25/04/2024

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Empêcher l’explosion en Côte d’Ivoire

Au moment où la Côte d’Ivoire a, enfin, une chance de mettre un terme à onze années de crise et de violences, le pays court le risque d’être emporté par un embrasement de grande ampleur.

En principe, la commission électorale indépendante (CEI) aurait dû annoncer, mercredi 1er décembre à minuit, le résultat du deuxième tour de l’élection présidentielle de dimanche. Elle aurait dû dire qui, du président sortant, Laurent Gbagbo, ou de son opposant, l’ancien premier ministre Alassane Ouattara, l’a emporté.

Elle réclame encore un peu de temps, et il faut le lui laisser, tant l’enjeu est important. La commission, et personne d’autre, doit rester maîtresse de la proclamation des résultats.

La dernière fois que les Ivoiriens ont élu leur président, en 2000, le vainqueur, M. Gbabgo, avait lui-même qualifié de « calamiteux » le scrutin qui l’avait porté au pouvoir. L’année précédente, un coup d’Etat avait ouvert une période d’instabilité. En 2002, une rébellion a pris la moitié nord de ce pays, qui fut un temps l’un des plus développés de l’Afrique de l’Ouest. La rébellion a instauré une partition de la Côte d’Ivoire qui n’a pris fin qu’avec la signature d’accords de paix en 2007.

Ces accords dictaient les conditions d’une élection présidentielle, repoussée depuis 2005. Le second tour de la première élection présidentielle de l’histoire du pays ouverte à tous les candidats a donc eu lieu dimanche et « s’est globalement tenu dans un climat démocratique », selon le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU. Il en va tout autrement, depuis, de la phase de calcul et de proclamation des résultats. Des méthodes de voyou, avec intimidation et insultes, ont été employées pour perturber le travail de la CEI, organisme composé de représentants des principales tendances politiques, à commencer par ceux de M. Gbagbo et M. Ouattara.

Des manoeuvres similaires ont empêché la publication des résultats du scrutin. Et c’est ainsi que le mandat de la CEI pour annoncer le verdict des urnes a expiré mercredi soir. Mais, dans la foulée, le camp présidentiel a exigé que le Conseil constitutionnel, institution contrôlée par des proches de M. Gbagbo, soit chargé de la proclamation des résultats et qu’il annule le vote de la plupart des bastions électoraux de M. Ouattara.

Ce n’est pas acceptable. Cette tentative ouvre la voie à une transformation complète du processus électoral, avec pour conséquence de pousser le pays vers la violence, voire à une reprise de la guerre civile.

Avant que la Côte d’Ivoire ne replonge dans l’inconnu, il est urgent de trouver les moyens de prolonger le travail de la CEI. Urgent de lui laisser les quelques jours nécessaires pour arriver à des résultats nationaux, malgré ses divisions. Ils pourront être comparés avec les calculs de l’ONU, qui possède son propre jeu de procès-verbaux du scrutin et a pour mission de « certifier » le résultat final. Si ce scrutin est « historique », c’est bien pour mettre un terme à l’aventurisme politique qui prévaut depuis une décennie.

Editorial du « Monde » du 03/12/2010