28/03/2024

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Me AGBOYIBO le 19/10/03

Propos recueilli le 19/10/03 par la rédaction letogolais.com

LETOGOLAIS.COM : L’Union Européenne vient d’ouvrir de nouvelles consultations avec le Togo sur la base de l’article 96 de l’Accord de Cotonou. Qu’en pensez-vous ?

Maître AGBOYIBO : Je me réjouis de l’initiative. C’est une bonne nouvelle. Vous n’ignorez point qu’à l’instar d’autres pays ACP, le Gouvernement togolais s’est engagé à l’égard de l’Union Européenne, dans le cadre de l’Accord de Cotonou, à veiller au respect des droits de l’homme, des principes démocratiques et des règles de bonne gouvernance sur le territoire national. Lorsque l’Union Européenne constate que les engagements pris ne sont pas respectés, elle demande au gouvernement concerné de s’expliquer, et si les explications fournies ne sont pas satisfaisantes, elle prend à l’encontre de l’Etat les mesures qui s’imposent, notamment les sanctions économiques. Le Togo a précédemment fait l’objet de consultations en juillet 1998, lesquelles consultations ont abouti à la confirmation des sanctions économiques de 1993. Le gouvernement togolais avait alors promis, à travers l’Accord Cadre de Lomé du 29 juillet 1999, de faire les efforts nécessaires à la levée des sanctions. L’Union Européenne a dû s’apercevoir que les diverses promesses ont été bafouées : l’Accord Cadre et le code électoral consensuel élaboré par le Comité Paritaire de Suivi ont été mis à terre avec pour conséquences la tenue des élections législatives anticipées en octobre 2002 sans la participation de l’opposition, le scrutin présidentiel du 1er juin 2003 émaillé de graves anomalies, la détention arbitraire des opposants, les entraves répétées à la liberté de presse etc.… C’est sans doute en réaction à ces multiples entorses au processus démocratique que l’Union Européenne a cru devoir inviter à nouveau le gouvernement togolais à s’expliquer. Et si notre pays n’y prend pas garde, il ne serait pas étonnant que l’Union Européenne aille au-delà des sanctions financières en prenant, entre autres, des sanctions ciblées qui atteignent directement les auteurs des souffrances de nos populations.

LETOGOLAIS.COM : La décision de Bruxelles est-elle liée à la position exprimée le 15 octobre 2003 à Rome au sujet du Togo par l’Assemblée Paritaire ACP-UE dans la résolution concernant l’Afrique de l’Ouest ?

Maître AGBOYIBO : Il n’existe aucun lien entre les deux. Bruxelles avait pris sa décision bien avant l’Assemblée Paritaire de Rome. Il convient de souligner que la prise des mesures frappant les Etats violateurs de l’Accord de Cotonou et leur levée relèvent de la compétence des organes exécutifs de l’Union Européenne : le Conseil des ministres et la Commission. Même le Parlement européen ne peut, en la matière, que faire des suggestions. Il est exclu à plus forte raison que l’Assemblée Paritaire composée à hauteur de 50% par des représentants des pays ACP demande la levée des sanctions. Je tiens du reste à préciser qu’a Rome où j’étais, aucun parlementaire européen sérieux n’a laissé entendre que l’on puisse dans les circonstances actuelles parler de reprise de la coopération avec le Togo. Il est temps que le Gouvernement togolais cesse d’intoxiquer les populations en se faisant lui-même manipuler par des réseaux trompeurs qui n’ont aucun impact sur les centres de décision de Bruxelles.

LETOGOLAIS.COM : Les consultations ouvertes par Bruxelles peuvent-elles permettre au Togo de sortir de la crise ?

Maître AGBOYIBO : Je le pense. Si Bruxelles a jugé nécessaire d’initier les nouvelles consultations, c’est à mon avis, parce qu’elle a estimé que le drame togolais a suffisamment duré et qu’il est temps de hausser le ton afin que des solutions soient trouvées pour sortir le pays de la crise. Il ne saurait évidemment être question que l’Union Européenne se substitue aux togolais. C’est à la classe politique togolaise et à la société civile de rechercher les solutions appropriées en tenant compte de leurs réalités à la lumière des douze années de piétinement du processus démocratique. Bruxelles ne peut que nous accompagner en prenant appui sur les prérogatives que lui confère l’Accord de Cotonou. Il est tout de même intéressant qu’elle ait choisi d’enclencher le processus des consultations à ce moment précis où le gouvernement togolais s’entête à poursuivre sa fuite en avant. Il serait pour le moins étrange qu’après les élections législatives ratées d’octobre 2002 et le scrutin présidentiel frauduleux de juin 2003, le Gouvernement togolais agisse au mépris des consultations ouvertes par Bruxelles, en organisant des élections locales et sénatoriales sans avoir préalablement établi avec l’opposition, un accord politique global incluant le rétablissement des garanties électorales. Je ne réalise guère comment un parti politique d’opposition soucieux des intérêts et des réactions des populations pourrait participer à des élections organisées dans de telles conditions avec l’intention manifeste de prendre de court l’Union Européenne et de faire échouer les consultations. Ce qui importe, c’est que l’opposition surpasse ses dissensions pour tirer le meilleur parti de l’initiative de Bruxelles et sortir le pays de la crise.

Propos recueilli le 19/10/03 par la rédaction letogolais.com

Lire également:
[Intervention d’ AGBOYIBO au Groupe PPE-DE du Parlement Européen->https://www.letogolais.com/article.html?nid=1123]
[ACP-UE: Résolution sur la situation au Togo->https://www.letogolais.com/article.html?nid=1121]