24/04/2024

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Paris et le syndrome togolais

Par Vincent Hugeux,

La France, en exigeant des élections libres, fait preuve d’une pudeur bien tardive à l’égard du régime de Lomé

Le Togo? Un pays méconnu qui produit du phosphate et des dictatures héréditaires. Le mépris du droit s’y transmet de père en fils. On croyait avoir tout vu. Mais l’accession au trône présidentiel de Faure Gnassingbé, coopté par une clique d’officiers dès l’annonce du décès de Gnassingbé Eyadema, laisse pantois. Rien ne manque à la mascarade. Ni le charcutage constitutionnel, ni l’éviction piteuse du président de l’Assemblée, régent légal, ni l’adoubement servile d’un Parlement à la botte.

Tollé instantané: l’Union africaine dénonce le «coup d’Etat militaire», l’ONU condamne et – divine surprise – Paris exige «le strict respect de la Constitution et la tenue rapide d’élections libres». Pudeur tardive. Car, en 2003, la France ne bronche guère quand Eyadema, ancien sergent-chef de la Coloniale, trafique la loi fondamentale pour briguer un sixième mandat, quatre ans après avoir juré de passer la main. Elle frémit à peine en 1998, lorsqu’il envoya la troupe saborder un dépouillement mal engagé. Ou, en 1991, à l’heure où le «Timonier» de Lomé fit donner l’artillerie contre les bureaux d’un Premier ministre imposé par une brève bourrasque de pluralisme. Elle regimbe tout juste quand le régime liquide par dizaines ses opposants, parfois largués en mer par avion.

Paternalisme

Pas question de lâcher le satrape si francophile, dont on sait qu’il assassina de sa main, en janvier 1963, le premier président du Togo indépendant, Sylvanus Olympio. Lui ou le chaos: plus dévalué que le franc CFA, le dogme de la «stabilité» sert encore. Il y a, dans la fidélité chiraquienne aux despotes à bout de souffle, un mélange de cynisme, de nostalgie, de cécité et de paternalisme. Dont témoigne le procès fait, voilà peu, au Sud-Africain Thabo Mbeki, médiateur de la crise ivoirienne, soupçonné de méconnaître «la psychologie et l’âme» de ses frères de l’Ouest. L’Elysée serait mieux fondé à sommer Laurent Gbagbo d’honorer les accords de Marcoussis s’il avait traité ses protégés avec la même rigueur. Il paraît que le vent tourne, que la Françafrique a vécu.

Mais alors pourquoi les inflexions du «nouveau cours» semblent-elles toujours concédées, jamais voulues? Croit-on préserver ainsi un tricot africain qui, maille à maille, s’effiloche? Jacques Chirac a promptement rendu hommage au disparu, cet «ami de la France». Il eût mieux valu pour son peuple qu’Eyadema, épris de chasse, d’hymnes martiaux et de champagne millésimé, fût d’abord l’ami du Togo.

L’EXPRESS