19/04/2024

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« Il ne faut pas transformer la HAAC en police des médias » : Lettre ouverte à Faure Gnassingbé

Le 5 novembre 2009, Reporters sans frontières a écrit au président de la République du Togo, Faure Gnassingbé, pour lui demander de ne pas promulguer le projet de loi organique adopté par le Parlement, le 30 octobre, relatif au renforcement des pouvoirs de la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC). Voici le texte de la lettre :

Monsieur Faure Essozimna Gnassingbé
Président de la République
Lomé – Togo

Paris, le 5 novembre 2009

Monsieur le Président,

Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de la presse, souhaite vous faire part de son inquiétude concernant le projet de loi organique adopté par le Parlement togolais, le 30 octobre 2009, relatif au renforcement des pouvoirs de la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC).

Notre organisation encourage les organes de régulation des médias et le principe de l’autorégulation professionnelle. Mais nous estimons en l’occurrence que la HAAC dispose déjà de prérogatives suffisantes. En effet, cet organe a pris à plusieurs reprises des sanctions à l’encontre de médias. Cette année par exemple, la HAAC a suspendu plusieurs publications, ainsi que, pendant une semaine, en avril, les émissions interactives sur les radios et les chaînes de télévision du pays.

Les possibilités, contenues dans le projet de loi récemment adopté au Parlement, d’augmenter la durée des suspensions de médias et de faciliter les procédures de mise en demeure ou de saisie des équipements nous semblent injustifiées. Le fait d’encourager la HAAC à statuer comme « conseil de discipline » en l’autorisant à procéder à des auditions de journalistes « auteurs de fautes graves » nous paraît également inquiétant. La notion de « faute grave » est floue, subjective, et mériterait d’être définie avec plus de précisions et strictement encadrée par la loi.

Monsieur le Président, la HAAC est un organe de régulation. Il ne faudrait pas la transformer en une « police des médias », dotée de pouvoirs trop coercitifs, ce qui ne manquerait pas de fournir des arguments aux partisans de la radicalité politique. Vous êtes désormais le seul à pouvoir empêcher cette dérive dangereuse. C’est pourquoi nous vous demandons solennellement de ne pas promulguer ce projet de loi, qui modifie la loi organique du 15 décembre 2004.

En prenant cette décision, vous enverriez un signal fort et rassurant aux journalistes, à vos concitoyens ainsi qu’à la communauté internationale. A l’approche de l’élection présidentielle du premier trimestre 2010, période cruciale pour le Togo, vous rassureriez l’opinion en manifestant votre volonté de pas entraver la tenue d’un débat libre et pluraliste.

Dans l’espoir que vous accorderez une suite favorable à notre requête, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.

Jean-François Julliard
Secrétaire général