18/04/2024

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Ghana- Présidentielles: Goodbye Kufuor, le laissé pour compte de la fête

Ici, comme ailleurs l’histoire ne retient que les vainqueurs et Atta-Mills peut légitimement savourer le crépitement des flashes et les spots des projecteurs. John Kufuor, l’ancien chef de l’Etat aura néanmoins marqué le paysage politique de son pays. Sa contribution à l’écriture de cette page de «l’exception ghanéenne» reste majeure au moment où l’euphorie post-électorale brouille les regards. Entre élégance et dépassement de soi, départ en première classe pour un africain respecté.

Par Essenam EKON

On a beau se souvenir des rares précédents sur le continent, la classe d’un départ en douceur du pouvoir en Afrique est toujours un motif de satisfaction et d’espoir. Qui sait, se disent les théoriciens d’un afro-optimisme en net regain de forme, «ça pourrait se généraliser…». Rêves de contagion ou pas, un John en a remplacé un autre au Ghana sans donner lieu aux habituelles violences ou tueries, devenues la marque de fabrique de pays fâchés avec la sérénité électorale.

Bilan globalement positif

Au Ghana, dont on connait le passé agité en matière de coup d’états et de règlements de compte, le climat est à la stabilité depuis quelques années. John Kufuor passe le témoin à John Evans Atta-Mills et les pronostics flatteurs sur le devenir politique de ce pays d’Afrique occidentale se confirment. Dans une approche réductrice de la stature de l’ancien président de la République ghanéenne, on pourra prétendre qu’il n’y a là rien d’extraordinaire et que l’alternance au Ghana est une simple catégorie de la normalité. On pourra même faire jouer la concurrence et convoquer des exemples sous régionaux qui vont de Konaré (Mali) à Kérékou( Bénin) pour tenter de noyer dans la banalité ce qui vient de se passer au Ghana. Le rôle singulier de John Kufuor ces dernières années dans l’atmosphère de son pays n’en demeure pas moins essentiel.

Le respect de la limitation des mandats présidentiels dans nombre de pays africains est encore source de conflits majeurs quand vient l’heure de s’en aller. Le recensement des chefs d’Etats sur le continent, qui ont succombé à la «tentation de durer» fait froid dans le dos…Sans compter ceux qui en rêvent secrètement et organisent en catimini la modification de leur loi fondamentale pour se garantir une longévité-record au pouvoir. Cette question a-t-elle hanté les nuits de l’ancien président ghanéen au bout de ses deux mandats? On ne le saura probablement jamais, mais dans la brutalité des faits, il n’a ni engagé le débat, ni envoyé de signaux particuliers sur une quelconque préférence pour «l’éternité présidentielle» Tout juste s’est-il borné à appeler ses concitoyens à «aller voter dans le calme pour un scrutin pacifique et légitime», au lendemain du premier tour, alors que son candidat était en t^te dans le décompte des voix . «Le souvenir qu’il nous laisse est plus positif que négatif», témoigne Hope Komassi universitaire à Accra. La victoire de John Atta-Mills a logiquement relégué au second plan l’importance d’un parcours présidentiel salué un peu partout comme un exemple de dignité et de respectabilité.

Rapports difficiles avec l’opposition

Les huit ans passés à la tête du pays n’ont pas toujours été pour le locataire d’Osu Castle (le palais présidentiel), un long fleuve tranquille. Rapports difficiles avec une opposition à la gâchette facile, accusations de corruption et partage inégal des dividendes d’une croissance retrouvée, John Kufuor a dû mener de front la bataille de la stabilité et du débat en interne. «En tant qu’être humain, je ne suis pas parfait», reconnaissait-il dernièrement lors d’une cérémonie de demandes de grâces pour des élections pacifiques dans le pays. « J’ai pu piétiner certaines personnes et pour cela, je leur demande de me pardonner», a poursuivi celui qu’on a fini par surnommer au Ghana, «the gentle giant» (le géant gentil). Renforcement de la démocratie et reformes politiques, préparation d’une alternance crédible, croissance économique accentuée (de 4,5% en 2000 à 6% en 2005) et réduction du taux de la pauvreté de 52% en 1992 à 35% en 2003(banque mondiale), le bilan de ce descendant d’une famille royale Ashanti est assez évocateur du dynamisme qui a conduit son action à la tête de son pays.

Atta-Mills: doit mieux faire!

On lui a longuement reproché un déficit de charisme et une insuffisante inculturation du bagout de son prédécesseur Jerry Rawlings. Avec ce dernier, les rapports ont souvent frôlé le clash, mais Kufuor en parle avec recul aujourd’hui «Il n’a jamais voulu avoir à mon égard le respect et la considération dûs à un président en fonction. Il donnait en permanence l’impression qu’il y avait deux présidents et j’ai été obligé de répondre à certaines de ses déclarations», explique l’ancien étudiant d’Oxford. Les frontières de l’adversité politique ont été respectées et le Ghana sort grandi de cette étape cruciale de son évolution socio-politique. Comme pour d’autres anciens chefs d’Etats ayant quitté le pouvoir sans heurts en Afrique, des propositions fusent de partout pour la nouvelle vie de John Kufuor loin des lumières de la présidence. Ses adieux à la tête du Ghana coïncident avec le défi incontournable de la nouvelle équipe: doit mieux faire!

La rédaction letogolais.com