24/04/2024

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Instrumentalisation de la HAAC: L’UFC fait un recours en déclaration d’inconstitutionnalité

RECOURS EN DECLARATION D’INCONSTITUTIONNALITE,
ARTICLE 104 ALINEA 4
DE LA CONSTITUTION DE LA IV REPUBLIQUE

A MESSIEURS LES PRESIDENT ET MEMBRES
DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE DU TOGO

RECOURS : Des députés du groupe parlementaire de l’Union des Forces de Changement, représentant plus d’un cinquième des membres de l’Assemblée Nationale.

La liste de chacun des députés requérants signataires du présent recours est en annexe I au présent recours dont elle fait partie intégrante.

CONTRE les articles 5, 26, 30, 31, 58, 60, 62, 63, 65 et 67 de la Loi organique modifiant la loi organique N° 2004-021 du 15 Décembre 2004 relative à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication votée le 30 octobre 2009 par l’Assemblée Nationale au cours de la quatrième séance plénière de la deuxième session ordinaire de l’année 2009.

Ladite loi votée n’ayant pas encore été promulguée.

PLAISE A LA COUR

Statuant sur le recours contre les articles 5, 26, 30, 31, 58, 60, 62, 63, 65 et 67 de la Loi organique portant modification de la loi organique N° 2004-021 du 15 Décembre 2004 relative à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication votée le 30 Octobre 2009 par l’Assemblée Nationale au cours de la quatrième séance de la deuxième session ordinaire de l’année 2009.

En la forme

La Loi dont recours, votée par l’Assemblée Nationale au cours de la quatrième séance ordinaire de sa deuxième session ordinaire de l’année 2009 ouverte le Mardi 6 octobre 2009 n’a pas été promulguée à la date de la présente requête, le recours est donc recevable comme formé dans tous les délais et conditions de l’article 104 de la Constitution.

Au fond

La copie du libellé de la loi renfermant les articles querellés ainsi que copie du rapport de la commission mixte qui a eu à étudier la loi en commission est annexée au présent recours ensemble avec l’exposé des motifs du Gouvernement et fait partie intégrante du recours.

Attendu que les requérants jugent opportun de rappeler que le champ de contrôle de constitutionnalité de la Cour Constitutionnelle s’étend au bloc de constitutionnalité que constituent :

 La Constitution de la IVe République du Préambule aux dispositions finales.
 Les Principes de la Démocratie et de Protection des Droits de l’homme tels que définis par la Charte des Nations Unies de 1945, la Déclaration Universelle des Droits de l’homme de 1948, les Pactes Internationaux de 1966, la Charte Africaine des Droits de l’homme et des Peuples adoptée en 1981 par l’Organisation de l’Unité Africaine, le tout cité dans le Préambule de la Constitution.
 Les Traités, Chartes et Conventions Internationaux ratifiés par la République Togolaise.
 Et enfin les Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République Togolaise.

1. Sur le grief élevé contre les conditions dans lesquelles la loi organique a été votée, ensemble la violation de l’article 92 de la Constitution.

Attendu qu’aux termes de l’article 92 de la Constitution du 14 octobre 1992, « les propositions ou projets de lois organiques sont soumis à la délibération et au vote de l’Assemblée Nationale à l’expiration d’un délai de quinze jours après leur dépôt » ;

Attendu qu’au regard de la procédure législative de vote des textes, les propositions de loi ou les projets de loi ne sont soumis à la Plénière de l’Assemblée Nationale pour délibération et vote qu’après le dépôt du rapport, de la commission permanente, mixte ou spéciale saisie de l’étude du texte à discuter ;

Attendu qu’il s’ensuit que le délai de quinze (15) jours fixé dans la Constitution ne peut courir qu’après le dépôt sur la table du bureau de l’Assemblée Nationale du rapport d’étude de la loi adoptée en commission et destiné à être délibéré et voté par la plénière de l’Assemblée Nationale ;

Attendu que la Commission des Lois Constitutionnelles et de la Législation de l’Administration Générale et la Commission du Développement Economique et de l’Aménagement du territoire ont conjointement adopté leur rapport le 27 octobre 2009 ;

Attendu qu’au regard de l’article 92 de la Constitution, la délibération et le vote de la loi, s’agissant d’une loi organique ne peut intervenir qu’après 15 jours à compter du 28 octobre 2009 ;

Or attendu qu’en l’espèce, l’Assemblée Nationale a délibéré et voté la loi le 30 octobre 2009 en violation de l’article de la Constitution susvisée ;

Attendu que la procédure d’ordre public prévue par la Constitution n’ayant pas été respectée, la loi votée s’en trouve viciée et il y a lieu de prononcer la nullité de l’ensemble du texte voté ;

2. Griefs élevés contre l’article 5 de la loi votée

L’article 5 de la loi votée est ainsi conçu : « la Haute Autorité comprend neuf (09) membres choisis sur la base de leur compétence et de la connaissance approfondie du secteur de la communication à raison de :

 Quatre (04) désignés par le Président de la République.
 Cinq (05) élus par l’Assemblée Nationale dont deux (02) sur la liste proposée par les organisations les plus représentatives de journalistes et techniciens de la communication.

La désignation et l’élection des membres de la Haute Autorité doivent tenir compte du genre.
Les membres ainsi désignés doivent justifier d’au moins dix (10) années d’expérience professionnelle.
En dehors des membres élus sur la liste des organisations professionnelles, l’Assemblée Nationale élit les autres membres suivant la procédure d’appel à candidature ».

Attendu que la modification de la Loi organique sur la HAAC, comme le code électoral ou la loi sur le statut de l’opposition font partie des Lois à caractère politique qui doivent être discutées et adoptées dans le cadre des réformes visant à consolider la Démocratie, l’Etat de droit et la Bonne gouvernance dans un esprit de large consensus comme il a été convenu dans l’accord politique global du 20 Août 2006 ;

Or attendu que ni le Gouvernement, ni l’Assemblée qui sont interpellés par les dispositions politiques de l’Accord politique global n’ont pas recherché ce consensus national avant de modifier la Loi organique sur la HAAC pour permettre la mise en place d’une HAAC qui assure par sa composition, l’indépendance et l’impartialité de l’Institution chargée par la Constitution de garantir et d’assurer la liberté et la protection de la presse et des autres moyens de communication de masse ;

Attendu qu’aux termes des engagements pris par l’Union Africaine au nom des Etats membres dans “la Déclaration des Principes sur la liberté d’Expression en Afrique“ au titre des organes de régulation dans la radiodiffusion, l’UA demande aux Etats de respecter la recommandation suivante :

« Article VII : Les organes de régulation de la radiodiffusion-télévision et des télécommunications

1. Toute autorité publique qui exerce des pouvoirs dans le domaine de la radiodiffusion-télévision et de la régulation des télécommunications doit être indépendante et bien protégée contre l’ingérence, en particulier de nature politique ou économique.
2. La procédure de nomination des membres d’un organe de régulation doit être ouverte, transparente, prendre en compte la participation de la société civile et ne doit pas être contrôlée par un parti politique donné.
3. Toute autorité publique qui exerce des pouvoirs dans le domaine de la radiodiffusion-télévision ou des télécommunications doit formellement rendre compte au public par le biais d’un organe multipartite » ;

Attendu que la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication actuelle est composée de neuf (09) membres tous désignés pour la Majorité Présidentielle dont quatre (4) par le Président de la République, Président du RPT, chef de la majorité Présidentielle, cinq (5) désignés par le vote à scrutin majoritaire de l’Assemblée Nationale composée majoritairement par les députés du groupe parlementaire RPT, ne garantit pas les principes de valeur constitutionnelle ci-dessus énoncés ;

Attendu que l’article 5 de la Loi organique n’est pas conforme aux engagements internationaux pris par le TOGO en vue de garantir la liberté d’expression quant à la composition de l’organe de régulation qu’est la HAAC ;

3. Sur les griefs élevés contre les articles 26, 30, 31, 58, 60,62 63, 65 et 67

Attendu que les dispositions des articles 26, 30, 31, 58, 60, 62, 63, 65 et 67 de la Loi organique votée le 30 Octobre 2009 et portant modification de la Loi organique N°2004-021 du 15 Décembre 2004 violent le bloc de constitutionalité que constituent les textes ci-après :

Article 26 de la Constitution « La liberté de presse est reconnue et garantie par l’Etat. Elle est protégée par la Loi. Toute personne a la liberté d’exprimer et de diffuser par parole, écrit ou tous autres moyens, ses opinions ou les informations qu’elle détient dans le respect des limites définies par la Loi.
La presse ne peut être assujettie à l’autorisation préalable, au cautionnement, à la censure ou à d’autres entraves. L’interdiction de diffusion de toute publication ne peut être prononcée qu’en vertu d’une décision de Justice ».

Article 130 de la Constitution « La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication a pour mission de garantir et d’assurer la liberté et la protection de la presse et des autres moyens de communication de masse. Elle veille au respect de la déontologie en matière d’information, de communication et à l’accès équitable des partis politiques et des associations aux moyens officiels d’information et de communication.
La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication est compétente pour donner l’autorisation d’installation des nouvelles chaines de télévisions et des radios privées. »

Article 131 alinéa 2 de la Constitution « La composition, l’organisation et le fonctionnement de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication sont fixés par une Loi organique ».

Article IX – 2 de la Déclaration de Principes de l’Union Africaine sur la liberté d’expression en Afrique « Tout organe de régulation établi pour connaître des plaintes sur le contenu des médias, y compris les conseils des médias, doit être protégé contre toute ingérence excessive de nature politique, économique et autre. Ses pouvoirs doivent être administratifs par nature et il ne doit en aucun cas usurper le rôle des tribunaux ».

Attendu que la Constitution subordonne l’interdiction de diffusion de toute publication à une décision justice ;

Attendu qu’en droit : « l’interdiction est une mesure d’origine législative, réglementaire ou judiciaire qui prive un individu de la faculté d’exercer certains droits, certaines activités ou certaines fonctions ». (Cf. Vocabulaire Juridique Gérard CORNU Association Henri Capitant, Presses Universitaires de France) ;

Attendu qu’il s’ensuit de cette définition que l’interdiction en droit recouvre tout aussi bien la notion de suspension, puisque l’effet pratique d’une mesure de suspension d’une autorisation ou d’une publication amène à priver provisoirement un individu de la faculté d’exercer certains droits et activités en matière de presse et de communication ;

Or attendu qu’en matière de presse, la Constitution à son article 26 réserve la prérogative de l’interdiction au sens large et comme définie ci-dessus aux juridictions judiciaires, elle ne saurait être de la compétence de la HAAC qui n’est pas une Juridiction Judiciaire ;

Attendu qu’il s’ensuit que les dispositions des articles susvisés qui autorisent la HAAC à prendre des mesures de suspension d’autorisation et de publication qui sont en réalité des interdictions provisoires sont inconstitutionnelles et doivent être retirées de la Loi ;

Attendu enfin que le domaine de la Loi organique sur la HAAC est limité par la Constitution ;

Attendu que la Loi organique ne peut intervenir que dans les domaines limitativement énoncés par la Constitution en son article 131 qui sont la composition, l’organisation et le fonctionnement de la HAAC ;

Attendu que la Loi organique ne saurait sous le prétexte d’une Loi organique relative à la composition, l’organisation et le fonctionnement de la HAAC, ajouter d’autres prérogatives et compétences à celles de la HAAC pour lui attribuer des pouvoirs répressifs quasi judiciaires en violation des dispositions du code de la presse et de la communication adopté par la Loi N°2004-015 du 27 Août 2004 qui a prévu les sanctions adéquates en cas de violation par un organe de presse de la déontologie en matière d’information, de communication ;

Attendu que les dispositions des articles ci-dessus énoncés et contenus dans la Loi organique votée sont contraires au bloc constitutionnel suscité ;

Par les motifs ci-dessus et ceux que la Cour dans sa sagesse estimera fondés.

EN LA FORME

Recevoir le recours

AU FOND

1. Sur les conditions de délibération et de vote de la Loi organique du 30 Octobre 2009, dire et juger que la Loi a été votée en violation de l’article 92 de la Constitution et déclarer toute la loi inconstitutionnelle.

2. Sur les articles 5, 26, 30, 31, 58, 60, 63, 65 et 67

Voir dire et juger que ces articles non conformes à la Constitution avec toutes les conséquences de droit.

Sous toutes réserves.

Fait à Lomé le 02 Novembre 2009.

La liste des signataires du présent recours est annexée au présent recours ensemble avec les dispositions légales citées et les pièces.

BORDEREAU DES PIECES JOINTES

1. Exposé des motifs du Gouvernement
2. Projet de loi organique repris en tableau des amendements par la Commission.
3. Rapport au fond sur le projet de loi modifiant la loi organique N° 2004-021 du 15 Décembre 2004 relative à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication adopté par la Commission.
4. Déclaration de Principes sur la liberté d’Expression en Afrique de l’Union Africaine.

LIRE EGALEMENT:
[Vote d’une nouvelle loi organique de la HAAC: La presse est en danger au Togo-> https://www.letogolais.com/article.html?nid=3864]