28/03/2024

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Chronique de la commémoration du Xe anniversaire de l’assassinat de Tavio AMORIN

Diverses manifestations viennent d’avoir lieu, tant au Togo que dans les pays de résidence de la diaspora togolaise, à l’occasion de la commémoration du Xe anniversaire de l’assassinat de Tavio AMORIN. Elles ont contribué à entretenir, avec vivacité, la mémoire de TAVIO au sein de la jeunesse et du peuple togolais. Le régime RPT, en place au Togo, qui protège les assassins de Tavio n’a pas voulu que la plupart des manifestations publiques aient lieu à l’intérieur du pays.

Il y a lieu de rappeler que c’est le jeudi 23 juillet 1992, vers 21H, que Tavio Ayao Amorin, Premier Secrétaire du Parti socialiste Panafricain (PSP), Membre du Haut Conseil de la République (HCR), Secrétaire général du COD II, Membre fondateur du Mouvement patriotique du 5 octobre (MO 5) a été victime d’un attentat, dans le quartier de Tokoin Gbonvié à Lomé, perpétré par les policiers Boukpessi et Karéwè Kossi.
Evacué à l’Hôpital St Antoine, à Paris, il devait y mourir, le 29 juillet 1992, à 34 ans. Jusqu’à ce jour, une totale impunité couvre cet acte criminel perpétré par des assassins qui sont parfaitement connus.

Au Togo, ces manifestations se sont déroulées comme suit :

— Dimanche 22 juillet 2002, de 12H à 13H : Débat avec des représentants du Regroupement «Quelle solution pour le Togo ? » sur la radio libre Nana FM.
Animé par le directeur de cette radio, Pierre Dogbé, ce débat fut l’occasion de revenir sur le combat de Tavio Amorin, de discuter de la situation actuelle de la jeunesse togolaise et de présenter le programme des manifestations de commémoration prévues.

— Mardi 23 juillet 2002, 7H, à Lomé : sur l’initiative du Regroupement «Quelle solution pour le Togo ? » , dépôt de gerbes à Tokoin Gbonvié.
A l’endroit même où, le 23 juillet 1992, les policiers Boukpessi Pangayou et Karèwè Kossi ont vidé les chargeurs de leurs pistolets mitrailleurs sur Tavio Amorin.
Bien qu’étant interdite, cette cérémonie a bel et bien eu lieu.
Ce même jour dans le nord du Togo, à Siou (Préfecture de Doufelgou), deux jeunes enseignants: Djaoura Tiguéna et Takana Badjessa, ont été interpellés, sans aucun mandat judiciaire, vers 12H 30, par trois éléments de la Gendarmerie, à savoir, le Commandant de brigade (CB) de Niamtougou, en civil, et deux de ses éléments. Ils sont incarcérés, depuis leur enlèvement, à la Prison civile de Kara., pour le motif qu’ils détenaient le document appelant à la commémoration du Xe anniversaire de l’assassinat de Tavio.

— Jeudi 25 juillet 2002, 15 H : sur l’initiative de la famille de Tavio Amorin, Réunion-débat au Foyer Pie XII, à Lomé, sur le thème : «Etat de la lutte pour la démocratie au Togo».
Animée par Alexandre Amorin, frère de Tavio, un responsable du Cercle des amis de Tavio Amorin (CASATA) et Atutsé Agbobli, ami de parents de Tavio, elle a vu la participation des responsables de tous les partis de l’opposition togolaise et plusieurs responsables d’associations.
Etaient notamment présents :
* Aimé Tchabouré Gogué, de l’ADDI ;
* Me Hégbor, du CAR ;
* Léopold Messan Gnininvi, de la CDPA ;
* Emmanuel Gu-Konou de la CDPA-BT ;
* Jean-Lucien Savi de Tové, Zeus Ajavon et Cornélius Aïdam de la CPP ;
* Claude Améganvi, du Parti des travailleurs ;
* Amavi de l’UDS-Togo ;
* Akitani Bob, Jean-Pierre Fabre et Patrick Lawson de l’UFC ;
* François Gayibor, de l’ATDPDH.
Bien que faible au début de la réunion, l’affluence a été plus fournie vers la fin avec la participation de nombreux jeunes. Manifestement, les partis n’avaient pas fortement mobilisé leurs militants, il faut toutefois indiquer que le traumatisme des massacres des 25/30 et 31 janvier 1993 à Fréau jardin et au quartier Bè, marque encore les esprits.

Tout en étant l’occasion de rendre hommage à la mémoire du disparu, le débat tourna autour du bilan de la lutte menée depuis le soulèvement populaire du 5 octobre 1990, et des dialogues qui ont eu lieu entre les principaux partis de l’opposition démocratique et le régime.

Il convient de retenir des conclusions de ce débat qu’on ne peut pas dialoguer avec ce régime qui tue et pour qui les dialogues ne sont que des manœuvres pour se maintenir en place. Il faut donc les éviter à l’avenir et s’attacher plutôt à réorganiser la lutte du peuple togolais pour en finir avec cette dictature.

— Samedi 27 juillet :
 7H : la procession pacifique, sur l’initiative du Regroupement «Quelle solution pour le Togo ? » qui devait partir de Tokoin Gbonvié jusqu’au Cimetière de la Plage a été interdite par le Ministre de l’Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation, le Général Akawilou Sizing Walla.

Alors que les manifestants se rassemblaient pacifiquement à proximité du lieu de départ de cette manifestation, ils ont été violemment dispersés par les forces de l’ordre envoyées sur place. Cette répression violente occasionna un blessé grave, Kotsolé Kokou qui, après avoir reçu des coups de matraque sur la tête et au bras par un policier, s’effondra.
Cette brutalité gratuite, inspirée par une incroyable méchanceté qui aurait pu avoir de graves conséquences pour la victime suscita de si fortes émotions et indignation au sein de toute la population qui assistait, de loin, à la scène que le commissaire de police qui commandait le détachement d’éléments de la brigade anti-gang de la Police et de la Gendarmerie, lui-même surpris par le tour tragique des événements, appela les sapeurs pompiers, sur son téléphone portable. Transporté par les sapeurs pompiers à l’Hôpital de Tokoin, Kotsolé Kokou, y a été admis au service des urgences soins chirurgicaux pour y être soigné des traumatismes dont il souffrait. Fort heureusement, on ne dénote pas, pour l’instant, de graves conséquences, pour sa santé.

 18H 30 : Une veillée de chants et de prières, organisée par la famille de Tavio AMORIN eut lieu à son domicile de Bè Klikamé, quartier situé au nord de la ville de Lomé.

De nombreux parents, amis et citoyens y ont pris part parmi lesquels la plupart des responsables des partis de l’opposition démocratique. A ceux précédemment cités pour leur participation à la Réunion-débat du 25 juillet au Foyer Pie XII, il faut ajouter la présence d’Antoine Folly de l’UDS-Togo, Edem Kodjo de la CPP, Norbert Tétévi Gbikpi-Bénissan, Secrétaire général de la centrale syndicale UNSIT.

— Dimanche 28 juillet :
 8H : Sur l’initiative du Regroupement «Quelle solution pour le Togo ? », une discrète cérémonie de recueillement sur la tombe de Tavio AMORIN, au Cimetière de la Plage eut lieu.

Ce fut l’occasion, pour la délégation de ce regroupement, de rendre hommage au disparu, après l’interdiction, par le régime RPT, des manifestations publiques auxquelles il avait appelées. La banderole confectionnée pour les manifestations, finalement interdites, a été déployée à cette occasion. On pouvait constater, au cimetière, que la famille AMORIN avait agréablement fleurie et entretenu la tombe de Tavio.

 10 H : à la demande de la famille AMORIN, une messe d’action de grâce a été célébrée en l’Eglise catholique Notre Dame de la rédemption de Bè Klikamé.

L’affluence de parents, amis et citoyens fut massive dans cette église qui se révéla trop petite pour contenir cette trop nombreuse foule. Comme la veillée funèbre de la veille, la messe fut marquée par un triste événement : le curé de la paroisse, par crainte des réactions du régime contre sa personne, refusa de lire les textes choisis par la famille pour cette commémoration.
A la fin de la messe, un repas fraternel rassembla, au domicile familial, à Bè Klikamé, les parents et amis.
A cette occasion, fut diffusée une plaquette de commémoration de ce Xe anniversaire, agrémentée de nombreuses photos du disparu. Cette plaquette présente la biographie de Tavio AMORIN, certaines de ses interventions notamment celle qu’il a faite à la Conférence nationale souveraine, des messages de son fils, Eugénio, de ses neveux, la Lettre ouverte adressée au Président de la République, Gnassingbé Eyadéma, par la famille et dont la demande essentielle se dégage des lignes suivantes :
«Dans les tous prochains jours, nous allons déposer une plainte auprès du procureur de la République contre X pour tentative d’assassinat et assassinat. Nous nous porterons partie civile.
Nous osons croire que rien ni personne ne s’opposera à cette action car nous sommes déterminés à obtenir que justice soit rendue.
Nous entendons sentir le poids de vos fonctions dans notre légitime action de recherche de la vérité dans cette douloureuse affaire qui nous a tant traumatisés.»

Dans les pays de résidence de la diaspora togolaise

A toutes les manifestations qui eurent lieu au Togo même, il convient d’ajouter les multiples formes de commémoration qui eurent lieu, sur l’initiative de la diaspora togolaise dans les différents pays de résidence de ses membres.
Les manifestations, organisées sur le sol national ont été relayées sur les sites Internet de la diaspora togolaise en particulier sur togoforum, diastode.org et letogolais.com sur lesquels de nombreux messages, poèmes et articles ont été publiés.
La proposition qui a notamment été faite, depuis la Belgique, par un membre du MO5, d’instituer un prix littéraire Tavio AMORIN marque, de façon significative, cette volonté de nombre de Togolais d’entretenir sa mémoire au sein de tout le peuple togolais.

Principaux enseignements

Il faut retenir que, quelles que soient les difficultés auxquelles ont été confrontées toutes les manifestations de commémoration organisées au Togo, celles-ci marquent incontestablement un succès et une victoire des forces démocratiques sur le régime RPT en place au Togo. Les déclarations scandaleuses que ce régime a notamment fait lire sur les médias publics n’ont fait que confirmer, à nouveau, les fortes présomptions qui pèsent sur lui comme étant le commanditaire de l’assassinat de Tavio AMORIN. Ces déclarations reprennent la thèse présentée pour la première fois par le Ministre de l’Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation, le Général Akawilou Sizing Walla, dans sa réponse à la Lettre d’information du Parti des travailleurs sur l’organisation de manifestations pacifiques à l’occasion de la commémoration de ce Xe anniversaire de l’assassinat de Tavio AMORIN, réponse qui a été transmise à la presse.
En effet, au nom du régime auquel il appartient, le Général Walla, donnait l’explication étonnante suivante :

«Pendant la période dite de la transition, notre pays a connu en raison du désordre provoqué par l’opposition irresponsable, nombre d’événements dramatiques aux sources variées. (…)
En effet, faut-il rappeler que les auteurs de la mort de Tavio AMORIN n’étaient personne d’autres que ses propres amis politiques de l’opposition : l’expertise médicale ayant révélé que le coup de grâce ayant entraîné la mort était provoqué par l’usage d’une arme blanche à plusieurs endroits sur le corps de la victime au cours de son transport de l’Hôpital à l’Aéroport, assuré par le Docteur IHOU alors Ministre de la Santé Publique.»

Pourtant, à la mort de Tavio AMORIN, en juillet 1992, le même régime (dont le Chef de file, le Président de la République, Gnassingbé Eyadéma, avait tenu à adresser publiquement ses condoléances à la famille), avait présenté ses assassins comme étant des «fous».

Pourquoi ce régime a-t-il mis tout en œuvre pour interdire, sans succès, ces manifestations de commémoration ?

Force est de constater, que ce même régime n’a fait que contribuer à raviver la mémoire de Tavio AMORIN ainsi que celle de toutes les victimes de l’arbitraire et de la répression au Togo . Plus que jamais, les togolais sont renforcés dans l’exigence que justice soit rendue. Nul doute que cela comptera dans les développements à venir dans ce pays.

La rédaction