25/04/2024

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Résistance marathon des partis de l’alternance : Post-élections sanglantes au Togo

La marche du samedi 20 mars 2010 et la veillée du 24 mars 2010 ont rencontré un franc succès avec des manifestants avoisinant les 100 000 dans les rues de Lomé. Le nouvel appel à la résistance nationale lancé par le candidat Jean Pierre Fabre, leader désigné de l’Union des forces du changement (UFC) et candidat unifié du Front Républicain pour l’Alternance et le Changement (FRAC) avec ses partenaires comme le Président de l’Organisation pour bâtir dans l’Union un Togo solidaire (OBUTS), Agbéyomé Kodjo, semble rencontrer les faveurs de la population togolaise.

1. Légitimation de circonstance d’un Président « fantôme »

Alors que le régime n’a toujours pas permis à Faure Gnassingbé d’apparaître en public pour faire état d’une victoire contestée, il semble cette fois-ci que les irrégularités graves et les procédures anticonstitutionnelles de proclamation des résultats de l’élection présidentielle du 4 mars 2010 ne sont pas prêts d’être acceptés par une grande majorité de la population. L’Union africaine, la CEDEAO, certains pays voisins, la France, l’UNESCO ont tablé sur le silence des Togolais en annonçant prématurément une victoire qui n’arrive pas à se concrétiser. En effet, une énième modification des résultats électoraux et une absence de preuve notoire confirmées par les observateurs de l’Union européenne rendent de plus en plus improbable ce qu’il faut bien convenir d’appeler l’impossible inauguration de la fraude institutionnalisée. Le problème est qu’avec la difficulté à voir le président sortant s’afficher en public se pose le problème de la légitimation de circonstance d’un Président « fantôme ». Il ne reste plus à ceux qui ont fait du zèle diplomatique ou ne savent pas où se trouve le Togo sur la carte de l’Afrique de se reprendre et reconsidérer officiellement leur position.

2. Intimidations sanglantes de la FOSEP

Alors que l’Union européenne accordait ses financements pour renouveler la confusion dans les résultats de l’élection présidentielle de 2005 au Togo, elle ne pensait pas qu’en 2010, elle aurait en fait financé, via une Agence française de développement, la force sécurité élection présidentielle 2010 du Togo (FOSEP).
Pourtant, c’est ce qui vient de se passer le 24 mars 2010 en pleine période postélectorale de contestation, lorsque des individus en uniforme comme en civil, convertis au kidnapping et spécialistes pour faire disparaître en plein jour les preuves de la forfaiture électorale de 2010, ont fait se transmuer la FOSEP en Force d’intimidation et de sévices présidentiels (FOSEP). Le financement sans contrôle de l’Union européenne fondé sur les déclarations harmonieuses des représentants diplomatiques trop préoccupés à ne pas faire des vagues semble réellement mettre en cause l’image d’une Union européenne sous anesthésie dès qu’il s’agit du Togo. Comment l’Union européenne peut-elle rester sourde à sa responsabilité lorsque le sang des Togolais coule à nouveau en 2010 avec la FOSEP, laquelle a fait disparaître les responsables et représentants de partis politiques ou associations suivantes : l’OBUTS (Organisation pour bâtir dans l’Union un Togo solidaire) et le MCA (Mouvement citoyen pour l’alternance). Il s’agit des personnes suivantes que les organisations de droit de l’homme n’arrivent pas à joindre pour prouver s’ils sont vivants et s’ils n’ont pas subi des mauvais traitements :

1. ADJA, Gérard
2. ABOKI, Ayao
3. AKAKPO, Solo
4. ATAYI, Emmanuel
5. ATTISSO, Fulbert
6. DANKLOU, Anani
7. MENSAH Koko Guillaume
8. TETEVI, Jacob Benissan
9. KOUDADJI, Kouakou
10. SALOWASSI, Yao
11. VONDOME, Kodjo et
12. Les nombreux inconnus dont on n’a pas pu obtenir les noms.

Il est donc urgent de rappeler à l’Union européenne que son financement a encore permis le soir du 24 mars 2010, lors d’une veillée silencieuse organisée par les partis de l’alternance républicaine, de faire charger par la FOSEP cette réunion que les responsables de partis voulaient symbolique en faisant allumer une bougie par personne. Sans aucune provocation, la FOSEP et certains de ses membres en civil ont chargé les manifestants. De nombreux blessés sont déjà identifiés et ont été évacués vers des centres de fortune, des cliniques privés pour ceux qui ont les moyens compte tenu de l’Etat déplorable d’un centre hospitalier au Togo qui manque de tout et ne traite les malades que sur la base de multiples formes de « petites corruptions « . En attendant les photos et les films de ce nouvel assaut de la d’intimidation et de sévices présidentiels (FOSEP), il y a lieu de remarquer l’absence de certaines personnalités de l’opposition comme Kofi Yamgnane, porte-parole du FRAC et Président de Sursaut-Togo, Maurice Dahuku Péré, Président de l’Alliance Aimé Tchabouré Gogué, Président de l’Alliance des Démocrates pour le Développement Intégral (ADDI) et Abi Tchessa Président du Parti Socialiste pour le Renouveau (PSR). L’essentiel de l’Etat-major de l’UFC était présent. Parmi les manifestants, il nous a été signalé qu’Agbéyomé Kodjo, Président OBUTS et Djovi Galy, un des avocats de l’UFC seraient blessés et hospitalisés dans un lieu sûr. Les autres blessés n’ont pas encore pu être dénombrés mais se situeraient entre 25-40 personnes. L’arbitraire et la force financé par l’Union européenne ont encore parlé au Togo.

3. France, Union européenne, Union africaine, CEDEAO : silence coupable

Mais comment une simple veillée symbolique peut-elle déclencher une décision antirépublicaine de charge contre des manifestants ? De quoi a peur un régime en tractation avancée pour identifier un premier ministre dans les rangs de l’opposition, quitte à employer les moyens financiers, l’intimidation, l’enlèvement de parents proches des personnalités, etc. afin d’aboutir à la capitulation de forces de l’opposition. Si cette démarche semble avoir fonctionné en 2005 avec entre 500-1200 morts et plus de 37 000 blessés officiellement, sans d’ailleurs que cela n’ait ému outre mesure l’Union européenne en termes d’actions concrètes contre la dictature du statu quo, il ne semble pas que les acteurs soient les mêmes car l’union en construction d’un Collectif pour la Vérité des Urnes (CVU) semble fédérer la plupart des structures politiques avec celles de la société civile y compris la Diaspora sans que nécessairement cela soit publier sur tous les toits. C’est cette nouvelle constellation de l’interdépendance d’une résistance tournante avec la ferme résolution d’être pérenne qui risque de conduire le Togo vers une crise sociopolitique sans précédent.

L’indifférence des officiels et des chancelleries trop occupées à gérer leur poste et à croire qu’il ne s’agit là que d’une « bande d’excités » risque d’offrir une surprise sans précédent dans un environnement où la démocratie de façade est adulée par ceux-là même qui sont prompts à rappeler les atteintes aux droits humains sans prendre les mesures effectives pour en conjurer l’avènement fâcheux. Si ceci n’est pas un encouragement pour les militaires et régimes antirépublicains d’imposer leur dictature du statu, alors c’est que la démocratie ou la dictature du statu quo au Togo est devenue synonyme de « défendre les intérêts extérieurs par l’entremise de forces militaro-civiles ».

Autour de 19 heure, alors que la FOSEP envoyait du gaz lacrymogènes pour mettre fin à la veillée symbolique et que les incantations, chants et prières à Dieu redoublaient, une sorte de panique s’est emparée de la foule suite aux intoxications pulmonaires. Une peur contagieuse est venue du fait que des véhicules militaires allaient « rouler » sur les manifestations. En réaction, les jeunes téméraires ont lancé des pierres et voulaient en découdre avec des agents FOSEP, bien protégés dans des véhicules militaires financés par l’Union européenne. Avec des barricades de fortunes érigées par les plus téméraires, les véhicules de la FOSEP n’ont pas réussi à augmenter le nombre de blessés. Aussi le combat inégalitaire entre des pacifistes réclamant une vérité des urnes et des agents de sécurité du pouvoir armées jusqu’aux dents n’ont pas pu venir à bout d’une détermination nouvelle pour la vérité des urnes qui risque de s’amplifier au fil des semaines.

L’Union européenne qui par son financement a laissé tout cela se perpétrer en faisant confiance à un régime qui promet la paix mais sème la violence sur les fonds des contribuables européens doit réagir, si possible avant les prochaines marches proclamés sur plusieurs Samedi à venir.

4. Les alternatives de sortie de crise existent

Les solutions existent pourtant pour les personnalités de bonne volonté, les Etats neutres et adeptes d’une vraie démocratie. Ces solutions passent par des pressions discrètes pour :
• libérer les personnes arbitrairement kidnappées et publier les résultats des élections des bureaux de vote détenus par les représentants du FRAC ;
• entamer un processus de négociation en partant de la situation d’avant le 4 mars 2010 et considérer Faure Gnassingbé comme un président sortant s’il réapparaît en public ;
• se mettre d’accord sur un groupe de contact qui aura pour mission de proposer des solutions aux parties en présence pour une sortie de crise pacifique ;
• obtenir le droit de refaire les élections présidentielles au Togo ou à défaut de mettre en place une structure de transition de court terme pour réaliser des élections propres, transparentes, acceptées par tous avec la participation de la Diaspora, et
• éviter les provocations mutuelles qui ne peuvent que conduire les différentes composantes du Togo à s’éloigner de l’objectif premier, celui de refonder la démocratie togolaise dans le cadre d’une société de confiance.

A défaut, il ne restera qu’à envisager le droit d’ingérence électoral qui peut ne pas passer par les structures officielles compte tenu des nouvelles alliances entre les peuples au niveau local et l’indifférence de la communauté internationale et la complicité de la communauté des dirigeants africains.

25 mars 2010

Par Dr. Yves Ekoué AMAÏZO
Directeur du groupe de réflexion, d’action et d’influence « Afrology » 25 mars 2010
Contact : yeamaizo@afrology.com