20/04/2024

Les actualités et informations générales sur le Togo

Réaction de Me Agboyibo à propos de l’investiture de Edem Kodjo par l’Assemblée nationale

Propos recueillis par A. Isaac

Le Regard : Me Agboyibo, vous êtes le Coordinateur Général de la Coalition de l’opposition démocratique. Après le rejet de votre plate-forme lors des consultations pour la formation du Gouvernement d’Union nationale, le Président Faure Gnassingbé a nommé M. Edem Kodjo comme Premier ministre. Vous avez donc suivi le samedi 02 juillet 2005, la cérémonie d’investiture de ce dernier par l’Assemblée Nationale. Quelle est votre réaction sur la forme et le fond du programme-discours du nouveau Premier Ministre ?

Me Agboyibo : Soyons sérieux ! Imaginez le Président Chirac après s’être fait élire sur un programme de campagne, faire pointer devant l’Assemblée Nationale française, un opposant, tel M. Jospin pour dire qu’il s’engage à appliquer ce programme et à accepter d’être démis s’il venait à ne pas être à la hauteur des attentes. Pauvre Afrique ! Le ridicule tue en France. Pas au Togo. Car après tout, ce qui s’est passé le samedi 02 juillet dernier à l’Assemblée Nationale n’avait-il pas, à l’instar du scénario imaginaire que je viens d’évoquer, l’allure d’une tragie-comédie ? Qui pouvait en effet penser un seul instant que M. Edem Kodjo allait un jour donner aux députés RPT l’occasion de faire croire, sous des éclats de rire que, ce n’est pas au régime en place de répondre du délabrement socio-économique du pays ? Quelle inversion de la responsabilité ? Comment Edem Kodjo peut-il croire qu’il peut obtenir des barons du RPT l’autorisation de mener une politique de changement qui passerait inévitablement par la remise en cause de leurs privilèges ?

Certes on a pu rêver à un moment donné. Mais avec la formation du nouveau gouvernement, l’illusion s’est vite évanouie. Le RPT a affiché sans ambiguïté son hostilité au changement en s’appropriant tous les ministères clés grâce auxquels il lui serait loisible de continuer comme par le passé à gérer les élections comme il l’entend et à empêcher l’alternance démocratique. En réalité, dans un contexte politique du genre de celui qui caractérise notre pays, le changement politique ne peut intervenir sans un dialogue national placé sous l’égide de la communauté internationale. Seul un tel dialogue et le gouvernement d’union nationale qui doit en être issu conformément à la recommandation du mini-sommet d’Abuja du 19 mai 2005 peuvent permettre à notre pays de renouer avec la coopération et de retrouver le chemin du développement.

Le Regard : Quel est le lien entre le dialogue dont vous faites état et celui que M. Edem Kodjo entrevoit dans le cadre de l’application des 22 engagements ?

Me Agboyibo : La vision tactique que M. Edem Kodjo se faisait du point n° 1 des 22 engagements du vivant du Général Eyadema est aujourd’hui démentie par les faits. Il soutenait pour des raisons que personne ne comprenait que, dès lors que les 21 autres engagements viendraient à être exécutés, un dialogue national portant sur les questions de fond telle que la formation d’un gouvernement d’union nationale n’aurait plus de raison d’être.

Les événements graves que le pays a vécus avec le scrutin présidentiel frauduleux du 24 avril dernier obligent à avoir de l’engagement concernant le dialogue national, une lecture qui justifie pourquoi l’Union Européenne en a fait l’engagement fondamental en le plaçant à la tête des autres. II serait surprenant que l’Union Européenne s’associe à une démarche qui évacuerait une application appropriée de cet engagement en acceptant que de nouvelles élections soient organisées au Togo sans un dialogue préalable et un gouvernement transitoire qui mettent fin à la confiscation du processus électoral par le RPT.

Hebdomadaire ‘’Le Regard’’
n° 448 du 05 juillet 2005