19/04/2024

Les actualités et informations générales sur le Togo

Faire échec au coup de force électoral au Togo

Un retour à l’ordre constitutionnel en trompe l’œil

Des sanctions fermes et convergentes ont fini par conduire Monsieur Faure Gnassingbé à la démission le 26 février 2005. Le même jour Monsieur Abass Bonfoh, premier Vice Président de l’Assemblée Nationale, a été désigné président de l’Assemblée Nationale et, par conséquent, Président de la République par intérim.

La seule démission de Mr Faure Gnassingbé a donc été considérée par la Communauté Internationale comme le retour à la légalité constitutionnelle ouvrant la période de 60 jours au cours de laquelle le corps électoral doit être convoqué pour des élections présidentielles, conformément à l’article 65 de la constitution de la République Togolaise.

Pourtant, dans le strict respect de la Constitution togolaise, tous les auteurs du coup d’Etat militaire et constitutionnel devraient être jugés . Car comme le stipule l’article 148 de la même constitution, « toute tentative de renversement du régime constitutionnel par le personnel des Forces Armées ou de Sécurité publique, par tout individu ou groupe d’individus, est considérée comme un crime imprescriptible contre la Nation et sanctionnée conformément aux lois de la République.». Le réalisme suggère néanmoins qu’un accord politique d’envergure puisse permettre de sortir du blocage institutionnel que de telles sanctions causeraient, l’Etat et ses institutions, y compris l’armée, étant contrôlés par les auteurs du putsch.

L’Union Africaine et la CEDEAO, qui ont positivement surpris par le précédent salutaire qu’elles ont créé au Togo, embarrassent aujourd’hui l’opinion togolaise et internationale. En effet, l’entière marge de manœuvre laissée aux putschistes pour qu’ils organisent les futures élections présidentielles à leurs conditions constitue, de fait, un aval donné au régime pour commettre un nouveau coup de force électoral. L’occasion est ainsi clairement offerte à Mr Faure Gnassingbé d’usurper le pouvoir par tous les moyens, y compris par des élections non transparentes, organisées à la sauvette.

Déroulement des événements depuis le 26 février

26/02/05 Démission de Faure Gnassingbé et levée immédiate, sans condition, des sanctions de la CEDEAO. Les sanctions de l’Union Africaine, alignée sur celles de la CEDEAO furent également automatiquement levées

28/02/05 Une Haute Délégation de la CEDEAO se rend à Lomé et rencontre les principaux partis de l’opposition togolaise et le parti au pouvoir.
La Délégation de la CEDEAO amène tous les partis à s’accorder sur les principaux points de divergence, ce qui aboutit à un accord relevant neuf mesures à adopter par le Gouvernement togolais, dans le cadre de futures élections.

Un appel est lancé à la Communauté internationale pour qu’elle apporte d’urgence des ressources nécessaires à la tenue des élections.

02/03/05 La CEDEAO appelle au démarrage du processus électoral et elle déclare que la période intérimaire de 60 jours débute à la date de la prise de fonction De Mr Abass Bonfoh ; elle propose la tenue des élections présidentielles au plus tôt le 24 avril 2005.

Le Gouvernement togolais fixe la date des élections présidentielles au 24 avril 2005, date au plus tôt envisagée par la CEDEAO.

04/03/05 L’Union Européenne « salue la démission de Mr. Faure Gnassingbé qui s’inscrit dans le retour à l’ordre constitutionnel… et insiste également sur le respect des engagements souscrits par le Gouvernement togolais, au titre de l’article 96 de l’Accord de Cotonou, notamment la tenue d’un dialogue politique national, qui permette d’élaborer pour les élections présidentielles et législatives, un cadre électoral acceptable par toutes les parties ».

L’implication urgente des principales institutions internationales est nécessaire

Le contexte actuel de la crise politique togolaise appelle plus que jamais la communauté internationale à une extrême vigilance et à une implication résolue dans l’organisation des élections pour les raisons suivantes :

(i) les auteurs du Coup d’Etat ont prouvé leur intention de conserver le pouvoir par tous moyens ;
(ii) Les institutions amenées à jouer un rôle dans la préparation et l’organisation des élections puis la proclamation des résultats sont toutes contrôlées par les autorités suspectes au pouvoir. Elles ont pour la plupart participé au Coup d’Etat ;
(iii) Le Code électoral, ainsi que les textes définissant les statuts des institutions impliquées dans le processus électoral ont été unilatéralement modifiés à plusieurs reprises. Certaines de ces modifications n’ont pas été promulguées avant le décès du Chef de l’Etat, ce qui rend le cadre électoral confus et incertain ;
(iv) Pour prévenir le risque d’un nouveau foyer de déflagration dans la région, l’organisation des élections avec l’assistance des institutions internationales garantira la légitimité des nouveaux dirigeants et contribuera à la décrispation de la vie publique au Togo.

Compte tenu de la situation particulière du Togo, l’organisation sérieuse des futures élections doit être conditionnée par la recomposition provisoire des institutions nationales ayant participé au coup d’Etat. Ceci implique obligatoirement la révision des listes électorales et une représentation équitable des différents partis politiques et de la société civile au sein de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et dans les structures administratives d’organisation des élections. Enfin, une recomposition de la Cour Constitutionnelle s’impose, l’institution chargée de statuer sur les différends électoraux ayant elle aussi activement participé au coup d’Etat institutionnel du 7 février 2005.

Appel solennel aux organisations internationales

Depuis le 26 février 2005, l’Union Africaine qui s’était distinguée par sa fermeté jusqu’à la démission de Monsieur Faure Gnassingbé, semble avoir cessé toute communication officielle sur cette période transitoire au Togo. Il y va désormais de l’honneur de toutes ces institutions, qui ne peuvent démentir leurs positions initiales ayant permis de faire échec, pour la première fois, à la prise de pouvoir par un Coup d’Etat. Leur implication est déterminante pour que le Togo entre enfin dans une ère nouvelle de son histoire.

(i) Il est urgent que la CEDEAO retrouve sa détermination et qu’elle confirme son intransigeance à l’égard des auteurs du Coup d’Etat, afin de dissiper les soupçons grandissants au sein de l’opinion. Il est donc impératif que la CEDEAO réaffirme son attachement à la stricte application des propositions du 28 février 2005 acceptées par le gouvernement ;
(ii) Il est tout aussi urgent que l’Union Africaine, l’Union Européenne et les Nations Unies réunissent les autorités togolaises en place et les partis de l’opposition afin d’arrêter un agenda et un chronogramme crédibles pour l’organisation des élections présidentielles et législatives équitables, libres et transparentes. Ce chronogramme doit permettre aux organisations de supervision d’élections dont l’indépendance et l’impartialité sont universellement reconnues de prendre part à l’organisation des élections et d’en garantir la transparence.

Fait le 18 mars 2005

initiative150
La Coalition Contre le Coup d’Etat au Togo
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