28/03/2024

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Honneurs militaires post-mortem

Cérémonie pour les deux élèves officiers africains morts de froid

vendredi 16 janvier 2004, par Habibou Bangré

Les sous-lieutenants togolais et nigérien morts de froid en France lors d’un exercice en montagne recevront, samedi, les honneurs militaires. Une enquête est en cours pour déterminer les responsabilités de la catastrophe qui a coûté la vie, en début de semaine, aux deux élèves officiers de la prestigieuse Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr. C’est le premier drame que connaît cet établissement de formation, qui attire chaque année de nombreux Africains francophones.

Ultime hommage. Les deux sous-lieutenants africains morts de froids dans la nuit de lundi à mardi lors d’un « stage d’aguerrissement » en montagne, dans le sud de la France, recevront, samedi à Paris, les honneurs militaires. Le Togolais Abdallah Kondi Nandja et le Nigérien Laouali Karimoune étaient en formation à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr (ESM) (Coëtquidan, Bretagne, Ouest de la France), établissement de renommée internationale. Un prestige qui attire chaque année de nombreux jeunes francophones du continent.

Caprice météo fatal

Le parquet de Marseille vient d’ouvrir une enquête pour déterminer les responsabilités. La centaine d’élèves officiers de la première compagnie de la Promotion Vandremeersch suivait depuis plusieurs jours un stage dans le Centre d’instruction des entraînements de combat en montagne de Barcelonnette. Le soir du drame, « ils participaient à un exercice de marche à environ 2 700 mètres d’altitude, au terme duquel ils devaient rejoindre le refuge de Restefond-La Bonnette », explique-t-on à la direction de la communication de l’ESM. Mais les conditions météorologiques, déjà difficiles au départ, se sont dégradées. Ils ont été pris dans une tempête de neige et, pour se protéger, ils ont dû construire des abris de fortune.

Le décès des deux sous-lieutenants a été constaté lors d’un des contrôles de nuits. L’alerte a été immédiatement donnée, mais les secours ont eu du mal à se rendre sur les lieux. Une fois sur place, ils ont redescendu les corps des Africains ainsi que sept blessés (un Nigérien et six Français) souffrant d’hypothermie. Les jours qui ont suivi, d’autres élèves se sont plaints de problèmes liés à la trop forte exposition au froid. Dont plusieurs Africains.

Habitués au froid

Suite à la tragédie, de nombreuses questions ont été soulevées. L’une des plus récurrentes : comment expliquer que les deux morts soient africains ? La thèse qui revient le plus souvent est que les Africains sont plus sensibles aux basses températures que leurs homologues occidentaux. « Proportionnellement, ce sont eux qui ont le plus souffert puisqu’ils ne sont qu’une petite dizaine à évoluer dans cette compagnie », reconnaît-on à l’Ecole.

Toutefois, Saint-Cyr estime que la thèse de la plus grande sensibilité au froid ne s’applique pas vraiment dans ce cas : « C’est l’enquête qui dira ce qui s’est réellement passé. Mais depuis que les pays africains ont acquis leur indépendance, nous recevons tous les ans certains de leurs jeunes qui viennent profiter de notre formation. En près de quarante ans, il n’y a jamais eu aucun problème. Par ailleurs, avant de faire ce type d’exercices, les élèves subissent toujours des tests médicaux et physiques. Si nous avions constaté que les élèves africains ne pouvaient pas supporter un froid trop intense, nous les aurions dispensés de l’exercice. Agir autrement aurait été criminel. Enfin, le Togolais et le Nigérien qui sont malheureusement décédés étaient en troisième année et vivaient donc en France depuis plusieurs années. Ils avaient déjà été exposés à de basses températures. Cette tragédie aurait pu frapper n’importe qui ».

Tous logés à la même enseigne

Des raisons qui expliquent que l’Ecole ne fournissait pas aux Africains un paquetage de montagne différent de celui des autres : « Chaussettes et gants de montagne, polaire…Un équipement qui ressemble à l’équipement civil, mais qui suffit à remplir ce type de mission dans des conditions normales ».

Cette volonté d’équité est l’un des maîtres mots de Saint-Cyr. Napoléon Bonaparte l’a fondée le 28 janvier 1802. Elle était alors basée à Fontainebleau (sud-est de Paris) avant d’être transférée le 7 juin 1808 à Saint-Cyr. Depuis plus de deux siècles, cette école prestigieuse forme les officiers de l’Armée de Terre et jouit de la même popularité que son homologue américaine West Point ou encore britannique Sand-hurst. Ce qui séduit les Africains francophones, qui suivent en nombre une préparation militaire avant de postuler au concours d’admission. « Ils sont plus représentés que les concurrents des autres continents en raison de leur familiarité avec la langue française. Les tests sont donc plus accessibles pour eux », explique-t-on au Service d’information et de relations publiques de l’Armée de Terre (Sirpa Terre).

Succès garanti

Cette année « sur 88 élèves étrangers, une vingtaine sont africains », précise l’ESM. Certains ont un proche parent qui est ou était militaire. C’était le cas d’Abdallah Kondi Nandja, dont le père est l’actuel chef d’Etat-major général des armées du Togo. Mais les épreuves d’admission restent les mêmes pour tous les candidats. « Nous ne faisons aucune distinction et personne n’est favorisé. Le programme est le même pour tous. Nous exigeons les mêmes compétences des Français et des étrangers, car s’ils viennent, c’est pour recevoir une formation de qualité », assure l’ESM.

Une formation de qualité qui garantit aux jeunes formés un avenir radieux une fois de retour au pays. « Il est impossible qu’avec leurs diplômes ils n’accèdent pas à un poste de prestige, explique le journaliste nigérien Cissé Souleymane Mahamane. A leur retour, ils peuvent être colonel ou chef d’Etat-major. Ils constituent l’élite des armées ». Certains parviennent même à briguer de hauts postes ministériels. A l’image des ministres de la Défense et de l’Intérieur togolais, respectivement le Général de Brigade Assani Tidjani et le chef d’escadron François Akila Esso Boko. Parmi les autres saint-cyriens de marque : feu le général ivoirien Robert Gueï ou encore l’ancien Président malgache, le général Didier Ratsiraka.

Abdallah Kondi Nandja et Laouali Karimoune n’auront pas eu le temps de servir leur pays et de briller par leurs exploits. Samedi, leurs compagnons d’armes et les plus hautes instances militaires françaises seront présentes lors de la remise de leurs honneurs militaires. Mardi, la vie reprendra son cours à Saint-Cyr. Les élèves visiteront des régiments afin d’orienter leur choix sur l’arme avec laquelle ils se spécialiseront en juillet.

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