28/03/2024

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Au Bénin, une contestation qui dure

Par Jean Comte

Après trois mois de grève, les fonctionnaires béninois vont-ils reprendre le travail ? La réponse est attendue cette semaine, après la rencontre entre le chef de l’Etat, Boni Yayi, et les représentants syndicaux, mercredi 12 mars.

Les revendications des grévistes forment un ensemble assez hétéroclite. On y retrouve des demandes liées au salaire et au pouvoir d’achat, comme le relèvement du salaire minimum. Mais aussi des revendications plus politiques, plus sensibles dans cette jeune démocratie âgée d’à peine 24 ans et qui n’a connu que trois présidents différents depuis 1991.

Les grévistes réclament des garanties concernant les libertés syndicales, l’annulation de deux concours de la fonction publique et le limogeage du commissaire central et du préfet de Cotonou, la capitale économique du pays.

CONCOURS MIS EN CAUSE

Le point de départ de cette contestation tourne justement autour de ces concours, organisés à l’été 2012 et qui ont permis de recruter environ 400 fonctionnaires pour le ministère des finances. Or, selon les syndicats, des candidats proches des organisateurs ont été déclarés admis sans même s’être présentés aux épreuves. « Parmi les postes proposés, il y en avait plusieurs d’administrateur financier, un emploi considéré comme assez bien payé », affirme Martin Assogba, président de l’Association de lutte contre le racisme, l’ethnocentrisme et le régionalisme (ALCRER), qui lutte contre la corruption.

Quant au limogeage demandé des deux responsables locaux, il est aussi lié à ces concours. Les syndicats avaient en effet décidé de défiler, le 27 décembre, pour dénoncer les fraudes. Ils voulaient également demander à ce que la liberté d’expression et la sécurité des syndicalistes soient pleinement assurées. Le préfet ayant interdit la marche, s’en est suivie une confrontation avec la police, très violente selon les syndicats. « Il y a eu une vingtaine de blessés graves », assure Dieudonné Lokoussou, secrétaire général de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin.

C’est à la suite de cette altercation que les syndicats ont décidé de se mettre en grève. Depuis début janvier, les administrations n’ouvrent que deux jours par semaine, et restent fermées du mardi au jeudi.

EXCUSES DU PRÉSIDENT

« Chaque jour de grêve coûte 2,5 milliards de Francs CFA [3,8 millions d’euros] à la nation », avance Euloge Zohoungbogbo, journaliste au quotidien La Nouvelle Expression. « En février, le pays était vraiment paralysé, confirme un Français résidant à Cotonou. Mais la situation commence à s’améliorer. » Certains secteurs, comme la santé ou la justice, ont en effet accepté de reprendre le travail durant le mois de mars. « Mais seulement pour laisser une chance au gouvernement, insiste Michel Adjaka, président de l’Union nationale des magistrats du Bénin. Si nous ne sommes pas satisfaits, nous reprendrons la grève dès avril. »

Décidé à débloquer la situation, le chef de l’Etat, Boni Yayi, a rencontré plusieurs représentants syndicaux, mercredi 12 mars. Il a présenté ses excuses pour les violences du 27 décembre. Il a aussi accepté de relever le salaire mensuel minimum à 40 000 Francs CFA (61 euros).

Le président est resté très flou, en revanche, sur les autres revendications. Ainsi, le limogeage du commissaire et du préfet ne seront examinés qu’à la fin d’une procédure judiciaire, lancée par les syndicats et encore en cours. Pour l’annulation des concours, le chef de l’Etat souhaite attendre le rapport d’une commission d’enquête. Celle-ci a rendu ses conclusions le 17 mars, mais elles ne seront examinées que le 21 mars.

« On a l’impression que le gouvernement n’est pas décidé à apporter de vraies solutions », estime Pascal Todjinou. « La montagne a accouché d’une souris », juge quant à lui Martin Assogba. Les syndicats doivent tenir plusieurs assemblées générales cette semaine, pour décider s’ils reprendront le travail la semaine prochaine. Contactés par Le Monde, le cabinet du président Boni Yayi et le préfet de Cotonou n’ont pas donné suite.

Par Jean Comte
Le Monde.fr | 19.03.2014