16/04/2024

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Cadre électoral du Togo : statu quo entre l’opposition et le pouvoir RPT

Malgré les 22 engagements pris le 14 avril 2004 devant l’Union européenne, le dictateur Eyadéma continue de jouer à l ‘arlésienne avec les Togolais. L’enjeu est l’alternance politique au Togo via des élections libres et transparentes. Depuis plus de 40 ans, Eyadéma ne se résout pas à accepter le verdict des urnes et refuse d’instaurer un dialogue franc et sincère avec l’opposition. Il veut continuer à garder la haute main sur l’organisation et le contrôle de toutes consultations électorales. Le nouvel exécutif de l’Union européenne saura-t-il maintenir ses principes face à un tel entêtement? Nous laissons à votre appréciation trois communiqués qui sont le reflet des passes d’armes entre l’opposition et les hommes liges du dictateur.

Document 1 : COMMUNIQUE DU CAR-CDPA-UFC du 27 décembre 2004

R E A C T I O N au refus du RPT de discuter du fond des propositions formulées par le CAR, la CDPA et l’UFC sur le cadre électoral

Dans un document intitulé ‘’Contribution du RPT à l’amélioration du processus électoral’’, en date du 24 décembre 2004, le parti au pouvoir rejette en bloc les propositions formulées le 15 décembre 2004 par le CAR, la CDPA et l’UFC.

Les 3 arguments invoqués à l’appui de ce rejet apparaissent à leur lecture comme étant de pure forme en ce qu’ils n’abordent pas le fond des propositions.

Ils confirment tous trois l’hostilité du RPT au dialogue national et au cadre électoral auxquels il a fait semblant de s’être engagé le 14 avril 2004 à Bruxelles.

A- Premier argument : Le RPT déclare ne pas être disposé à discuter des propositions de nature à le faire revenir sur les modifications qu’il a unilatéralement apportées en décembre 2002 à la Constitution. Il s’agit des propositions concernant :

– les conditions d’éligibilité aux différentes élections,
– les modes de désignation des sénateurs,
– le mode de scrutin
– le règlement du contentieux électoral,
– l’environnement institutionnel.

L’argument dénote un refus manifeste du dialogue. La question n’est pas en effet de savoir si la disposition électorale à améliorer est une loi constitutionnelle, une loi ordinaire ou un texte réglementaire. L’important est de s’assurer que la proposition de révision est fondée, c’est-à-dire nécessaire à la régularité, à l’équité et à l’utilité des élections. Ce à quoi se dérobe le RPT.

B- Deuxième argument : Le RPT se refuse également à discuter des propositions ayant trait au montant du cautionnement, au recensement électoral et au découpage électoral, au motif que leur mise en œuvre relève du domaine réglementaire.

Tout comme le premier argument qu’il ne fait que reprendre à un échelon différent, ce second argument illustre le manque de volonté du RPT à œuvrer à l’amélioration du cadre électoral en vigueur.

Et c’est à dessein. Il sait en effet pertinemment que c’est uniquement dans le cadre du dialogue national que peut s’établir le consensus requis sur les points en question. A défaut, il est illusoire de s’attendre à ce consensus de la part du Ministère de l’intérieur ou d’une CENI dominée par le parti au pouvoir et ses alliés.

C- Troisième argument : Le RPT estime que point n’est besoin de mettre en discussion les questions concernant la CENI, les structures électorales locales, les cas d’incompatibilité avec le mandat des députés et à l’observation des élections sous prétexte que ces points ont été déjà pris en compte par le Comité chargé de faire les propositions en vue de l’amélioration du cadre électoral.

A travers ce raisonnement, le RPT s’enferme dans une contradiction flagrante. Il ne peut en effet, après avoir accepté que le sujet concernant le cadre électoral soit inscrit à l’ordre du jour du dialogue national, chercher à se soustraire aux discussions des propositions du CAR, de la CDPA et de l’UFC relatives à la CENI, aux structures électorales locales et aux autres points ci-dessus mentionnés, en s’abritant derrière l’alibi tiré du Comité de réflexion auquel il fait allusion. Ce comité préparatoire n’avait pas été créé en substitution du dialogue national.

Fait à Lomé, le 27 décembre 2004

Pour :

Le CAR Me Yawovi AGBOYIBO
la CDPA M. Léopold GNININVI
l’UFC E. AKITANI-BOB

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Document 2 : LETTRE DU RPT ( PARTI UNIQUE A L’ASSEMBLEE ) AU PREMIER MINISTRE RPT
Contribution du RPT à l’amélioration du processus électoral
A l’attention du Premier Ministre

A l’issue de la réunion du mercredi 15 décembre 2004 à laquelle le Premier ministre a convié les formations politiques et la société civile pour discuter du cadre électoral, le RPT s’est réjoui d’une telle initiative et a saisi l’occasion pour féliciter le gouvernement pour les actions déjà accomplies et pour l’encourager à poursuivre la mise en œuvre des mesures engagées notamment le projet de loi relatif au financement des partis politiques et la réforme de la CNDH
Au cours de cette réunion, le CAR, la CDPA et l’UFC ont adressé au Premier ministre une déclaration contenant leurs préoccupations relatives au cadre électoral. Cette déclaration a été lue et distribuée à toutes les formations au cours de la séance. Suite à cette déclaration le RPT fait les observations ci-après :

Sur le fond de la question, à savoir le cadre électoral, le RPT estime qu’il est essentiellement constitué du code électoral et des textes réglementaires organisant les opérations électorales. Il précise que les 22 engagements pris par le gouvernement le 14 avril 2004 à Bruxelles, ne font aucune mention, ni à la constitution, ni de l’élection présidentielle.
En conséquence :
1. Les propositions tendant à revoir certaines dispositions contenues dans la constitution, notamment :
– les conditions d’éligibilité aux différentes élections, le mode de désignation des sénateurs ;
– le mode de scrutin
– le règlement du contentieux électoral ;
– l’environnement institutionnel ;
ne peuvent pas faire l’objet de discussion.
2. La mise en œuvre des propositions relevant du domaine réglementaire dépendra de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et de l’Administration électorale. Il s’agit en l’occurrence :
– du montant du cautionnement pour les diverses élections
– du recensement électoral,
– du découpage électoral.
3. Les points suivants :
– la CENI et les structures électorales locales ;
– les cas d’incompatibilité avec le mandat de député,
– l’observation des élections
sont déjà pris en compte par le Comité chargé de faire des propositions en vue de l’amélioration du Code électoral.

Lomé, le 24 décembre 2004
Dama DRAMANI
Secrétaire Général

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Document 3 : CADRE ELECTORAL: LES 11 PROPOSITIONS DU CAR, DE LA CDPA ET DE L’UFC
A Monsieur le Premier Ministre de la République Togolaise

Nos trois partis, le CAR, la CDPA et l’UFC ont reçu la lettre en date du 13 décembre 2004 par laquelle vous avez bien voulu les inviter à prendre part à une réunion le mercredi 15 décembre 2004 à 9 heures à la Salle Entente du CASEF avec pour ordre du jour, l’examen du cadre électoral.

Il s’agit là , nous en convenons tous , du thème central des 22 engagements. Et ce n’est pas par hasard. Car si depuis 1990, nos populations se sont battues avec d’immenses sacrifices en vies humaines, en intégrité physique, de dégâts matériels et de départs massifs en exil, c’est pour pouvoir jouir d’un cadre électoral qui leur permette de choisir librement leurs dirigeants.

Le sujet mérite donc d’être abordé avec tout le sérieux qu’il faut. C’est pourquoi nos trois partis tiennent à déplorer à nouveau que cette rencontre ait été initiée sans qu’un accord soit intervenu sur les modalités du dialogue national, notamment sur la procédure de règlement des points de divergence.

Ce d’autant plus que le cadre électoral auquel vous vous étiez engagé le 14 avril 2004 à Bruxelles et que le Conseil de l’UE a rappelé dans sa décision du 15 novembre 2004, nécessite l’adhésion de toutes les parties prenantes au dialogue national.

C’est à cet effet que nous avons précédemment proposé qu’un médiateur neutre soit désigné d’un commun accord. C’est la seule façon d’éviter que le dialogue national ne continue à être un dialogue de sourds.

Malheureusement, votre délégation a rejeté l’idée. C’est pour cette raison que les discussions n’ont pas jusqu’à ce jour , démarré.

Nous voudrions toutefois, dans le prolongement de notre déclaration du 14 octobre 2004, exposer les grandes lignes de nos propositions afférentes au cadre électoral.

Il va de soi qu’en cas de désaccord de votre délégation, les propositions que nous formulerons à l’instant ne sauraient être soumises à des discussions de fond qu’une fois que nous nous serions entendus avec vous sur la manière de régler les points de divergence.

Ces propositions sont inspirées par le souci de trouver des solutions consensuelles aux préoccupations que nos trois partis n’ont cessé d’exprimer depuis des années.

Les préoccupations en question portent essentiellement sur onze points :

1. la CENI et les structures électorales locales

2. les conditions d’éligibilité aux différentes élections

3. les cas d’incompatibilité avec le mandat de député

4. le mode de désignation des sénateurs

5. le mode de scrutin

6. le découpage électoral

7. le montant du cautionnement pour les diverses élections

8. le recensement électoral

9. le règlement du contentieux électoral

10. l’observation des élections

11. l’environnement institutionnel

Les propositions afférentes à chacun de ces points sont les suivantes :

S’agissant de la CENI et des structures électorales locales :

a)il importe que la CENI soit rétablie, en application des indications de l’engagement n° 1-3, dans les fonctions d’organisatrice des élections qui lui ont été assignées par l’Accord cadre de Lomé.

Cela implique le rétablissement des articles 9, 10, 11, 12 et 13 du code électoral du 05 avril 2000 et des articles qui en sont dérivés, avec pour conséquence, l’abrogation des dispositions correspondantes des lois modificatives du 12 mars 2002 et du 7 février 2003.

b)il convient de rétablir dans les mêmes conditions, les commissions électorales locales, les commissions des listes et cartes, les comités des listes et cartes, les structures de gestion du vote au jour du scrutin :

– dans leur composition paritaire entre le pouvoir et l’Opposition

– dans leurs attributions garantissant la préparation conjointe des élections par le pouvoir et l’opposition.

Il y a lieu de rétablir à cet effet les articles 21 à 34 du code électoral du 5 avril 2000 et les articles qui en sont dérivés avec l’abrogation subséquente des dispositions correspondantes des lois modificatives susvisées du 12 mars 2002 et du 7 février 2003.

c)Il importe, pour une composition appropriée de la CENI et des structures électorales locales, de préciser les contours de la notion d’opposition.

Pour ce qui concerne les conditions d’éligibilité :

a) il faut s’en tenir aux dispositions de l’article 62 de la Constitution du 14 octobre 1992 qui stipule : être « de nationalité togolaise de naissance ».

b) supprimer le délai de résidence pour les élections aussi bien législatives que présidentielles pour tenir compte du départ de nombreux Togolais contraints à l’exil par la situation politique du Togo.

Les cas d’incompatibilité :

L’interdiction de cumul de la profession d’avocat avec le mandat de député ou de sénateur est abusive et discriminatoire en tant qu’elle ne se justifie guère et ne s’applique pas aux pratiquants des autres professions libérales (architectes, notaires, huissiers, médecins, vétérinaires…)

4.Pour ce qui concerne le Sénat, au cas où sa création serait jugée opportune par le dialogue national, il conviendrait :

a) d’abroger les innovations de la constitution habilitant le Chef de l’Etat à nommer d’autorité le tiers de ses membres

b) de faire élire ses membres au suffrage direct

c) de réexaminer ses prérogatives

5. Pour le mode de scrutin
Il faut revenir au système uninominal majoritaire à deux tours pour les élections présidentielles et législatives.

6. Concernant le découpage national pour les élections législatives :
Il convient de le revoir pour l’ajuster à la configuration démographique du pays et la continuité territoriale.

7. S’agissant du cautionnement :
Il est nécessaire de le ramener :

a) pour les élections présidentielles, à 5.000.000 F CFA

b) pour les élections législatives, à 100.000 F CFA

c) pour les élections locales :

-à 50 000 F CFA par liste de conseillers au nombre inférieur ou égal à 10
-à 75 000 F CFA par liste de conseillers au nombre compris entre 10 et 25
-à 100 000 F CFA par liste de conseillers au nombre supérieur à 25

8. Règlement du contentieux électoral :
Il convient :

a) de rétablir la procédure préliminaire de règlement à l’amiable des plaintes électorales par la sous-commission du contentieux

b) de recomposer la Cour Constitutionnelle

9. Observation des élections :
Conformément à l’article 9 (12è tiret) du Code électoral du 05 avril 2000, il importe de rétablir l’implication des observateurs nationaux dans les processus électoraux.

10. Recensement électoral :
Compte tenu des contestations multiples du ficher électoral (radiations injustifiées, gonflement des listes, maintien des noms de personnes décédées, refus d’inscription de certains citoyens ne se trouvant pas sur la liste à leur majorité), il s’avère nécessaire de procéder à un recensement électoral pour obtenir un fichier fiable.

11. Environnement institutionnel :
Il ne peut y avoir d’élections régulières, susceptibles de déboucher sur un gouvernement apte à imprimer un nouvelle orientation à la gestion du pays sans un environnement institutionnel propice à cet effet.

C’est pourquoi les trois partis auteurs des présentes propositions estiment qu’il est indispensable d’abroger les diverses modifications constitutionnelles de décembre 2002 visant à dépouiller à l’ avance, le gouvernement éventuel de cohabitation de ses prérogatives par le renforcement des pouvoirs du Président de la République et sa mainmise sur toutes les institutions de l’Etat.

Il importe notamment de garantir :
– la nomination du Premier ministre au sein de la majorité,
– le rétablissement au Premier Ministre du pouvoir de nomination aux emplois d’Etat pour la mise en œuvre de son programme de gouvernement
– le libre fonctionnement des institutions : les Cours et Tribunaux, la HAAC, la Cour Constitutionnelle…

Tels sont, Monsieur le Premier Ministre, les divers aspects sur lesquels le cadre électoral en vigueur doit être révisé pour que les élections à venir soient régulières et opportunes.

Fait à Lomé, le 15 décembre 2004

Pour :
Le CAR
Yawovi Agboyibo la CDPA
Léopold Gnininvi l’UFC
E. Akitani Bob