A deux semaines des élections présidentielles au Togo, une délégation représentant les associations signataires de la déclaration commune sur le Togo (FIACAT, Secours Catholique et Survie) a rencontré un responsable du cabinet du Ministre des Affaires étrangères. Lors de cet entretien du 12 mai, la délégation a rappelé ses vives inquiétudes devant l’absence de transparence et l’iniquité du processus électoral en cours. Elle a insisté sur les violations, nombreuses et permanentes, des droits de l’Homme, dont des sources crédibles et concordantes font régulièrement état. Elle a demandé à la France de se saisir plus fermement de la situation en faisant connaître à son partenaire togolais ses préoccupations, afin que soient respectées les règles démocratiques élémentaires et les droits humains, comme le demande la société civile togolaise.
Le Togo est dirigé depuis 36 ans par le président Gnassingbé Eyadéma, parvenu au pouvoir en 1967 suite à un coup d’Etat. Après une réélection très controversée du président en 1998, la France, avec d’autres partenaires européens, s’était engagée à soutenir un processus devant permettre le rétablissement des règles démocratiques (Accord cadre de Lomé).
Les associations constatent que ce processus a été remis en cause par les décisions unilatérales du gouvernement togolais, en particulier la modification en décembre 2002 de la constitution permettant au Président Eyadéma de se représenter, la révision du code électoral en février 2002 interdisant aux candidats en exil de concourir aux élections et la remise en cause du rôle de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et de son statut indépendant en février 2003.
L’augmentation inquiétante des atteintes aux droits de l’Homme, à la liberté d’expression et à la liberté de la presse, et l’atmosphère de peur qui règne actuellement au Togo, ne permettront pas au peuple togolais de « s’exprimer librement » le 1er juin.
Par ailleurs, l’exclusion du principal leader de l’opposition du scrutin et les premières manifestations de contestation, parfois violente, comme l’incendie d’une station Total le 7 mai, laissent présager que le processus en cours de « confiscation des élections » met en péril la paix sociale du pays.
Le gouvernement français « a formé le vœu que la campagne qui s’ouvre permette à toutes les opinions politiques de s’exprimer à travers un processus électoral transparent ». Nos associations lui demandent d’adopter une position plus ferme afin que la sécurité de tous les membres de la société civile, et notamment des partisans de l’opposition, soit garantie, que tous les partis concourant à l’élection aient un accès égal et libre aux médias, et que la CENI, en l’absence de toute observation internationale crédible, retrouve son indépendance et son rôle d’organisation et de supervision des élections.
Contacts presse :
ACAT : Hélène Palard, Tel : 01 40 40 42 43, helene.palard@acat.asso.fr
SECOURS CATHOLIQUE : Département Relations Médias, 01 45 49 73 23 dept-relations-medias@secours-catholique.asso.fr
SURVIE : Sophie Brondel, 01 44 61 03 25, sophie.survie@wanadoo.fr
————————————————————–
ANNEXE
DECLARATION COMMUNE SUR LA SITUATION POLITIQUE DU TOGO
Paris, le 5 mai 2003
Le Togo est dirigé depuis 36 ans par le Président Gnassingbé Eyadéma, parvenu au pouvoir après avoir participé à un coup d’Etat en 1963. Depuis l’échec sanglant de l’ouverture démocratique de 1991, ce pays est plongé dans une situation de crise politique, sociale et économique dont les conséquences continuent d’être durement ressenties par la population.
La situation s’est considérablement aggravée à la suite de la réélection très controversée du Général Eyadema en 1998. C’est dans ce contexte que fut mis en place un processus de facilitation sous l’égide de l’Union Européenne, la France, l’Allemagne et de la Francophonie, dit « Accord-cadre de Lomé ». Ce processus devait permettre la reprise du dialogue entre les différentes formations politiques du pays, le rétablissement des règles démocratiques et, au delà, de la coopération internationale. Signé en 1999 par les différents partis, « l’Accord-cadre de Lomé » prévoyait, en particulier, la création d’une Commission Electorale Nationale Indépendante, la CENI, chargée de garantir la transparence des élections futures Or, toutes celles qui ont eu lieu depuis lors ont été caractérisées par une fraude avérée. Cet accord a également été vidé de sa substance entre 1999 et 2003 par des actes posés, de manière unilatérale, par le gouvernement :
· révision du code électoral en février 2002 interdisant aux candidats en exil et/ou de double nationalité de se présenter aux élections
· organisation unilatérale d’élections législatives anticipées en octobre 2002
· révision en décembre 2002 de la constitution de 1992 qui limitait à deux le nombre des mandats présidentiels, ceci contrairement aux engagements pris par le président Gnassingbé Eyadema en 1999 de ne pas réviser la constitution et de ne plus se représenter en 2003 au terme de son second mandat.
· remise en cause du rôle de la CENI et de son statut indépendant en février 2003 (la CENI étant présidée par un juge nommé par le pouvoir et étant dépossédée, au profit du Ministère de l’intérieur, de l’organisation des élections)
Comme le soulignent les évêques du Togo, dans une lettre du 19 mars 2003, de tels actes mettent en péril la paix dans le pays.
Au cours de l’année 2002, il a été observé une augmentation inquiétante des atteintes à la liberté d’expression et à la liberté de la presse : mesures d’intimidation, menaces, arrestations visant aussi bien les partis d’opposition, les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme que les hommes d’Eglise, fermeture de radios et de journaux. Ces faits ont été dénoncés à plusieurs reprises ces derniers mois par de nombreuses organisations de défense des droits de l’Homme ainsi que par le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies (observations finales du 28 novembre 2002). L’atmosphère de peur qui règne actuellement au Togo ne permettra pas au peuple togolais de « s’exprimer librement » lors des prochaines élections présidentielles fixées au 1er juin 2003, comme l’exige pourtant l’Article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié en 1984 par le Togo.
La tenue d’élections démocratiques est une condition fondamentale à la garantie d’un avenir pacifique au Togo. Les violations massives des droits humains perpétrées à l’occasion des précédentes élections de 1993, 94 et 98 font craindre pour les élections à venir du 1er juin. Si les partenaires internationaux, garants de l’accord cadre de Lomé, et en particulier le gouvernement français, partenaire privilégié du Togo, ne se saisissent pas de la situation pour marquer leur désapprobation , sous prétexte de « neutralité » ou de « respect de l’indépendance » du pays, ils se rendent complices de la poursuite de la dégradation globale de ce pays.
Dans ce contexte, nous en appelons à ces partenaires internationaux, pour qu’ils fassent pression sur le gouvernement togolais afin que :
· les dispositions internationales relatives aux droits de l’homme soient respectées avant, pendant et après les élections ;
· les prisonniers d’opinion soient libérés ;
· la sécurité de tous les membres de la société civile, et notamment des partisans de l’opposition, soit garantie lors des élections ;
· les libertés d’expression, de réunion et de circulation des organisations de la société civile (associations de droits de l’homme, partis, syndicats, Eglises, médias..) soient respectées sur l’ensemble du territoire ;
· tous les partis concourant à l’élection aient un accès égal et libre aux médias ;
· la CENI retrouve son indépendance et son rôle d’organisation et de supervision des élections.
Premières associations signataires :
ACAT FRANCE ( Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture)
COMMUNAUTE D’EGLISE EN MISSION-CEVAA
JUSTICE ET PAIX-FRANCE
SERVICE PROTESTANT DES MISSIONS – DEFAP
SECOURS CATHOLIQUE/CARITAS FRANCE
SURVIE
CANADIAN CATHOLIC ORGANIZATION FOR DEVELOPMENT AND PEACE
MISSION DE L’EGLISE EVANGELIQUE PRESBYTERIENNE – Allemagne du Nord (Norddeutsche Mission)
CARITAS ALLEMAGNE –département international (DCV)
FIACAT (Fédération Internationale de l’ACAT)
FIDH (Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme)
FRANCISCANS INTERNATIONAL, Genève
OMCT (Organisation Mondiale contre la Torture), Genève
More Stories
Niger : « Tous les efforts doivent être fournis pour sortir de l’infernale spirale qui tire la région vers une conflagration »
Apartheid législatif au Togo (acte1) : la délivrance sélective de la carte d’électeur
Lettre ouverte au Président Emmanuel MACRON