06/12/2023

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Les « Nanas Benz », victimes de la concurrence et des imitations

LOME, 17 sept (AFP)- Les « Nanas Benz » togolaises, qui contrôlaient ces dernières années d’une main de fer le lucratif commerce des pagnes sur une grande partie de l’Afrique de l’ouest, sont en voie de disparition, victimes de la concurrence et des imitations.

« Les choses ont changé. Les activités ont chuté. Personne ne pouvait imaginer qu’on serait à ce stade aujourd’hui, après ce succès éclatant qu’on avait connu » pendant trente ans, raconte d’une voix douce Anita.

Agée de 68 ans, « Nannan » (grand-mère en mina) – comme l’appellent ses enfants – est l’une des « Nanas Benz » ayant fait fortune dans le commerce des « Wax hollandais », ces pagnes aux dessins caractéristiques dont les femmes détenaient le quasi monopole dans la sous-région ouest-africaine.

Devenues rapidement riches, elles avaient toutes acheté des « Mercedes Benz », ces voitures qui constituent en Afrique la preuve d’une réussite financère et sociale. Cet engouement leur a valu ce sobriquet concocté par les habitués du marché de Lomé, leur base commerciale.

« L’activité était vraiment florissante. Nos clients venaient de partout de la sous-région. Mon chiffre d’affaires mensuel variait de 25 à 40 millions de F.CFA (35.000 à 60.000 euros). Personne ne pouvait nous égaler sur le marché », raconte Eyoname, 64 ans, ancienne membre de l’Association des revendeuses de tissus du Togo, un véritable lobby pendant les années flamboyantes.

« J’ai acheté ma première Mercedes à 31 ans. Presque toutes les collègues roulaient en Mercedes », se souvient encore avec émotion Eyoname.

Ces femmes, pour la plupart des analphabètes, ont fait les beaux jours de l’économie togolaise avec le « Wax ».

Elles ont « brassé » des dizaines de milliards de F.CFA, selon des responsables du ministère togolais des finances.

« Elles étaient vraiment débrouillardes et l’économie du pays a largement bénéficié de leurs activités. Les autorités les sollicitaient parfois lors des grands sommets de chefs d’Etat et de gouvernement pour utliser leurs Mercedes », remarque Alain Lawson, fonctionnaire à la retraite.

Pour ces femmes, à qui tout avait réussi en peu d’années, la concurrence acharnée et les imitations ont tué peu à peu le « Wax ».

« Ceux qui ont découvert nos sources d’approvisionnement s’adressaient directement à nos fournisseurs. Les prix ont chuté et les tissus imités ont envahi le marché », explique désabusée, Henriette toujours présente à son stand au grand marché d’Assiganmè à Lomé.

« Nos aînées, qui ont durant des années lutté pour assainir la corporation, sont aujourd’hui de surcroît handicapées par l’âge et notre profession n’est plus organisée. Les tissus imprimés sont même vendus à la sauvette par des vendeuses ambulantes », soupire, amère, Henriette, assise sur un simple tabouret au milieu de ses tissus.

La nouvelle génération a pris conscience qu’une époque était finie.

Angèle, étudiante et fille d’une « Nana Benz », estime que « la page de nos mamans est complètement tournée », quels que soient les efforts déployés « pour assainir le secteur ».

Selon cette « nanette BMW », qui roule quand même dans cette autre marque allemande de voiture de luxe offerte par sa mère, il faut s' »orienter vers d’autres activités génératrices de gros revenus », comme les cyber-cafés ou encore le commerce d’habits pour enfants qui fait fureur à Lomé.

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