29/03/2024

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Refugiés : Les Togolais refusent toujours de retourner chez eux

Par Noël Kokou Tadégnon

AGAME, sud-ouest du Bénin, 18 juin (IPS) –  »Je ne peux plus retourner chez moi au Togo jusqu’à ce que les choses changent au sommet de l’Etat », confie à IPS Koffi Kodjo (un surnom), qui se trouve dans un camp de réfugiés d’Agamé, dans le sud-ouest du Bénin voisin.

Kodjo a fui son pays, comme beaucoup d’autres Togolais, après les violences post-électorales survenues à la suite des manifestations de contestation de la victoire de Faure Gnassingbé au scrutin présidentiel du 24 avril.

Kodjo, 30 ans environ, qui enseignait dans la ville d’Aného, frontalière avec le Bénin, s’est enfui après avoir reçu une balle dans la jambe.  »C’est au Bénin ici que j’ai été soigné, j’ai fui avec la balle dans la jambe », témoigne-t-il à IPS, montrant le point de la blessure.

Agée d’une vingtaine d’année, Ama Amavi (un surnom), affirme également, elle, avoir perdu son mari dans les violences.  »Il a été tué par une balle perdue devant moi et mes enfants », dit-elle à IPS, en pleurant. Elle rejette aussi toute idée de retour au Togo. Selon elle, si les gens continuent par arriver dans le camp d’Agamé, c’est la preuve que la situation n’est pas calme.

Kokou Koffi (un surnom), 30 ans, est nouvellement arrivé du Togo. Il a indiqué à IPS avoir quitté le pays sans sa famille.  »J’ai fui à la suite de l’arrestation d’un ami médecin accusé à tort d’avoir soigné des manifestants de l’opposition lors des violences ».

Ces réfugiés vivent dans deux camps, sous des tentes offertes par le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Le HCR indique que le Bénin accueille actuellement 21.000 réfugiés togolais, dont presque la moitié sont des enfants. Plus d’une centaine serait arrivée encore cette semaine.

Malgré la situation inconfortable dans laquelle ils vivent dans ces camps, la plupart des réfugiés rencontrés par IPS ne souhaitent plus rentrer au Togo, du moins pas pour le moment.

 »Je me suis décidé à partir quand j’ai appris que le ministre de l’Intérieur par intérim a déclaré qu’ils vont poursuivre les arrestations », a dit à IPS, Serge Léon (un surnom), un étudiant de 20 ans à l’université de Lomé, réfugié à Comé, une localité béninoise.

Katari Foli-Bazi, le ministre de l’Intérieur par intérim, a rejeté ces accusations devant la presse, le 7 juin :  »Nous sommes désolés…, nous ne pouvons pas les arrêter ». Selon lui,  »Les vrais coupables de violences et atrocités, pendant le processus électoral, doivent être arrêtés et punis conformément aux lois en vigueur ».

Mais, pour Togoata Apédo-Ama, secrétaire général de la Ligue togolaise des droits de l’Homme (LTDH), cette assurance apparente fait partie de la stratégie de terreur du régime en place au Togo. Puisque, dit-il, des militaires rodent dans les quartiers, la nuit, autour des maisons des gens supposés proches de l’opposition.

 »Les gens partent encore vers le Bénin et le Ghana parce qu’ils sont inquiétés et les Togolais n’ont plus de recours, ni de protection, et donc, la solution c’est de fuir vers l’étranger », a affirmé Apédo-Ama à IPS.

Selon lui, des Togolais viennent quotidiennement par dizaines se plaindre à la LTDH qu’ils sont menacés par des milices du parti au pouvoir ou par des militaires qui rodent autour de leurs domiciles.

Une affirmation contestée par le Mouvement togolais pour le défense des libertés et des droits de l’Homme (MTDLDH). Claude Vondoly, le président du MTDLDH, estime que les gens se disent menacés dès qu’un de leurs proches est interpellé pour des interrogatoires à la police.

 »Dans la plupart des cas, ces personnes sont relaxées après avoir été interrogées par la police dans la cadre des enquêtes », a souligné Vondoly, proche du pouvoir, qui reconnaît toutefois qu’il y a eu des actes de violences avec une chasse à l’homme, et des règlements de compte après les élections.  »Cette situation a touché des partisans du pouvoir comme ceux de l’opposition qui se sont réfugiés à l’intérieur du Togo et à l’étranger ».

Les nouvelles autorités ont créé un  »Haut commissariat aux rapatriés et à l’action humanitaire », qui, selon un décret signé du nouveau président Gnassingbé, est chargé notamment de collecter tous les éléments d’information sur les réfugiés togolais, les rapatriés et les personnes déplacées, et de mobiliser les ressources nécessaires pour leur venir en aide.

Au Bénin, la situation des réfugiés n’est pas du tout enviable dans les camps de Comé et d’Agamé, a constaté IPS sur place.  »Ceux qui partent savent que la vie dans les camps n’est pas facile, mais comme ils ont peur pour leur vie, ils sont obligés d’y aller », explique Apédo-Ama.

 »Afin de répondre aux besoins des réfugiés, le gouvernement du Bénin et la coordination humanitaire de l’ONU ont lancé, le 13 mai dernier, un appel d’urgence pour une aide humanitaire », indique le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies, dans un communiqué.  »À ce jour, aucune réponse n’a été donnée à la procédure d’appel global », ajoute le texte.

 »Ils nous faut de l’aide et si les réfugiés continuent à venir, nous pourrions avoir des problèmes de gestion de l’espace et des épidémies », a dit à IPS, Epiphane Yélomé, coordinateur de la fédération de la Croix-Rouge à Agamé.

L’Allemagne a offert plus de 300.000 euros (369.000 dollars) pour assurer l’approvisionnement des réfugiés togolais en matériels de première nécessité dont des médicaments, des vêtements, des couvertures, des ustensiles de cuisine. Ce don concerne également les mesures sanitaires et logistiques, et la fourniture d’eau potable.

 »C’est largement insuffisant pour faire face à la situation », a déclaré Catherine Harding, membre du HCR au Bénin, indiquant que l’institution attendait toujours de l’aide de généreux donateurs.

Selon le HCR, plus de 35.000 personnes se sont réfugiées dans les pays voisins du Togo tandis que plus d’un millier d’autres se sont déplacées à l’intérieur du pays.

A l’intérieur, certains déplacés rejettent également toute idée de retour à Lomé, la capitale ou dans d’autres grandes villes togolaises.

Adjovi Komlan, la trentaine, accompagnée de son enfant de trois ans, raconte avoir perdu toute trace de son mari depuis les troubles d’avril à Lomé.  »Nous étions dans notre quartier quand les violences ont commencé et depuis, je n’ai plus de ses nouvelles ». Prise de peur, elle s’est réfugiée à Hahotoé, son village natal situé à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de la capitale.

En ce jour (6 juin) de distribution de vivres par différentes structures locales appuyées par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Adjovi s’est présentée très tôt dans la matinée devant la chapelle de l’église de la localité, dans l’espoir d’obtenir le nécessaire pour survivre.

Accueillie par sa famille dans le village, Adjovi n’entend pas y rester sans rien faire, parce qu’elle ne veut surtout pas constituer un poids pour ses parents déjà vieux.  »Mon souhait, c’est d’avoir un peu d’argent pour faire un petit commerce ici », dit-elle, excluant tout retour à Lomé.  »Avec ce que j’ai vu là-bas, je ne compte plus retourner pour y vivre ».

Pour venir en aide aux personnes déplacées les plus vulnérables, notamment celles qui ont perdu leur toit et d’autres biens, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et la Croix-Rouge togolaise ont entamé, le 9 juin dans une vingtaine de localités, une distribution d’articles non alimentaires – nattes, pagnes, savon, seaux et ustensiles de cuisine.

Selon le CICR, cette assistance touche environ 5.000 déplacés dans la région centrale du pays, et elle devra s’étendre, dans les prochains jours, à plus d’un millier de déplacés dans une autre région du pays. (FIN/2005)