29/03/2024

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La diaspora togolaise: Comment s’organise-t-elle? Quelles sont ses projets ?

TRIBUNE LIBRE
par Tido BRASSIER

La diaspora togolaise qui est une masse critique de pression politique contre la dictature militaire du Général Eyadéma est devenue désormais un pouvoir politique en tant que tel, et influente dans son action politique à travers sa mobilisation permanante depuis le coup d’Etat du 5 février 2005. Elle a suffisamment démontré sa présence dans le débat national, ainsi que son potentiel politique et économique à occuper sa place dans les médias en tant que masse de pression dans la vie nationale pour faire admettre ses idées et ses projets.

Avant d’aborder le rôle et l’émergence de cette nouvelle force politique dynamique et efficace dans son engagement contre la dictature héréditaire des Gnassingbé au Togo, il convient de préciser comment elle se mobilise, quelles sont ses forces, ses intérêts, comment compte-t-elle peser sur la scène politique nationale, bref nous verrons ce qu’elle cherche à modifier aussi bien au Togo que dans le monde auprès des décideurs politiques.

La diaspora est composée des forces vives du Togo, une diversité d’hommes et de femmes partis à l’étranger pour la même raison, se réaliser, à défaut de le faire chez soi au Togo.

Les premières vagues de départ se situent autour des années 1963, les jeunes écoliers à peines diplômés du certificat d’étude primaire embarquaient par le wharf de Lomé sous couvert de l’association catholique Aparento(Association des Parents Togolais), dit Father Help, crée par le père Nuadji pour scolariser la jeunesse togolaise entre 8 et 15 ans dans les collèges et lycées en France. Pendant près de 10 ans, cette association a fait partir en France environs 200 à 500 jeunes filles et garçons qui sont devenus pour la plupart des cadres confirmés dans les plus grandes multinationales de l’Hxagone. Il faut savoir qu’en quarante ans, ceux qui sont retournés s’installer au Togo, ne représentent pas le tiers du nombre total parti à partir de 1956, encore que, ceux qui ont tenté cette fatalité parce que retraités, étaient revenus aussitôt en France vue les conditions de vie qui les attendaient au pays. Il faut noter également qu’en 50 années de séjour en France, cette population est aujourd’hui multipliée par 10 et bientôt, de nouveau par 10 du fait des enfants et petits-enfants nés à l’étranger.
Cette population posséde l’avantage de la double nationalité et disponible à apporter sa contribution pour le développement économique et social du Togo. Cette contribution passe par la réalisation des constructions, rénovations des maisons, investissements dans les transports, et l’envoi d’argent servant de pensions alimentaires que nous verrons plus tard. Au total, se sont des millions de francs cfa qui circulent tous les ans vers les banques togolaises.

Les enfants et petits-enfants nés en France à partir des vagues successives de l’immigration organisées par l’association catholique Aparento, ont gardé un contact permanent avec leurs familles d’origine au Togo, ainsi que les traditions ancestrales, la preuve en est que, la quasi-totalité de ces enfants parlent couramment la langue Ewée et autres langues nationales. Notons enfin que cette heureuse initiative du père Nuadji a connu son déclin entre 1969 et 1970 à cause de l’ingérence dictatoriale et autocratique de l’Archevêque de Lomé Monseigneur Dosseh-Anyron qui avait détourné les principes fondateurs de cette initiative à des fins d’enrichissement personnels.Les enfants envoyés en France à partir de 1968 n’étant plus issus de la classe pauvre conformément aux buts fixés par l’association, la communauté catholique française à mis fin à cette aventure éducative tout de même noble à l’actif du père Gérard Nuadji.

Il faut ajouter à cette vague, ceux dont le départ s’inscrit dans une démarche individuelle, telle que certaines familles togolaises issues de la bourgeoisie de Lomé, et certaines familles issues du métissage franco ou germano-togolais bénéficiant de la double nationalité togolaise et française par la loi de 1936 votée à l’assemblée nationale française. Il faudra prendre en compte également, le départ de certains jeunes débrouillards qui arrivent à prendre le train en marche malgré leur infortune, ils sont communément désignés sous le nom de clandestins passant de bateaux en bateaux jusqu’aux ports de Marseille ou du Havre. A partir de 1970, au temps où des bourses d’études étaient régulièrement attribuées au Togo, chaque année, près de 800 Togolais partaient en Europe et au Canada pour des études secondaires et supérieures ou encore en stage de formation en ce qui concèrne les fonctionnaires. Ce n’est qu’autour des années 90 qu’on peut réellement parler d’exode, et nous arrivons tout droit dans un contexte politique caractérisé par l’exil dont la cause est incontestablement la dictature sanguinaire du Général Eyadéma contraignante pour l’épanouissement humain.
Ainsi, les Togolais ne partent plus pour aller se réaliser à l’extérieur, mais contraints par la dictaure à cause de leur opinion considérée comme un délit, et pour échapper à la torture, à l’éxécution extrajudiciaire, à la pison à vie, bref à la barbarie humaine.

La masse de la diaspora va être multipliée par 10 tous les cinq ans entre 1990 et 2006 pour devenir la sixième région du Togo. En l’absence de chiffre officiel, il est difficile de quantifier cette masse humaine, certains avancent le chiffre de 1.500.000 personnes au maximum, l’effectif total de nos compatriotes en Afrique, en Europe, aux USA et au Canada, et d’autres, un minimum de 900.000, soit un chiffre supérieur ou égal au nombre d’habitant de la ville de Lomé la capitale du Togo; chiffre à confirmer, mais il est énorme !

Ainsi, la dispora togolaise représente une masse aussi bien variée que diversifiée en ce qui est de son potentiel en ressources humaines. Elle comprend toutes les catégories socio-professionnelles, cadres de banques, et de multinationales, Médecins, Infirmiers, Sages-femmes, Avocats, Juristes, Notaires, Ingénieurs Chercheurs, Comptables, Experts-Comptables, Enseignants, une grande masse de salariés, Ouvriers qualifiés, Artistes, Footballeurs, etc… De nombreux Togolais sont devenus fonctionnaires dans l’administration française, ils sont estimés entre 500 et 800 d’origines franco-togolaises ou germano-togolaises à servir sous les drapeaux dans les forces armées françaises. La diaspora togolaise en France s’est même payée le luxe de compter en son sein un ancien ministre socialiste, Kofi Yamgnane, Ingénieur ponts et chaussées, Maire de Saint-Coulitz, Vice Président du Conseil Général du Finistère, ce qui fait la fierté de l’ensemble de la communauté afro-antillaise et maghrébine. La diaspora compte également dans ses rangs quelques prêtres catholiques qui lui permettent d’assister aux messes du dimanche dites en langue Ewé, ce qui est aussi un luxe.

Toute cette masse humaine représente un bloc démocratique soudé et déterminé à apporter un changement radical au Togo, ce changement passe par le départ immédiat et sans condition du clan Gnassingbé arrivé illégalement au pouvoir par la barbarie et le crime de sang.

La diaspora aujourd’hui a un devoir patriotique sacré, celui de faire sa réelle apparition politique sur l’échiquier national, pour imposer un espace de clarté à travers tous les acteurs politiques du Togo.
Elle a un rôle de médiateur politique et de groupe de pression sur les organisations sous régionales telles que la CEDEAO et continentales à l’image de l’Union Africaine. Elle a le devoir de peser de tout son poids d’influence sur la politique africaine de l’Elysée, notamment sur les décisions concernant le Togo qui sont en décalages par rapport à la réalité de l’Afrique. Elle doit faire en sorte, d’avoir un droit de regard sur les grands sujets concernant la coopération nord-sud tels que les ventes d’armes, l’installation des bases militaires en Afrique, l’aide au développement, l’éfacement de la dette, l’attribution des bourses d’études, l’assistance technique etc…bref, toutes les décisions concernant l’Union Européenne et le Togo.
La diaspora, en effet une fois investie de cette mission, a le devoir de dénoncer tout accord conclu entre les autorités togolaises et les institutions internationales n’allant pas dans le sens de l’intérêt général. En la matière, il faudra prendre l’exemple de l’influente diaspora haitienne aux USA qui détient un pouvoir politique considérable par son organisation et son efficacité à soulever la question nationale remontant jusqu’à la maison blanche. Par deux fois, elle a réussi a obtenir l’intervention de l’armée américaine à Haïtie sous le couvert des casques bleus de l’ONU contre la dictature des Duvallier et plus tard, contre celle du père Jean-Bertrand Aristide, et l’exil politique de ces deux dictateurs.

Pour y arriver, les Togolais ont besoin de s’organiser sérieusement par la mise en place d’un bureau exécutif de la diaspora et d’une grande assemblée générale législative autonome en France, en Allemagne, en Belgique, aux USA, et au Canada, et de débattre de tous les sujets concernant la vie politique nationale, prendre des décisions courageuses et se faire connaître auprès des gouvernements et des partis politiques de leur pays respectifs. Nous l’avions dit: la diaspora togolaise dans le monde représente la sixième région administrative du Togo, mais elle est en réalité la première région économique du Togo par le poids des salaires et des transactions financières mensuelles faites en direction du Togo.

Au total, ce sont des centaines de milliers d’euro et de dollars qui s’envolent par an vers le Togo sous formes multiples: mandats, billets à ordre, Western Union, chèques de banque, travellers chèques, espèces etc…..Cette participation financière de la diaspora togolaise dans l’économie nationale développe le commerce togolais, en créant des richesses et de nombreux emplois.
Elle passe d’abord par l’achat de terrains et nourrit toute la chaine de production dans le domaine de la construction et des métiers des architèctes, des maçons, des ferrailleurs, des poseurs de carrelages, les menuisiers, les plombiers, les peintres, bref tous les ouvriers et acteurs du secteur du bâtiment trouvent leur compte grâce à la contribution active de la diaspora. L’argent envoyé au pays par la diaspora fait augmenter chaque jour la capacité de consommation des ménages, ainsi que leurs épargnes, car ils sont nombreux en Europe et aux USA à envoyer des pensions alimentaires à leurs parents ou enfants restés au pays et vivant dans la misère. La pension alimentaire moyenne versée à un parent au Togo représente environ 500 euro par mois, c’est à dire 325.000 francs cfa, ce qui est l’équivalent d’un trimestre de salaire d’un médecin en fin de carrière au centre hospitalier universitaire de Lomé.

Ainsi, une question cruciale mérite d’être posée: Au moment où le Togo est endetté jusqu’au cou, appauvri par la faillite de la gestion du clan Gnassingbé, sanctionné par l’Union Européenne pour cause de daficit démocratique, pour le peu que ce pays tienne encore debout, c’est grâce à qui ?
Bien entendu par l’effort financier de la diaspora envers nos compatriotes puisque les salaires et pensions ne sont plus versés par l’Etat.

Pour quelle raison le traditionnel mandat poste n’est plus solvable depuis les années 1990 ? Parce que la faillite de l’Etat ne lui permet plus de régler les compensations annuelles au niveau des soldes de la balance commerciale dont le déficit a atteind les records les plus vertigineux, en conséquence, les bureaux de postes européens ne peuvent plus émetre des transactions internationales vers les pays non solvables tels que le Togo. La diaspora étant concernée par la vie des parents au pays, passent désormais par la Western Union et les banques classiques, ou encore par le biais des moyens informels.

C’est pour cette raisons que le droit de vote de la diaspora devient une question urgente. Les Français à l’étranger votent à travers leur représentation diplomatique, pourquoi n’est-il pas de même pour les Togolais en France ? De quoi a-t-on peur ? Et au nom de quel principe doit on continuer de fonctionner de la sorte depuis des années ?

Pour conclure, il est important de souligner davantage le fait de l’émergence d’une nouvelle force politique dynamique que constitue la diaspora togolaise dans le monde. Elle vient seulement de prendre conscience de son existence et de l’impact politique qu’elle peut porter sur la scène nationale depuis l’extérieur, c’est pour cette raison qu’elle commence à se remuer, à se chercher, à regouper toutes les énergies et compétences éparpillées, elle s’organise et avance petit à petit en Allemagne, en France, en Belgique, aux USA et au Canada, en devenant de plus en plus crédible, influente auprès des plus grands décideurs politiques de ce monde. Elle est à la pointe des nouvelles technologies en matière d’information, il n’y a plus qu’à observer les nombreux sites internet de nos compatriotes à travers le monde par rapport aux quelques sites gouvernemantaux bourrés de mensonges d’Etat, d’ailleurs dénoncés par-ci, par-là.

Il ne reste plus qu’à se constituer en une vaste association politique internationale dotée de statuts, de règlements, d’exécutif et d’assemblée générale législative pour organiser une grande première historique, c’est à dire, une vaste assise nationale, un véritable congrès dont le but est d’amorcer la transformation profonde et radicale de notre société nationale en décomposition au profit de la modernité.
Il est du devoir de la diaspora de se soucier du quotidien des Togolais restés au pays, que la dictature a laissé au bord du chemin dans la misère et la pauvreté; Elle a surtout le devoir de rechercher dans les grands pays, des financements, des projets, des initiatives privées, religieuses ou associatives, bref des bonnes volontés souhaitant apporter une quelconque pierre à l’édifice nationale.
La diaspora doit pouvoir également faire en sorte que toutes les formes de luttes contre la pauvreté initiées en Europe par les grandes oeuvres caritatives et des droits de l’homme se saisissent du drame togolais afin de contribuer à notre combat contre cette dictature héréditaire sauvage.
Sur un 1.500.000 personnes donnant 1 euro par an, nous avons 1.500.000 euro, ce qui fait 975.000.000 millions de francs cfa par an, moralité: nous avons les moyens de peser sur le cours des choses et financer nos grands projets de développement au Togo au lieu d’attentre toujours l’aide de l’Union Européenne et de la France qui finissent par nous dicter leur loi.
Il est urgent que tous les leaders togolais se concèrtent en vue de la création de ce grand mouvement planétaire auquel le peuple de la diaspora adhère totalement, ainsi, l’Afrique et le Togo seront ce que nous voudrions qu’ils soient et non ce que la françafrique voudra que nous soyons, bref agissons pour ne plus subir.

Paris, le 23 mai 2006