Emmanuel aura été président du Jeune Togo dans la période 1957/1959. Rentré au Togo, il se joignit au groupe des Efoé Noé Kutuklui, Efoé Emile Gadagbé, Alex Mivêdor, Paulain Eklou, Oswald Ajavon, Guy Kouassigan, etc, qui luttaient pour renverser le régime de Nicolas Grunitzky. À cette fin, ils crurent devoir et pouvoir utiliser les ‘’services’’ d’Etienne Gnassingbé (alias Gnassingbé Eyadèma). Emmanuel fut le seul à s’opposer à cette stratégie qu’il jugeait trop aléatoire. Il disait que l’on ne saurait faire confiance à un tel militaire qui, de surcroît, se trouvait être le meurtrier déclaré du Père de la nation togolaise. Sylvanus Epiphanio Kwami Olympio. Et, le 21 novembre 1966, la vie lui donnera raison.

Lorsqu’advint, à la veille de notre Conférence Nationale Souveraine – CNS (juillet/août 1991), le multipartisme, Emmanuel se trouva membre-fondateur du PDU (Parti pour la Démocratie et l’Unité). Mais, en mars 1992, on le retrouvera comme premier Vice-président de l’UFC (Union des Forces de Changement)- fonction qu’il assumera avec compétence et dévouement jusqu’à son invalidation par la maladie en 2005.

En 1998, Gilchrist Olympio gagna l’élection présidentielle au Togo. Mais Gnassingbé Eyadéma actionna, une fois encore, sa stratégie de la terreur. Le siège de l’UFC fut saccagé et incendié. Entre autres militants de ce parti, Emmanuel fut tabassé et sérieusement blessé à la tête.

Il convient de souligner qu’Akakpovi Emmanuel Bob-Akitani aura été brillamment élu Président de la République togolaise aussi bien en 2003 qu’en 2005.

Invalidé par la maladie en avril 2005, il sera fait Président d’Honneur de l’UFC au congrès de ce parti tenu en juillet 2008.

Emmanuel et son épouse Francisca née Amorin ont eu six enfants.

Emmanuel,
Tu as combattu le bon combat ! Repose donc en paix ! Le peuple togolais n’oubliera jamais ta foi, ton courage et tes sacrifices pour libérer le Togo et l’Afrique. Et nous, tes compagnons de route, faisons le serment de poursuivre ton noble combat jusqu’à la libération totale du Togo et de l’Afrique de la dictature et de l’incurie.

Adieu Emmanuel ! Et que la terre de tes Aïeux, que tu auras tant aimée, te soit légère.

ABLODE ! ABLODE ! ABLODE NOGO!

Lomé, le 30 mai 2011
Godwin TÉTÉ