19/04/2024

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Sylvanus Olympio, Père de la nation togolaise

Auteur : Godwin Tété-Adjalogo

Le 13 janvier prochain, il y aura 46 ans que le Premier président du Togo, Sylvanus Olympio a été lâchement assassiné, « au petit matin », comme dit si bien M. Têtevi Godwin Tété-Adjalogo, pour qualifier la bassesse de l’acte. A l’époque l’histoire du Togo décrivait une trajectoire pour laquelle les gens se montraient fiers. On sortait de la longue nuit de la colonisation et de la servitude pour naître à la liberté, maîtres et possesseurs de nos destins. Tombé dans l’obscurité depuis 1963, difficile de savoir si on en sortira un jour. Comment est-on tombé si bas? Difficile de savoir, d’où l’importance de lire cet ouvrage, Sylvanus Olympio, Père de la Nation togolaise (Editions Harmattan, 2007), de M. Têtevi Godwin Tété-Adjalogo.

L’histoire du Togo, à ne pas en douter est sujette à caution, écrite, volée, déchirée, réécrite à telle enseigne que les générations d’aujourd’hui ne savent réellement guère à quels saints se vouer. D’autant plus que l’embrouillamini politique aidant, la recomposition de la classe politique, les retournements d’alliance, et l’insuffisance des travaux ont permis de brouiller les mémoires et ainsi donc notre histoire très récente.
C’est donc une aubaine quand des citoyens comme Godwin Tété, visiblement inquiets de notre ignorance, de l’état actuel du pays, prennent leur plume pour revenir sur l’histoire du Togo, afin d’éclairer les lanternes des générations actuelles et futures. Ceci est important, car comme le dit, l’historien et homme politique allemand, Helmut kohl, « un peuple qui ignore son histoire sera incapable de se développer ».

Ce livre constitue la première biographie d’Olympio. Certes Atsutsé Agbobli a écrit Sylvanus Olympio, un destin tragique (NEA-Sénégal; 1992; réécrit et édité sous le titre de Sylvanus Olympio, le père de l’indépendance togolaise), mais ce ne fut pas une biographie. Il est à l’honneur de M. Tété d’avoir fait cette première ébauche. Tout autre historien devra nécessairement placer la barre plus haut. Cette biographie est presque intimiste, écrite par un homme qui a vécu les événements de très prêt, y a participé activement et personnellement connu le Président Olympio. L’auteur a vécu les faits, les as recoupés auprès des sources importantes, vivantes, de première main. Il y révèle des détails insoupçonnés.
A 81 ans le 16 janvier prochain, on ne peut soupçonner M. Tété de vouloir travestir, déformer, habiller les faits pour réhabiliter le père de l’Indépendance togolaise, puisque l’histoire de M. Olympio se confond avec la sienne, s’étant identifié à lui, ayant réussi d’ailleurs grâce à une décision politique courageuse et inattendue prise par cet homme à cette époque coloniale: celle d’envoyer directement les lycéens togolais non à Dakar, comme la plupart des colonies de l’AOF, mais directement en France et partout ailleurs en Europe.

Qui est donc cet Olympio qui continue toujours par charmer l’auteur, près d’un demi-siècle après sa mort ? Dans cette biographie, l’auteur ne manque pas de faire un clin d’œil au présent pour donner au lecteur l’occasion de comparer et d’apprécier. Lesquels clins d’œil sont pleins d’un humour caustique, prouesse qui marque le caractère de M. Tété : des idées arrêtées, d’ardentes convictions, un corps de doctrine.
Extrait d’une de ces piques : «Sylvanus Olympio n’a eu qu’une seule femme dans sa vie de dur labeur. Il n’a eu qu’un nombre parfaitement raisonnable d’enfants, et non un bataillon de rejetons plus ou moins tarés. Il n’a point accumulé –au détriment du peuple travailleur- des ‘’fortunes’’ financières et matérielles faramineuses, notoirement illégitimes, illicites.» Des piques comme celles-là, à la limite provocatrice.

Cela est gênant quelquefois pour le lecteur, mais il en a besoin pour comprendre Sylvanus Olympio. Car cette biographie, ce n’est pas seulement l’histoire et la vie d’un homme, mais c’est surtout l’histoire du nationalisme togolais, aujourd’hui disparu et que les populations togolaises essayent de réveiller vainement à chaque élection. C’est l’histoire de la classe politique d’une certaine époque,… à comparer à celle d’aujourd’hui.
La biographie se décline sur plusieurs chapitres qui se lisent avec délice, l’auteur donnant par endroits au lecteur des notions de militantisme politique et de nationalisme. On y passe des origines socio-familiales de Sylvanus Olympio aux causes et conséquences de son assassinat, en passant par sa formation, sa carrière professionnelle, son parcours politique et son héritage politique. Des chapitres qui révèlent ce que fut ce grand homme, aujourd’hui relégué aux oubliettes et abandonné dans les poubelles de l’histoire, alors que de tous les dirigeants Africains- à un degré moindre Nkrumah et Julius Nyerere-, il fut le seul à réellement avoir une ambition et une vision de son pays et du monde.

Tout l’itinéraire de cet homme le conduit tout droit à la direction de ce pays: son extraction sociale, son éducation, sa formation universitaire et politique. Issu de l’aristocratie afro-brésilienne, Olympio est le seul père africain des Indépendances à prétendre avoir eu une éducation réellement occidentale, ce qui le mettait au rang des grands leaders occidentaux. Peut-être est-ce à cause de cela qu’il ne pouvait nullement supporter les petits commis européens qui opprimaient son peuple.
Cependant, le chapitre sur le nationalisme togolais fut d’une réussite totale. Incompréhensible et redouté des impérialistes, il n’y a pas de doute que ce caractère national est à l’origine de l’assassinat du président. Et c’est bien de le souligner quand l’on constate à quel état de servitude est rendu l’Etat togolais et les Togolais, avec la mainmise de l’étranger sur les ressources nationales, bradées.
Reste des chapitres qui demeurent toujours discutables mais où l’auteur essaie d’apporter des lumières plus convaincantes que les raisons données par les partisans du Président. Pourquoi le président n’a-t-il pas proclamé l’indépendance en 1958 et a entendu deux ans pour le faire? Quels étaient ces rapports avec son aile gauche, la Juvento ? Et pourquoi alors, le régime avait-il fini par s’endurcir au point de passer pour autocratique avant l’assassinat du Président? Qui a tué le Président et pourquoi? Pourquoi les Togolais n’ont-ils pas réagi violemment à son assassinat ?
Peut-être le lecteur devrait y voir que le Président Olympio était trop en avance sur son époque, et qu’il dirigeait un pays dont les habitants, ingrats, mille fois ingrats, ne savaient pas que la liberté avait un prix.

Des réponses claires et analytiques qu’apporte l’auteur dans un style cru et incisif, dans une langue classique, qui montre déjà la formation intellectuelle de M Tété. Ecrire n’est pas facile et reste très fastidieux. On est surpris de la force de M. Tété malgré le poids de l’âge. Il nous laisse un livre d’histoire mais aussi un livre-réaction. C’est la lumière d’un nationaliste meurtri devant la désolation dans laquelle est laissé son pays, et qui laisse cet ouvrage dans l’espoir que les générations futures pourront s’en inspirer pour construire la nation. C’est un ouvrage d’un homme d’ambition et de vision, denrée rare aujourd’hui dans la classe politique togolaise.

Note de lecture publiée dans Focusinfos