18/04/2024

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Procés Claude AMEGANVI

DOSSIER Claude AMEGANVI

I – RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 06 Août 2002, vers la fin de l’après-midi, alors qu’il sortait d’une rencontre avec le sieur WALLA Sizing Akawilou, ministre de l’Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation de la République Togolaise, l’exposant fut appréhendé dans la cour du ministère par des individus qui se sont révélés plus tard être des agents de la police nationale.

Il fut conduit dans les bureaux de la Direction Générale de la Police Nationale où il fut confronté avec un autre individu qu’il n’avait jamais rencontré auparavant et qui lui fut présenté comme s’appelant AYI Julien, directeur de publication de l’hebdomadaire Nouvel Echo. Au cours de cette confrontation, ledit AYI Julien déclara qu’il ne connaissait pas non plus la personne qu’on lui présentait avant qu’il ne lui fut précisé qu’il s’agissait de l’exposant. Aux questions qui lui furent ensuite posées, ce dernier refusa de répondre.

Dans la soirée du même 06 Août 2002, les médias publics, notamment la Télévision Togolaise (TVT) et Radio – Lomé, diffusèrent un communiqué du ministre de l’Intérieur libellé comme suit :
 » Les journaux Agooo na mi du 31 Juillet 2002 et Nouvel Echo du 1er août 2002 ont publié des informations mensongères relatives à une prétendue fortune colossale du chef de l’Etat et de sa famille.
 » En vue de rétablir la vérité, le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation a fait diligenter une enquête.

 » Au terme des investigations, il s’est révélé que la liste des 497 milliardaires du monde, publiée par le journal américain FORBES que les deux hebdomadaires ont cité comme source, ne comporte aucun nom d’Africains et encore moins celui du chef de l’Etat togolais ni personne de sa famille.

 » Conscient que l’information était fausse, le directeur de publication Ayi Julien était devenu introuvable. Activement recherché, il a été interpellé le 5 août 2002 pour s’expliquer sur le contenu de ses articles. Au cour de son interrogation il déclara que le document mensonger a été rédigé par Claude Améganvi et remis par ce dernier à Klu Névamé Alias Alpha Doumbia le 31 juillet 2002 pour publication.

« Claude Améganvi a été interpellé à son tour le 6 août 2002. A la confrontation le directeur de publication Ayi Julien a confirmé que c’est bien Claude Améganvi qui est le commanditaire de ces articles. L’enquête se poursuit. »

Le même communiqué fut repris dans le quotidien Togo Presse du 07 Août 2002.

L’après-midi du 08 Août 2002, l’exposant fut présenté au Procureur de la République près le Tribunal de Première Instance de Lomé, devant qui il refusa de faire de déclaration hors la présence de ses avocats. Il fut alors placé sous mandat de dépôt. Ce n’est que le 12 Août 2002 que, ses avocats présents cette fois, il s’expliqua pour rejeter en bloc toutes les accusations portées contre lui.

Le Procureur de la République lui fit savoir qu’il serait jugé néanmoins suivant la procédure de flagrant délit.

Le 06 Septembre 2002 Claude AMEGANVI comparaissait devant le Tribunal Correctionnel de Lomé suivant un procès-verbal d’interrogatoire en cas de flagrant délit daté du 08 Août 2002 et ainsi libellé :

 » Vous êtes inculpé :
a) d’avoir à Lomé, courant mois d’août 2002, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, ensemble et de concert avec AYIH Julien et KLU Névamé (en fuite), imputé au chef de l’Etat, des faits de nature à porter atteinte à son honneur et à sa réputation, notamment le fait d’avoir publié deux (2) articles, le premier intitulé « le président EYADEMA coupable de blanchiment et de crimes organisés » à la page 3 du journal AGOOO NAMI n°27 du jeudi 1er août 2002 et le second titré « ELLE SERAIT COLLOSSALE LA FORTUNE DU CLAN GNASSINGBE » paru à la page 3 du journal NOUVEL ECHO du 02 Août, avec cette circonstance que le fait imputé est passible de peine supérieure à deux (2) ans d’emprisonnement ;

b) d’avoir dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, livré (sic) à des pratiques susceptibles de troubler l’ordre public ou de porter atteinte aux personnes ;

« Faits prévus et punis par les articles 12, 58 alinéa 2 et 67 du Code pénal ;

« REPONSE : je ne reconnais pas les faits.

« Vu l’article du code de procédure pénale,(sic) nous lui avons déclaré que nous décernons contre lui mandat de dépôt et qu’il serait traduit devant le tribunal correctionnel suivant la procédure de flagrant délit ;

« L’inculpé a été invité à relire sa déclaration telle qu’elle a été transcrite et à la signer s’il déclare y persister ;

« Lecture faite par l’inculpé, persiste et signe avec nous »

Après plus de Treize (13) heures d’horloge de débats très houleux, le Tribunal Correctionnel de Lomé a clôturé les débats et mis l’affaire en délibéré pour le 13 Septembre 2002 ;

Le 13 Septembre 2002, le Tribunal Correctionnel de Lomé vidant son délibéré a rendu le jugement N°830/02 dont le dispositif est ainsi libellé :

« Par ces motifs statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de AYI Julien, AMEGANVI Claude Henri Kokouvi et des parties civiles et par défaut à l’égard de KLU Névamé, en matière correctionnelle et en premier ressort, après jonction des incidents au fond ;

– Rejette toutes les exceptions soulevées par la défense ;

– Déclare les sieurs AYI Julien, AMEGANVI Claude Henri Kokouvi et Klu Névamé coupables du délit d’atteinte à l’honneur qui leur est reproché ;

En répression les condamne ;

AYI Julien, à quatre (04) mois de prison ferme et 100 000 F CFA d’amende ;

AMEGANVI Claude Henri Kokouvi, à quatre (04) mois de prison ferme et 100 000 F CFA d’amende ;

KLU Névamé, à six (06) mois de prison ferme et 100 000 F CFA d’amende ; puis décerne mandat d’arrêt contre lui ;

– Dit en revanche le délit de trouble à l’ordre public non constitué et les relaxe purement et simplement des fins de la poursuite de ce chef ;

– Dit ne pas pouvoir statuer sur le cas de Eloi KOUSSAWO et autres qu’aucun acte de la procédure n’a renvoyé devant lui ;

Reçoit en la forme les constitutions de parties civiles de son Excellence GNASSINGBE Eyadéma, Président de la République et de la Loterie Nationale Togolaise ;

Condamne in solidum les prévenus à leur verser à chacun, Un (01) franc symbolique en réparation du préjudice subi ;

Les condamne en outre aux dépens ;

Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps….. ; »

Le même jour c’est – à dire le 13 Septembre 2002, le Procureur de la République releva appel a maxima de la décision ainsi rendue ;

Suivant récépissé d’appel N°69/02 du 16 Septembre 2002, le Collectif des Vingt Quatre (24) avocats assurant la défense de Claude AMEGANVI, releva à son tour, appel de cette décision.

Le Jeudi 24 Octobre 2002 le Procureur Général adressa à Maître Gahoun HEGBOR, coordinateur du Collectif des Avocats, une mise en demeure d’avoir à déposer la requête à l’appui de son appel, laquelle requête fut déposée le 08 Novembre 2002.

Par exploit du 12 Novembre 2002, Maître HONOU K. Michel, Huissier de Justice à Lomé, délaissa en l’Etude de Maître HEGBOR, en fin de matinée, pour le compte de son client, une citation à prévenu, établie à la requête de Monsieur le Procureur Général et invitant Monsieur Claude AMEGANVI à comparaître le JEUDI 14 NOVEMBRE 2002 à HUIT (08) HEURES, jours et heures suivants s’il y a lieu, par devant la Cour d’Appel de Lomé, statuant en matière correctionnelle séant au palais de justice de ladite ville ;

Pour s’entendre statuer dans les conditions fixées par l’article 369 et suivants du code de procédure pénale, sur l’appel déclaré par Maître HEGBOR, Avocat à la Cour à Lomé, du jugement du Tribunal de Lomé (Jugement N°830/02 du 13 Septembre 2002 ;

II – DEROULEMENT DE L’AUDIENCE

L’audience de la Cour d’Appel a débuté ce 14 Novembre 2002 vers 9 heures du matin avec le composition habituelle de la chambre correctionnelle savoir :

Président : Juge WOAYI, Conseiller à la Cour d’Appel
Conseiller : Juge HOUSSIN, Conseiller à la Cour d’Appel
Conseiller : Juge KODA, Conseiller à la Cour d’Appel

Cette composition a prorogé les délibérés du jour et suspendu l’audience qui devra reprendre quelques minutes plus tard par une nouvelle composition :

Président : ABDOULAYE Yaya, Président de la Cour d’Appel
Conseiller : Juge HOUSSIN
Conseiller : Juge WOAYI, Conseiller à la Cour d’Appel

Maître HEGBOR s’étonnant de cette nouvelle composition, interpella la Cour qui lui remis une ordonnance datée du 13 Novembre 2002 non signifiée aux parties, par laquelle le Président de la Cour d’Appel a procédé à la recomposition de la chambre correctionnelle de la Cour d’Appel en ce qui concerne l’affaire dont s’agit.

Le président procéda par la suite précipitamment à l’interrogatoire d’identité des prévenus et leur donna, contre toute attente, lecture du procès verbal de l’interrogatoire en cas de flagrant délit susmentionné établi par le Procureur de la République, en leur demandant s’ils reconnaissaient les faits (sic !).

Maître HEGBOR protesta, estimant à juste titre que les prévenus comparaissaient devant le Cour d’Appel, non pas sur la base du procès verbal de l’interrogatoire en cas de flagrant délit du 08 Août 2002 du Procureur de la République mais plutôt sur citation du 12 Novembre 2002 du Procureur Général, laquelle citation ne fait référence qu’à l’appel relevé par la défense.

Confus, le Président procéda alors à l’examen pièce par pièce de son dossier pour finir par se trouver dans l’impossibilité de mettre la main sur la citation par laquelle les prévenus étaient renvoyés par devant sa cour.

Maître HEGBOR lui remis alors copie de la citation litigieuse dont le Président venait vraisemblablement de prendre à l’instant même connaissance (resic !)

Le Procureur Général voulant sortir le Président de la Cour fit une envolée des plus ridicules en soutenant que la Cour est régulièrement saisie sur la base des mentions figurant sur la côte de son dossier et demanda au Président de donner lecture desdites mentions (reresic !)

La cour s’est bien gardée de le suivre dans ces errements.

Réponse immédiate de Maître HEGBOR « Monsieur le Président, c’est la première fois au cours de mes longues années d’exercice de la profession d’avocat, que j’apprends que la saisine de Cour d’Appel se fait sur la base des mentions figurant sur la côte de son dossier !

Maître Georges devait intervenir pour tenter de faire replacer les débats en portant à la connaissance du Procureur Général que l’acte saisissant la Cour n’est certainement pas la côte de son dossier mais la citation.

Le Procureur Général revînt alors à la charge pour soutenir que la cour est saisie suite à l’appel relevé par la défense de l’intégralité du jugement y compris la partie relative à la relaxe des prévenus des fins de la poursuite relative au délit de trouble à l’ordre public.

Réplique de Maître HEGBOR « Monsieur le Président vous aviez tout à l’heure rappeler que vous entendez conduire ce procès dans la sérénité, j’estime pour ma part qu’il est nécessaire que vous y ajoutiez le sérieux, car j’estime qu’il est inadmissible de la part du Procureur de la République de faire croire, d’ailleurs hors de propos, que mon client relaxé des fins de poursuite du trouble à l’ordre public ait relevé appel de la décision le relaxant pour demander à la Cour, selon le Procureur général, de rentrer en condamnation contre lui. Je souhaiterais que vous rappeliez au Procureur Général qu’il faudrait que nous soyons sérieux ! »

Le Procureur Général bondit pour affirmer avec véhémence qu’il produira si besoin en était plusieurs décisions dans lesquels des prévenus relaxés des fins de poursuite ont relevé appel de cette décision.

Maître HEGBOR estimant que ceci n’étant pas la cas de son client a rappelé à la cour que la défense a déjà déposé dans son dossier la requête d’appel contenant les moyens à l’appui de l’appel relavé par son client.

Le président mit fin à l’incident et demanda à la défense de revenir sur la citation.

Faisant référence aux articles 394 – 1° et 395 – 2° du titre IV portant « des citations et significations » du code de procédure pénale, Maître HEGBOR souleva alors l’irrégularité de la citation à prévenu du 12 Novembre 2002 en ce qu’elle n’a point respecté le délai de Trois (3) jours francs fixé pour la comparution.

Le Procureur Général bondit de nouveau en soutenant que les prévenus comparaissent sur la base de l’article 369 du code de procédure et non des articles 394 – 1° et 395 – 2° du code de procédure pénale.

Il donna lecture de l’article 369 pour se rendre compte au fur et à mesure de sa lecture que ledit article « ne nous concerne pas sur ce point » pour continuer avec la lecture de l’article 370 du même code qui également « ne nous concerne pas sur ce point » pour finir avec l’article 371 qui dispose que le délai d’appel est de quinze jours à compter du prononcé du jugement, de la signification à personne ou à domicile …..

Scandalisé Maître HEGBOR a dû donner lecture de :

– l’article 394 – 1° « le délai entre le jour où la citation est délivrée et le jour fixé pour la comparution devant la juridiction correctionnelle est au moins de trois (3) jours lorsque celui qui est assigné demeure au siège du Tribunal saisi »

– l’article 395 – 2° « si les délais prescrits à l’article précédent n’ont pas été observés, les règles suivantes sot applicables … dans le cas où la partie citée se présente, la citation n’est pas nulle, mais la juridiction saisie doit, si la partie citée le réclame, ordonner le renvoi à une audience ultérieure »

Maître HEGBOR termine en interpellant le Président « Monsieur le Président il y a une différence entre délai de recours et délai de comparution, si le Procureur Général éprouve des difficultés avec le français, ce n’est pas mon problème »

Le Procureur Général bondit en hurlant qu’il n’est pas l’élève de Maître HEGBOR, qu’il a fait ses études sanctionnées par des diplômes ce qui ne serait pas le cas de certaines personnes et que si Maître HEGBOR continue sur sa lancée, il serait contraint de demander à la Cour d’appliquer les statut (sic !)

Imperturbable Maître HEGBOR le fixa dans les yeux sans réagir.

A la fin de l’envolée lyrique du Procureur Général, le président rappela Maître HEGBOR à l’ordre et souhaita pouvoir compter sur son attitude habituellement correcte étant entendu dira le Président que « Maître HEGBOR, nous ne sommes pas là pour disserter sur les prouesses intellectuelles du Procureur Général ».

Bien évidemment le Procureur Général n’a point compris la pique et sur la huée des milliers de personnes composant le public, le président suspendit l’audience pour la reprendre Quinze (15) minutes plus tard.

La parole fut donner à Maître HEGBOR sur l’œil goguenard du Procureur Général à qui la Cour, en conclave a dû certainement expliquer les moyens soulevés à raison par la défense.

Maître HEGBOR expliqua minutieusement sa position, à la suite de quoi, faisant droit à la demande de la défense, la Cour renvoya, en application de l’article 395 – 2 suscité, l’affaire à l’audience du JEUDI 21 NOVEMBRE 2002.