29/03/2024

Les actualités et informations générales sur le Togo

AMNESTY INTERNATIONAL : Rapport annuel-TOGO 2002

AMNESTY INTERNATIONAL : Rapport annuel-TOGO 2002
Londres-28 mai 2002
REPÈRES
République togolaise
CAPITALE : Lomé
SUPERFICIE : 56 785 km2
POPULATION : 4,7 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Étienne Gnassingbé Eyadéma
CHEF DU GOUVERNEMENT : Agbéyomé Messan Kodjo
LANGUE OFFICIELLE : français
PEINE DE MORT : abolie en pratique

Cette année encore, la liberté d’expression a été menacée. Des prisonniers d’opinion ont été condamnés à des peines d’emprisonnement à l’issue de procès politiques inéquitables. Les responsables des violations des droits humains commises ces vingt dernières années demeuraient impunis. Une commission d’enquête composée de représentants des Nations unies et de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) a rendu public un rapport dans lequel elle signale des violations systématiques des droits humains et confirme que des corps ont été découverts dans la mer et sur les plages du Bénin, pays limitrophe du Togo, au moment de l’élection présidentielle de 1998. Elle a demandé la nomination d’un rapporteur spécial des Nations unies sur le Togo afin de maintenir une surveillance internationale de la situation des droits humains.

Contexte
La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a repoussé à mars 2002 les élections législatives prévues initialement pour octobre. Après le boycottage du scrutin législatif de mars 1999 par l’opposition, le gouvernement togolais et les partis politiques étaient parvenus, en juillet 1999, grâce à la médiation de plusieurs acteurs internationaux – notamment les États de l’Union européenne et les pays francophones –, à un accord prévoyant la tenue de nouvelles élections.
Le report est intervenu alors que des partisans du président Eyadéma faisaient pression pour obtenir une modification de la Constitution qui permettrait au chef de l’État de briguer un troisième mandat en 2003. La loi fondamentale prévoit qu’une même personne ne peut effectuer que deux mandats présidentiels de cinq ans. Le président Eyadéma, arrivé au pouvoir par un coup d’État militaire en 1967, a été par la suite élu président en 1993, puis réélu en 1998, lors de scrutins entachés par des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture et la mise en détention de partisans de l’opposition.
En septembre, le Parlement européen a condamné toute tentative de modification de la Constitution et a appelé les autorités togolaises à organiser dès que possible des élections libres et transparentes. Il a également demandé que soit mis un terme au climat d’impunité qui règne au Togo et que les responsables des violations des droits humains soient traduits en justice.

Torture et mauvais traitements
Des cas de torture et de mauvais traitements imputables aux forces de sécurité étaient toujours signalés dans les lieux de détention et dans les prisons. Plusieurs étudiants et membres de partis politiques d’opposition figuraient parmi les victimes.
Remis en liberté après cinq jours de détention dans les locaux de la gendarmerie en septembre, Houndjo Mawudzro, militant étudiant et prisonnier d’opinion, a affirmé avoir été fouetté avec une corde et frappé sur les jambes et sur la plante des pieds. Accusé d’incitation à la rébellion, il n’a toutefois pas été officiellement inculpé. En novembre, il a de nouveau été détenu pendant quelques jours, apparemment en guise de représailles à la suite de ses déclarations publiques dénonçant la torture subie lors de sa détention.

Emprisonnements politiques
Au moins huit prisonniers politiques étaient toujours incarcérés à la fin de l’année ; l’un d’entre eux a été condamné à l’issue d’un procès inéquitable.
En juillet en en août, deux responsables de l’opposition ont été condamnés à des peines d’emprisonnement lors de procès politiques qui n’étaient pas conformes aux normes internationales. Le juge qui présidait le tribunal était un membre influent du parti au pouvoir et ne pouvait de ce fait être considéré comme indépendant.
En août, Yaowvi Agboyibo, président du Comité d’action pour le renouveau (CAR), un parti d’opposition, a été reconnu coupable d’« atteinte à l’honneur » pour avoir affirmé qu’une personne proche du parti au pouvoir avait soutenu des milices responsables de violations des droits humains entre 1996 et 1998. Yaowvi Agboyibo a été condamné à six mois d’emprisonnement et à une amende. En septembre, alors qu’il était toujours incarcéré, il a de nouveau été inculpé, cette fois pour « complicité de groupement de malfaiteurs ». Il semble qu’il ait été incarcéré afin qu’il ne puisse pas critiquer la situation des droits humains au Togo ni se présenter aux élections législatives.

Conditions carcérales
Dans tout le pays, les conditions de détention étaient très éprouvantes et constituaient un traitement cruel, inhumain ou dégradant.
Une surpopulation extrême régnait dans la prison civile de Lomé, qui accueillait 1 200 détenus, chiffre très supérieur à sa capacité réelle. Selon les témoignages recueillis, il y a une moyenne de 90 personnes dans des cellules de quatre mètres sur six, dépourvues de fenêtre et d’électricité. À titre de punition, par exemple lorsqu’ils avaient enfreint le règlement de la prison, les détenus étaient roués de coups ou bien placés dans une cellule d’un mètre sur deux abritant 15 personnes. Les installations sanitaires étaient pratiquement inexistantes. Les prisonniers devaient payer pour pouvoir accéder aux deux seules douches et aux deux seules toilettes de l’établissement pénitentiaire.
Selon les informations recueillies, Nyabledji John est mort en prison à Kara, dans le nord du Togo, en février. On pense qu’il a été victime de l’absence de soins médicaux, du manque de nourriture et des conditions, notamment sanitaires, déplorables. Il s’agit du second prisonnier à mourir parmi un groupe de neuf réfugiés togolais qui avaient été arrêtés au mois de décembre 1997 au Ghana et remis aux autorités togolaises. La plupart étaient membres du Comité togolais pour la résistance (CTR), un parti d’opposition en exil. Après leur transfert au Togo, ils avaient été passés à tabac à la prison civile de Lomé, si violemment qu’ils ne pouvaient plus marcher et éprouvaient des difficultés à respirer. Nyabledji John aurait été forcé de manger du sable ; puis il lui a été interdit de boire de l’eau. En juillet 1998, les détenus ont été transférés à la prison de Kara, où régnaient des conditions mettant leur vie en danger. Ils étaient toujours détenus sans inculpation ni jugement à la fin de l’année, et seraient placés dans des cellules dépourvues de lumière naturelle.

Commission d’enquête internationale sur le Togo
La Commission d’enquête internationale sur le Togo, mise en place conjointement par les Nations unies et l’OUA afin de vérifier la véracité des allégations dont Amnesty International s’est fait l’écho en 1999 selon lesquelles des centaines d’exécutions extrajudiciaires auraient eu lieu au Togo au moment de l’élection présidentielle de l’année 1998, a publié son rapport au mois de février. La Commission a confirmé que des pêcheurs avaient vu un grand nombre de cadavres dans la mer et sur les plages du Bénin pendant et après le scrutin de 1998. Elle a conclu que les personnes tuées étaient pour la plupart des partisans de l’opposition, mais aussi des suspects de droit commun, et que « plusieurs éléments apparents semblent indiquer [que les responsables seraient des] personnes appartenant à des forces de sécurité, à la gendarmerie et à des milices travaillant de concert avec celles-ci. Leurs actes comporteraient, en plus d’exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires, des tortures et mauvais traitements infligés à des personnes détenues, ainsi que des viols et des enlèvements de femmes effectués dans certaines régions ». Le rapport évoquait également des allégations de violations des droits humains commises par des milices qui auraient bénéficié du soutien et de l’approbation du gouvernement.
Malgré les assurances données à la Commission par les autorités togolaises, affirmant qu’elles se portaient garantes de la sécurité des témoins, au moins une douzaine de personnes qui avaient témoigné devant la Commission ont été victimes d’intimidations et de harcèlement, à la fois durant la visite de celle-ci et après la publication du rapport. Certaines ont dû se réfugier à l’étranger. D’autres sont au Bénin, où elles sont entrées dans la clandestinité.

Liberté d’expression et de réunion
Les atteintes au droit à la liberté d’expression se sont poursuivies, en particulier contre des journalistes qui ont été emprisonnés en raison de leurs opinions et ont été la cible de harcèlements visant à les réduire au silence.
Les restrictions à la liberté de réunion se sont aggravées après le mois de juin, lorsque la situation est devenue plus tendue en raison de la tenue de procès politiques. Les forces de sécurité ont dispersé à plusieurs reprises des manifestions pacifiques à l’aide de gaz lacrymogènes. Des manifestants ont été arrêtés et, dans certains cas, détenus pendant plusieurs heures. Certaines de ces personnes auraient été frappées lors de leur interpellation.
En juin, le journaliste Lucien Messan a été condamné à dix-huit mois de prison, dont six avec sursis, pour « faux et usage de faux » à la suite de la publication d’un communiqué par l’Association togolaise des éditeurs de presse privée ; il a été gracié et a été libéré en octobre. Ce communiqué critiquait une déclaration faite par le Premier ministre à la Commission des droits de l’homme des Nations unies en mars.
En octobre, les journalistes Nevame Klu, Ganiou Bawa et Rigobert Bassadou ont été détenus pendant une courte période. Ils étaient accusés de diffamation et de diffusion de fausses nouvelles pour avoir publié des articles critiquant un membre du parti au pouvoir et un fonctionnaire local. Leur affaire était toujours en suspens à la fin de l’année.

Visites d’Amnesty International
Aux mois d’octobre et de novembre, des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Bénin et au Ghana pour y rencontrer des Togolais victimes de violations des droits humains.

Traités ratifiés ou signés en 2001
Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

Autres documents d’Amnesty International
Togo. Le temps de rendre des comptes est enfin venu (AFR 57/006/01).

Section d’Amnesty international au Togo
CCNP, BP 20013, Lomé e-mail : aitogo@cafe.tg

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