20/04/2024

Les actualités et informations générales sur le Togo

Les grandes imprudences de Nicolas SARKOZY

Par Armand ADOTEVI *

Le nouveau Président de la République Française Monsieur Nicolas SARKOZY effectua à la fin du mois de juillet 2007 un déplacement en Afrique (Libye, Sénégal, Gabon). L’étape du Sénégal fut marquée par un discours à (sic) «l’élite de la jeunesse africaine» prononcé le 26 juillet 2007 à l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar.

Dans son discours, Monsieur SARKOZY, professa [ses] « certitudes » sur l’histoire du continent africain; développa des thèses à tout le moins approximatives et cru pouvoir faire la leçon aux Africains sur une série de sujets et plus particulièrement s’agissant des douleurs mémorielles liées à l’esclavage et aux blessures de la colonisation.

Le discours prononcé par Monsieur Nicolas SARKOZY à Dakar relève ni plus ni moins que de divagations qu’accompagnent une singulière méconnaissance de l’histoire du continent africain par … l’homme de la rupture ; par l’homme politique français qui affiche régulièrement la posture de celui qui sait tout, de celui qui a réponse à tout, de celui qui dispose d’éminentes compétences pluridisciplinaires (…).

Sans contestation possible les africaines et africains sont pour partie eux-mêmes responsables en propre, de la stagnation de la plupart des pays du continent. Convenons-en ! Cependant je m’empresse d’affirmer que *le maintien au pouvoir durant des décennies (30-40 ans !) de nombreux dirigeants africains qui ne peuvent se prévaloir de nulle autre qualité que de celle au choix : de dictateur, de potentat, d’inculte ou de cleptomane est tout de même le fait actif des puissances occidentales qui ont quelque intérêt à [les] voir se maintenir au pouvoir.

*Le pillage par l’Occident des matières premières et autres ressources minérales dont regorgent le sous-sol de l’Afrique est avéré; *les édifications coûteuses par les occidentaux « d’éléphants blancs » permettant la mise en place de systèmes fort juteux de corruption et de rétro commission n’est pas une invention des africains ! *Les Institutions internationales de financement du développement (Banque Mondiale, FMI, etc …) imposèrent dès les années 1970 des politiques économiques desquelles résultèrent un service de la dette colossal, des politiques d’ajustements structurels inappropriées, la déliquescence complète et durable des économies africaines. *Les guerres et ou conflits interethniques (subtilement « instrumentalisés » par l’Occident avec leur lot de drames humanitaires, de maladies; de désordres économiques et de dévastation du lien social ne sont pas une vue de l’esprit dans de très nombreux pays d’Afrique (….)

Dois-je le rappeler ? La semaine dernière les plus hautes autorités de la République du Niger décidèrent de l’expulsion de leur territoire national du Représentant local du Groupe AREVA au motif que pèserait sur ce Monsieur une présomption d’instrumentalisation et de financement d’une rébellion armée touareg en action dans le désert au Nord du Niger. Tant et tant de cas véridiques de manipulations en tous genres de l’Occident à des fins que nul n’ignore sont activées en Afrique !

Par ailleurs, si le sous-sol de l’Afrique est bel et bien pillé, il sert également à l’occasion de poubelle et de dépotoir pour l’Occident. Les occidentaux y déversent depuis toujours des déchets toxiques mortels et tout une gamme de saletés. (Voir cas de la Côte-d’Ivoire et de tant d’autres pays d’Afrique).

Dans son discours à l’élite de la jeunesse africaine, Monsieur SARKOZY [nous] fait la leçon sur les soi-disant « coutumes et traditions dans les campagnes africaines » qui auraient pour effet de freiner le développement de l’Afrique; « le paysan africain immuable en gestes et paroles n’aurait selon Monsieur Sarkozy, dans [son] imaginaire, ni place pour l’aventure humaine, ni l’idée du progrès ». Pareille allégation est hasardeuse! Quelle mésestime pour l’Afrique ! L’Occidental serait dès lors, le détenteur exclusif des clefs du savoir et de la connaissance. Il y a en l’espèce, une perversion intellectuelle empreinte d’une posture de supériorité qui en tous points présente un caractère outrageant pour autrui.

Possiblement le poids des coutumes et traditions (entre autres facteurs) ne favorisent pas dans de nombreux villages d’Afrique une entrée dans la « modernité ». Toutefois, Monsieur Nicolas SARKOZY ignore vraisemblablement que l’Afrique a une histoire antique et des traditions magnifiques, délicates et séculaires, Monsieur Nicolas Sarkozy ignore sans doute également que les Africains bougent, que les africains créent, que les africains sont imaginatifs, qu’au surplus, en raison d’un récurrent phénomène dit de l’exode rural, les populations villageoises migrent vers les villes grandes ou moyennes, rendant dès lors plus denses les populations des villes que celles des villages ou des campagnes dorénavant désertés.

L’exception culturelle française tant et tant défendue, les paysans français, les traditions (en tous genres) des terroirs français à foison vantés ont-ils jamais été considérés comme des éléments faisant obstacle au développement du terroir local en France ?

Monsieur SARKOZY dans son discours de Dakar argue de ce que même si la colonisation française fut une lourde faute, la France n’a pas vocation à faire acte de repentance au motif que les Français d’aujourd’hui ne sont pas responsables des actes posés par leurs aïeuls; [il] poursuit, je cite (sic) «La colonisation n’est pas responsable de toutes les difficultés actuelles de l’Afrique ». Eh bien, bonnes gens ! Souffrez de savoir que les élites africaines n’ont attendu quiconque pour procéder à une analyse approchante. Pour autant, la colonisation et la forme « exquise » de néocolonialisme qui s’est poursuivie et se poursuit de nos jours n’ont-elles pas au plan économique ainsi qu’au plan de l’exploitation des ressources minérales et autres matières premières du sous-sol africain largement abusé, manipulé, appauvri et marginalisé de très nombreux pays d’Afrique ? En outre, le colon afin de mieux servir et asseoir ses intérêts n’a-t-il pas durablement « épandu » dans la tête des africains un perpétuel réflexe de rivalités interethniques ?

Mais qui demande à la France de faire acte de repentance ? L’on demande à la France un égal traitement des crimes mémoriels ainsi qu’un enseignement scolaire honnête, rigoureux et non biaisé de l’histoire de la France esclavagiste et coloniale.

La posture intellectuelle de Monsieur SARKOZY sur un sujet que manifestement [il] méconnaît et la lecture à laquelle [il] procède de faits historiques est cocasse néanmoins inquiétante outre qu’elle constitue une insulte inadmissible pour toute l’Afrique !

Les Allemands d’aujourd’hui sont-ils responsables des actes odieux accomplis sous le régime des nazis ? Pourtant, il y a eu: *Excuses réitérées; il y a à ce jour *commémorations constantes et solennelles; il y a eu*repentance; il y a eu *réparations financières substantielles, il y a eu la *mise en place d’un Fonds d’indemnisation.

En revanche à comprendre Monsieur Nicolas SARKOZY, les Africains eux, n’ont pas droit à ces considérations; ils n’en sont pas dignes et feraient mieux d’oublier et de se taire !

Poursuivant son discours, Monsieur Nicolas Sarkozy propose à l’élite de la jeunesse africaine, une soi-disant «renaissance de l’Afrique» par l’avènement de ce qu’[il] qualifie de je cite (sic) «l’Eurafrique». Eh bien, les africains ne sont pas demandeurs du mythe de «l’Eurafrique»; les africains sont demandeurs d’une Afrique tout court! D’une Afrique traitée en partenaire égal; d’une Afrique respectée; d’une Afrique non infantilisée; d’une Afrique à laquelle l’occident paye une juste rémunération sur les transactions commerciales relatives aux matières premières; d’une Afrique dont le terre ne sert plus de dépotoir à souillure et autres déchets de l’Occident.

Monsieur Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas dans une interview à l’hebdomadaire Jeune Afrique à l’automne 2006, soutenu: « l’Afrique ne compte que pour une part extrêmement marginale dans l’économie française » ? En dépit de cette assertion ahurissante, le même Nicolas Sarkozy appelle aujourd’hui de [ses] vœux l’avènement de «l’Eurafrique» !

N’y a-t-il pas Chez Monsieur Sarkozy Nicolas, Président de la République Française, une pétulance cynique qui laissera plus d’un dubitatif ?

S’agissant des prétendus «apports de la colonisation à l’Afrique» (sic) «construction de ponts, routes, hôpitaux, dispensaires, écoles», c’est une vaste galéjade ! Tant l’intention de mystification paraît ici manifeste ! Qui donc feint d’ignorer qu’il fallait bien des « infrastructures routières » (au demeurant des voies de circulation sommaires) pour l’acheminement vers l’occident des richesses tirées des pays d’Afrique colonisés ? Qui donc feint d’ignorer qu’il fallait bien des dispensaires pour soigner les africains assujettis et corvéables à l’excès !

S’agissant de la pratique « odieuse » de vente massive d’êtres humains sélectionnés sous critères: Strictement nul africain ne s’est volontairement, avec joie, enthousiasme et spontanéité proposé ès-qualité de négociant en [produits] de [ses] semblables ! Aucun ! C’est seulement sous la contrainte, c’est seulement sous la menace que quelques rares -roitelets- locaux se laissèrent « embarquer » dans ce sordide commerce.

Ce n’est pas parce que le régime du Maréchal Pétain installé à Vichy collabora activement aux côtés de l’occupant nazi, que toute la France fut collaborationniste. Il est mal fondé de distinguer à travers un prisme déformant, des collaborateurs globaux en tous lieux où il y a eu occupation.

Pour celles et ceux qui accordaient le bénéfice du doute à l’auteur de ces imputations, le temps du réveil a sonné !

Le concepteur et rédacteur de ce discours présidentiel (vraisemblablement Monsieur GUAINO) puisa [ses] références à des sources contestables (…), tirées d’une ritournelle coloniale tendancieuse. Il ne fut pas en la circonstance, bien inspiré. L’immigration et l’identité nationale ont leur prolongement et ont valeur d’un signal idéologique notoirement fâcheux.

Par Armand ADOTEVI
armand.ado@wanadoo.fr
* Juriste d’affaires

Tribune libre publiée sur AFRIKARA.COM le 10/08/2007