20/04/2024

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Interview de M. Agbéyomé KODJO(22/09/02)

Interview réalisée le 22/09/02 par Dany AYIDA pour letogolais.com

LETOGOLAIS.COM : Acceptez-vous de nous en dire plus sur vos déboires avec Radio France international, puisque nous avons appris par une dépêche d’agence (AFP du 16-09-02) que votre interview réalisée depuis le 3 septembre a failli être censurée ?

Agbéyomé KODJO : RFI m’a sollicité pour une interview sur la situation politique au Togo et l’enregistrement a été fait le 3 Septembre. La diffusion programmée pour le 9 courant, a été annoncée sur les ondes de la chaîne internationale. Prises de panique, les autorités de Lomé ont multiplié les pressions de toute nature pour empêcher la diffusion de l’enregistrement. Mais les journalistes en France sont indépendants et RFI n’a cédé. L’interview a finalement été diffusée le 19 même si au Togo, pour éviter que les togolais entendent des vérités, on a choisi de brouiller les émissions de cette radio internationale. C’est ici l’occasion pour moi de féliciter les journalistes de Radio France International et leurs organisations syndicales pour leur détermination et leur courage.

LETOGOLAIS.COM : Vous avez quitté le pays depuis trois mois à la suite des démêlés que vous avez eus avec le général Eyadèma. A part vos prises de positions sur les médias, que faites-vous concrètement pour le changement démocratique au Togo ?

Agbéyomé KODJO : Depuis que j’ai quitté le Togo, je n’ai eu de cesse d’alerter tous les milieux politiques économiques et diplomatiques sur le drame qui s’y déroule loin des regards étrangers. Nous avons activé un certain nombre de réseaux qui désormais travaillent en synergie pour la réussite de notre objectif commun : faire partir EYADEMA dans les meilleurs délais. A ce niveau, je pense qu’il y a lieu d’espérer que nos actions concertées produiront les résultats escomptés. Vous voyez bien qu’en dehors de mes prises de position sur les médias, je ne me suis pas reposé. La situation de misère avérée dans laquelle croupissent nos compatriotes sous le regard indifférent et cynique de ceux qui exercent le pouvoir, n’autorise ni méprise sur l’objectif, ni répit. Un combattant de la liberté n’aspire jamais au repos.

LETOGOLAIS.COM : Quels sont les opposants politiques que vous avez rencontrés depuis lors ? Auriez-vous des projets politiques communs ?

Agbéyomé KODJO : Je crois sincèrement aujourd’hui qu’il n’y a qu’un seul projet commun autour duquel tous les leaders politiques doivent se rassembler : amener Eyadema à quitter le pouvoir. J’ai rencontré la plupart des leaders politiques de l’opposition y compris Gilchrist Olympio. J’ai noté une parfaite convergence de vues sur le degré de déliquescence avancée de notre économie, l’isolement diplomatique de notre pays et la souffrance de notre peuple. Nous avons la même approche de solution qui passe par un départ négocié du Président EYADEMA. Il importe de mettre fin à cette situation qui devient inacceptable pour tout le monde dans le pays y compris dans les fiefs réputés être les soutiens inconditionnels du Chef de l’Etat.

LETOGOLAIS.COM : La Lettre du Continent qui est très bien informée affirmait dans sa livraison 404 du 18 juillet 2002…que vous vous seriez réconcilié avec Me Agboyibor dans le cadre de l’association des ressortissants de Tokpli. Qu’en est-il réellement ?

Agbéyomé KODJO : Je n’ai pas encore rencontré Maître Agboyibor, mais cela ne saurait tarder ; néanmoins j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec lui au téléphone. Dans le feuilleton judiciaire dont il a été la victime, il a su faire la part des choses et situer la responsabilité de chaque acteur dans cette épreuve difficile.

LETOGOLAIS.COM : Vous sembliez être le dauphin de Gnassingbé Eyadéma, et aujourd’hui, on en est à un mandat d’arrêt international lancé par Eyadéma contre vous. Comment expliquez-vous cette situation ?»

Agbéyomé KODJO : Jusqu’au 26 Avril 2002 date à laquelle j’ai refusé de cautionner la réponse absurde du RPT à la proposition de réforme politique initiée par Maurice PERE, Ancien Président de l’Assemblée Nationale, j’étais bien accepté dans la famille au sens large du terme. J’étais un bon type du sud différent des autres et apprécié. Deux mois après, en prenant mes distances, je suis devenu un apatride à qui on a cherché à trouver une nationalité autre que la mienne, on a découvert qu’un de mes aïeux fut un criminel alors que ceux qui m’accusent ont encore les mains souillées du sang à peine séché d’innocentes victimes de la répression. Par ailleurs il serait intéressant de faire un test d’ADN du génome humain de ceux qui se considèrent comme descendant du ciel pour atterrir sur nos montagnes .Les résultats les obligeraient à faire preuve de modestie et d’humilité

On lance contre moi une commission rogatoire pour saisir mes comptes en France et en Suisse. La pêche étant infructueuse, on décida de lancer un mandat d’arrêt international pour des chefs d’accusation imaginaires. Tout cela parce que j’ai commis un crime de lèse majesté en dénonçant l’incurie du régime comme cause essentielle de la paupérisation du Togo. Mais il faut un habillage juridique pour exprimer leur haine subite. D’où l’idée d’un audit des comptes du port de Lomé des années 1990 à 2000 ; c’est la période d’investigation imposée au Cabinet français chargé de réexaminer la gestion et les écritures comptables . Le cabinet prit soin, nonobstant son cahier de charge, de n’expertiser que la période de ma gestion de 1994 à1999.

En fait, il s’agit d’une conspiration politique. Il faut rappeler que sur la période couvrant ma gestion, les comptes ont été approuvés par le conseil d’administration après délibération et avis motivé du commissaire aux comptes, expert comptable agréé par le gouvernement. J’ai ainsi eu tous les quitus de ma gestion et donc été libre de tout engagement avec le Port. Sur la base des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, seul le conseil d’administration nommé par le gouvernement est tenu de répondre aux préoccupations, si elles sont réelles, du gouvernement.

L’histoire du coup de fil imaginaire du colonel Béléyi m’attribuant des milliards blottis dans les comptes du crédit lyonnais a tourné court et jeté du discrédit sur les autorités togolaises. L’AFD (agence française de développement :ndlr) et le Crédit Lyonnais ont publié un démenti qui n’a pas calmé les ardeurs des super menteurs de la République rompus dans l’art de manipuler les consciences, la fabrication de faux documents et la tricherie.

Connaissant l’équipe qui a effectué cet audit, les renseignements en notre possession témoignent que rien de ce dont on m’accuse ne figure dans cet audit, ce qui rend sa diffusion incertaine et même compromettante pour ceux qui se sont réellement servis dans cette entreprise. Je pourrai à l’occasion donner pour leur rafraîchir la mémoire, documents à l’appui, le montant de leurs différents prélèvements, tant au Port que dans les autres sociétés d’état.

Enfin, pour conclure et montrer qu’il s’agit d’une conspiration politique bien planifiée, je révèle ici qu’au début du mois d’avril 2002, à Paris dans ses appartements, le Professeur DEBBASCH, Conseiller juridique du Président de la République, m’a confié qu’au cours d’un entretien avec le Président de la commission anti-corruption, ce dernier lui a dit qu’il serait bon d’utiliser les résultats de l’audit en cours au Port pour me tuer politiquement. Je m’en suis ouvert au Chef de l’Etat qui m’a promis comme toujours d’interroger Mr Follivi.
Il est loisible de constater que Eyadema et sa cour avaient tout prévu, mais ils n’ont pas une maîtrise totale du cours de l’histoire, ni celle du destin individuel et collectif de la Nation.

L’heure de vérité va sonner et le peuple découvrira ceux qui ont réellement abusé de lui. Il est dommage que le goût immodéré du pouvoir conduise certains de nos compatriotes à se comporter comme des sauvages ignorant les principes élémentaires de civilité, de respect de l’autre dans sa dignité. Ils ont choisi de vivre en marge de la loi et de la morale et imposent leur volonté comme loi fondamentale du pays. C’est bien là un abus de pouvoir, un abus de confiance qualifié, et les responsables sont les vrais faussaires de la nation. Ceux qui aiment tricher sur les deniers publics et sur les résultats des élections n’ont aucune leçon de morale à faire à qui que ce soit. Je me laisse rarement impressionner par ces méthodes d’intimidation. Mourir dans ce combat ne changera en rien la fin programmée de ce régime. Je dormirai en paix, parce que réconcilié avec ma conscience et avec mes contemporains.

LETOGOLAIS.COM : La Commission des 7 Magistrats tient à organiser des élections législatives le 27 octobre 2002. Pourquoi à votre avis Eyadèma persiste t-il à vouloir organiser ces consultations alors que l’opposition les boude à cause du code électoral tronqué ?

Agbéyomé KODJO : J’ai été accusé d’être à l’origine de la modification du code électoral ayant permis l’installation des 7 magistrats, en lieu et place de la CENI, paritaire et consensuelle. Comme si tout seul, je pouvais imposer ma volonté à l’ensemble du gouvernement dont nul n’ignore le mode fonctionnement, et obliger l’assemblée nationale de M. Natchaba à enregistrer sans rechigner une loi qui ne soit pas d’inspiration présidentielle. J’ai dit dans ma dernière interview sur RFI que le code électoral a été modifié sur instruction du Chef de l’Etat. La preuve du double langage est faite. Si c’est par mon simple vouloir que le dialogue inter- togolais poursuivi au sein du CPS (Comité Paritaire de Suivi) a échoué, pourquoi le nouveau gouvernement n’entreprend t-il pas de revisiter ce code pour y remettre les dispositions unilatéralement modifiées et favoriser ainsi l’organisation d’un scrutin consensuel?

Pour ma part, l’organisation de cette consultation législative anticipée sans la participation de l’opposition réelle, obéit à tout, sauf à l’intérêt de la paix, de la cohésion nationale, et à une réelle volonté de sortie de crise. On a le sentiment que sous les régimes de crise prospèrent une série d’activités qui concourent au bonheur d’un groupuscule. Bref, l’objectif de cette compétition annoncée qui n’en est pas une, sera un coup d’épée dans l’eau, néanmoins onéreux pour le contribuable togolais. Elle offrira cependant au Président de la République, de procéder à tout moment s’il en exprime le besoin, aux manipulations constitutionnelles pour assouvir ses désirs. L’Union Européenne, les Nations Unies, ne reconnaîtront pas cette mascarade électorale. Il me plait de rappeler sous le contrôle des magistrats de la cour constitutionnelle que selon les dispositions de l’article 118 alinéa 3 de la loi fondamentale, les magistrats en activité ne peuvent remplir d’autres charges publiques. Sur la base de cette considération le comité des sept magistrats est de facto anticonstitutionnel et ne peut donc organiser des consultations électorales.

LETOGOLAIS.COM : Vous qui connaissez si bien Eyadèma, pensez-vous qu’il quittera le pouvoir en 2003 comme il l’a promis et comme l’exige la constitution ?
Quels sont les moyens de pression pour contraindre Eyadéma à respecter la Constitution et son engagement de ne pas se représenter ?

Agbéyomé KODJO : Je ne pense pas que le Président soit décidé à partir en 2003. Si les travaux du CPS reprenaient, il serait peut être indiqué d’examiner la situation des anciens dirigeants, notamment les anciens Chef d’Etat. A ce niveau, il faut éventuellement lui offrir une amnistie.

LETOGOLAIS.COM : Quel scénario de sortie de crise voyez-vous pour le Togo ?

Agbéyomé KODJO : La reprise du dialogue et l’organisation consensuelle des élections restent la voie de la sagesse pour sortir de la crise .Le respect de la constitution du 14 Octobre 1992 devra être assuré .A ces conditions, le processus démocratique pourra sortir de l’impasse. La patience ayant des limites, tous ceux qui pensent qu’ils peuvent éternellement abuser de l’usage de la force peuvent avoir un jour des surprises.

LETOGOLAIS.COM : La conclusion objective que l’on peut tirer de l’impasse actuelle dans laquelle se trouve le processus de démocratisation, et eu égard à la nature même d’une dictature, est la nécessité d’un recours à la force pour changer de système et instaurer la démocratie. Qu’en pensez-vous ?

Agbéyomé KODJO : Je suis fondamentalement contre la violence. La démocratie doit pouvoir s’enraciner et s’exercer dans le pays et ce dans le respect des règles du jeu par tous les acteurs . C’est un long processus, une œuvre qui n’est jamais achevée, mais refuser de créer le cadre qui assure le respect des libertés publiques, la justice égale pour tous, la reconnaissance du talent et du mérite, assurer la bonne gouvernance et une meilleure répartition des richesses nationales, c’est préparer les conditions d’une révolte populaire même tardive.

LETOGOLAIS.COM : Un coup d’Etat est-il réalisable au Togo ?

Agbéyomé KODJO : Je suis personnellement contre les coups d’état. L’expérience de notre pays en la matière est assez riche et coûteuse pour l’harmonie et l’équilibre de la nation. Il faut éviter le recours à la force pour régler les problèmes politiques. Dans nos organisations sous régionales et continentales cette pratique n’est plus tolérée. Créons toutes les conditions pour éviter ce mode d’accession au pouvoir politique. Mais cette situation ne doit pas non plus servir de prétexte pour ceux qui sont au pouvoir disposant de la force de répression civile et militaire pour substituer leur volonté d’éternité au pouvoir à l’aspiration populaire.

LETOGOLAIS.COM : L’armée togolaise est-elle aussi monolithique qu’on le pense ?

Agbéyomé KODJO : L’armée togolaise comme l’ensemble du peuple togolais réclame de meilleures conditions de vie. Elle suit attentivement les événements et est consciente des injustices qui marquent la gestion du pouvoir politique au Togo. Les forces de sécurité sont constituées d’hommes qui éprouvent des sentiments de frustration face à l’injustice, les cas fréquents de corruption aggravés et impunis. Elles souhaitent aussi ardemment de meilleures conditions de travail et de bien être. Ce qui m’amène à conclure que son monolithisme n’est que de façade.

LETOGOLAIS.COM : Dans un entretien avec une radio étrangère, vous avez déclaré que vous comptez créer « un cadre politique ». Où en êtes-vous ?

Agbéyomé KODJO : Je suis toujours au niveau de la réflexion et d’échanges de vue avec des personnalités politiques, des réformateurs du RPT qui sont des compagnons de longue date, les femmes des divers secteurs de la vie nationale et surtout les jeunes. Comme vous le savez, la jeunesse est le miroir de l’avenir de la nation. Je souhaite qu’elle soit davantage courageuse, créative, proactive, talentueuse, motivée et généreuse, et qu’elle s’abstienne désormais de servir des causes qui sont contraires à ses convictions et à son idéal. La compétition induite par la mondialisation exige une connaissance pointue des dossiers que seule une formation solide peut permettre.

LETOGOLAIS.COM : Quels sont vos rapports avec Dahuku Péré ?

Agbéyomé KODJO : Mes rapports avec le Président PERE sont excellents .C’est un homme de conviction, travailleur consciencieux et honnête .J’ai eu la chance de partager avec lui dans le bureau de la jeunesse du parti, la volonté de construire un idéal pour notre jeunesse. J’ai partagé la même équipe gouvernementale avec lui et participé, à ses cotés après la conférence nationale, à la réhabilitation du RPT au moment où tous les courtisans falots et conservateurs avaient fui, et trouvé refuge à l’étranger ; d’autres avaient déjà en leur possession les cartes de membres dans les partis de l’opposition triomphante. Bref, j’ai mesuré au fil du temps son courage, son humilité et son amour pour la patrie. Enfin, il m’a aidé à renforcer ma foi chrétienne. Voila ce qui fonde ce lien spirituel indissoluble entre nous.

LETOGOLAIS.COM : Y a t-il au RPT d’autres personnes qui sont prêtes à prendre les mêmes risques que vous et rejoindre le peuple dans ses revendications ?

Agbéyomé KODJO : Ils sont nombreux ceux qui sont encore au RPT et qui partagent entièrement le travail accompli par le Président PERE et moi. Pour l’heure, la manière dont nous sommes traités est effrayante et désespérante : elle n’encourage pas d’autres à faire le même sacrifice dans l’immédiat. Deux personnalités importantes telles que le Professeur Lantam et un autre cadre d’administration qui nous ont ouvertement soutenu ont été licenciés abusivement de la fonction publique. Mais le moment venu, vous constaterez que l’œuvre entreprise n’est pas celle d’illuminés ou de fous, mais celle de citoyens conscients de leur devoir et de leur responsabilité historique quand au devenir de la nation.

LETOGOLAIS.COM : La France vous soutient-elle dans vos actions ? Quels sont les niveaux de vos contacts à Paris ?

Agbéyomé KODJO : Les milieux européens sont très sensibles à la tragédie qui se déroule au Togo. C’est ici l’occasion de remercier toutes ces personnalités qui en dépit des pressions occultes qu’elles subissent pour fermer les yeux sur ce qui se passe au Togo croient que le moment est venu de soutenir le peuple togolais en lutte pour sa libération. Il est donc temps d’espérer

LETOGOLAIS.COM : Quel diagnostic rapide faites-vous de l’économie togolaise (recettes, et dépenses, déficit, etc.)

Agbéyomé KODJO : Le déficit budgétaire est excessif, on note des accumulations d’ arriérés dans le paiement de la dette interne et externe, il y a un tarissement des flux des investissements privés, de même constate t-on un ralentissement de l’activité économique, une contraction du volume des produits agricoles et miniers exportés. Bref, le marasme généralisé est le signe qu’affiche notre économie nationale où le système D est devenu la voie de survie .C’est cela la réalité

LETOGOLAIS.COM : Avez-vous suivi le procès de Claude Améganvi ? Avez-vous quelques remarques à faire sur cette affaire ?

Agbéyomé KODJO : L’affaire Claude Améganvi est l’illustration de la justice soumise aux ordres du Prince. Claude Améganvi a eu droit à un procès politique, car le fondement de cette affaire est une publication disponible sur Internet et qui évoque une fortune présumée du Chef de l’Etat. L’auteur de l’article est connu et on condamne ceux qui l’ont publié ou encouragé sa diffusion. Le monde a changé .Claude Ameganvi n’a pas inventé cet article qui circule sur les sites internet. Il faut le libérer avant qu’il ne soit trop tard. Les organisations de défense des droits de l’homme s’activent et lanceront une campagne d’information en Europe sur la nature du régime togolais et le fonctionnement de la justice dans notre pays.

LETOGOLAIS.COM : Que répondriez-vous aux compatriotes qui doutent encore de la sincérité de vos engagements eu égard à vos précédents politiques ?

Agbéyomé KODJO : A ceux qui pensent que mon combat n’est pas sincère, je serai tenté de leur demander à quoi le mesurent-ils. Je reste en paix avec ma conscience et les convient à se mobiliser pour réaliser l’objectif commun qui est le départ du Président Eyadema .Tout le reste me semble être accessoire.

LETOGOLAIS.COM : Récemment sur les antennes de la TVT ( Télévision Togolaise) on vous rendait responsable du renversement du gouvernement ADOBOLI . N’êtes- vous pas aujourd’hui victime de vos propres méthodes ?

Agbéyomé KODJO : Les courtisans déclarent dans leurs insanités quotidiennes à la télévision que je serais l’auteur du putsch parlementaire qui a renversé le gouvernement d’ADOBOLI. Cette présentation n’est que pure affabulation dans laquelle le régime excelle avec une virtuosité consommée . C’est EYADEMA qui a fait partir ADOBOLI.

Premier Ministre qu’il était, il avait demandé à faire le bilan de l’exécution de son programme de gouvernement .J’ai donc réuni, comme en pareille circonstance, la conférence des Présidents pour préparer cette rencontre. Les présidents de commission ont reçu des consignes pour assurer la bonne conduite des députés. Le Chef de l’Etat m’a reçu avec le Premier Ministre en présence de BARQUE et de VOULEY et j’ai confirmé les bonnes dispositions que j’ai prises pour assurer le bon déroulement de la cérémonie . ADOBOLI a présenté au Chef de l’Etat son rapport ; des passages revendiquant à l’actif de son gouvernement certaines réalisations ont été censurés. ADOBOLI et moi quittâmes ensuite le Chef de l’Etat pour aller préparer, à la primature, sa rencontre avec le Parlement. Quelques instants après, le Chef de l’Etat me convoqua à Lomé 2 pour me dire que si un enfant veut s’amuser avec le feu il faut le laisser vivre son expérience, ainsi demain, il en tirera la leçon. Surpris par cette boutade et perturbé, BARQUE me fit une explication de texte en disant clairement qu’il s’agit de voter une motion de censure contre ADOBOLI pour le renverser. Le Chef de l’Etat renchérit en chargeant VOULEY de sensibiliser Tchaa Katanga et les députés à cette fin .

Je me rendis au bureau et convoquai une nouvelle séance de travail avec les Présidents de commission pour leur dire que les données avaient changé et leur demander de laisser les députés poser toutes les questions au Premier Ministre et au besoin nous voterons une motion de censure. Voila les dessous du vote de défiance contre ADOBOLI.

LETOGOLAIS.COM : Pourtant Eyadéma avait choisi d’ADOBOLI pour asseoir la confiance de la communauté internationale. Pourquoi ce revirement et quel est son intérêt dans cette destitution ?

Agbéyomé KODJO : En fait le malheur de mon prédécesseur a commencé lorsque certains chefs traditionnels se sont rendus auprès du chef de l’état pour lui demander de coopter ADOBOLI comme son successeur, étant donné qu’il souhaite quitter le pouvoir à la fin de son mandat constitutionnel. On démarra une campagne de dénigrement et on favorisa la rébellion de certains de ses ministres contre lui. Il était devenu, dans les conversations de la cour , l’objet de risée de tout le monde jusqu’à son départ de la Primature. Pour expliquer que le problème était ADOBOLI : lorsqu’il m’a été donné de composer le nouveau gouvernement, EYADEMA m’imposa, contre toute attente, tous les membres de l’équipe sortante à l’exception des ministres avec lesquels il était en délicatesse.

ADOBOLI a été victime de l’ambition présidentielle qu’on lui a prêtée.

LETOGOLAIS.COM : D’aucun vous reproche d’avoir lâchement abandonné votre famille à Lomé pendant votre exil en France. Pouvez-vous nous rassurer sur le sort de votre famille ?

Agbéyomé KODJO : Je n’ai pas abandonné mon épouse, mes enfants et mes parents pour fuir le pays. Ma vie était sérieusement menacée; c’est la raison pour laquelle j’ai été obligé précipitamment de quitter malgré moi ma famille. Eyadema n’a-t-il pas envoyé un commando pour m’arrêter au lendemain de la publication de mon document ? Les officiers qui ont conduit cette mission infructueuse se sont retrouvés en tôle.

LETOGOLAIS.COM : Un mot de la fin ?

Agbéyomé KODJO : Je ne saurais terminer sans évoquer la fausse apparence d’homme de rassemblement qu’affiche le chef de l’Etat le double langage dont il abuse pour endormir les esprits naïfs pour exprimer ici mon indignation face à la campagne de dénigrement orchestrée par le régime contre l’église catholique .Dieu le Saint Siège et les fidèles sauront appréciés la haute estime et le respect dans lesquels les tiennent les autorités togolais.

J’invite mes compatriotes à entrer dans l’espérance d’une aube nouvelle. Le changement interviendra par la volonté de nous affranchir de la peur dont se nourrit l’oppression. Nous devons refuser l’organisation de consultations dont les résultats sont connus à l’avance. Restons dans la chaîne de communion pour exiger et obtenir la fin de l’obscurantisme au Togo. Il est donc temps d’agir pour ouvrir les portes de l’espérance et du salut de notre peuple.

LETOGOLAIS.COM : Nous vous remercions

* Ex-Premier Ministre du Togo en exil en France depuis 2 mois