28/03/2024

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Robert Montoya rattrapé par ses trafics d’armes en Afrique

par Thomas HOFNUNG

Durant des années, Robert Montoya avait ses entrées au palais de l’ancien président togolais, Gnassingbé Eyadéma, mort en février dernier. Aujourd’hui, ce marchand d’armes français est en passe de devenir la victime expiatoire d’un régime soupçonné par certains experts de se livrer à divers trafics. Cet ancien gendarme de l’Elysée sous François Mitterrand, condamné en France pour des écoutes illégales en 1992, s’était reconverti, avec succès, en marchand d’armes sous les tropiques. A Lomé, à la tête de plusieurs sociétés de sécurité, il a fait fructifier ses affaires, tout en rendant de fiers services au pouvoir répressif du général-président aux éternelles lunettes noires, Gnassingbé Eyadéma. Désormais, il n’est plus ­ du moins officiellement ­ le bienvenu à Lomé.

Embargo. Les ennuis de Montoya ont commencé avec la publication, il y a quelques semaines, d’un rapport de l’ONU sur la Côte-d’Ivoire. Dans ce document, les experts expliquaient que près des deux tiers de la flotte aérienne militaire ivoirienne ont été fournis à Abidjan par Robert Montoya. A la tête de la société Darkwood, l’ancien gendarme a servi d’intermédiaire entre un fournisseur biélorusse (la firme BVST) et le régime de Laurent Gbagbo. Parmi les équipements livrés à Abidjan: le Sukhoï 25 qui, le 6 novembre 2004, a bombardé un camp français à Bouaké, en Côte-d’Ivoire, tuant neuf soldats de Licorne… A la suite de ce raid, l’armée française a détruit la quasi-totalité des appareils du président Laurent Gbagbo. Dans la foulée, Paris a obtenu du Conseil de sécurité l’instauration d’un embargo total sur les armes à destination de la Côte-d’Ivoire, reconduit hier pour un an. Or, dans le même rapport, l’ONU indiquait avoir récemment aperçu sur l’aéroport de Lomé deux hélicoptères Mi 8T ivoiriens en cours de réparation dans des hangars de Montoya.

Craignant de possibles sanctions de l’ONU, le successeur du général Eyadéma, son fils Faure Gnassingbé, a dû réagir. Après plusieurs perquisitions dans les locaux de Montoya, début décembre, le régime de Lomé a subitement découvert des «preuves évidentes démontrant l’existence d’un trafic d’armes», selon le procureur de la République, Robert Bakan. «Les autorités veulent en faire un bouc émissaire, explique un ancien cacique du régime. Montoya a travaillé main dans la main avec elles durant des années.» Selon l’universitaire Comi Toulabor, l’ex-gendarme de l’Elysée aurait notamment mis sur écoute les opposants sous le long règne d’Eyadéma, formé sa police antiémeutes et livré du matériel militaire à Lomé. «L’une de ses sociétés était installée sur le tarmac de l’aéroport, ajoute un ancien haut responsable togolais. Comment imaginer que le pouvoir ignorait tout de ses activités ?»

La question vaut également pour la France, indéfectible alliée d’Eyadéma, que Jacques Chirac avait qualifié d’«ami personnel» à l’annonce de sa mort. L’aéroport de Lomé sert de base arrière pour les équipages militaires engagés dans l’opération Licorne en Côte-d’Ivoire. Certains des appareils qui ont participé à l’offensive lancée par les forces de Gbagbo à l’automne 2004 contre le Nord tenu par les rebelles ont été assemblés sur le tarmac de Lomé, sous le regard des Français. Toutefois, s’il a probablement gardé des liens avec certains rouages non officiels du pouvoir à Paris, Robert Montoya roulait avant tout pour lui à Lomé. Comme le conseiller juridique spécial de la présidence togolaise, Charles Debbasch.

Poudre aux yeux. Aujourd’hui, le pouvoir togolais est-il réellement décidé à se débarrasser de son ancien protégé ? «Nous respectons les résolutions de l’ONU, explique le ministre de la Communication, Kokou Tozoun. Si Montoya a enfreint la loi, il devra répondre de ses actes.» «Ses ennuis judiciaires ne sont que de la poudre aux yeux, rétorque Comi Toulabor. Si Montoya devait être jugé, il pourrait balancer tout ce qu’il sait sur le régime.» Pour l’heure, le marchand d’armes est toujours à Lomé, libre de ses mouvements.

Publié dans LIBERATION du vendredi 16 décembre 2005
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