19/04/2024

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Togo: Conférence de presse de Gilchrist Olympio

En prélude à la commémoration du 13 janvier, date anniversaire de l’assassinat de Sylvanus Olympio, père de l’Indépendance du Togo, l’Union des Forces de Changement (UFC) a organisé à son siège une conférence de presse hier 10 janvier 2008. « L’objectif de cette rencontre d’aujourd’hui ne porte pas sur des problèmes de fond ou d’actualité. Mais, c’est surtout pour couvrir les journées du 13 janvier que nous plaçons résolument sous le signe du recueillement. Nous souhaiterons que l’ensemble des Togolais aille vers la réconciliation et comprenne que la commémoration du 13 janvier ne peut être une fête mais, un jour de recueillement où chacun devra réfléchir sur le parcours du peuple togolais jusqu’à présent », a expliqué Patrick Lawson, 3ème Vice-président de l’UFC dans son mot introductif. Cette conférence de presse a été présidée par M. Gilchrist Olympio.

Allocution de Gilchrist Olympio

Aujourd’hui nous sommes rassemblés ici pour commémorer une date, un symbole. Mais avant d’aller discuter en profondeur ce sujet, je voudrais vous souhaiter une bonne et heureuse année, santé solide pour nous tous et remercier vous tous ici et ceux qui n’ont pas pu être présents avec nous du grand effort qu’ils ont fait, remercier surtout nos compatriotes qui aujourd’hui siègent au Parlement du Togo. C’est la première fois en 45 ans que les descendants biologiques et politiques de l’«Ablodé » siègent au Parlement.

Les chiffres officiels disent que nous avons eu à peu près 900.000 voix. Mais vous connaissez les conditions dans lesquelles nous vivons dans ce pays. Nous autres, nous avons 27 sièges au Parlement et eux, 50. A ces 50, on peut encore ajouter 3 ou 4 autres et ils auront 54. Mais cela ne fait rien. Ce n’est pas le nombre qui compte, c’est la qualité des gens.

Je me rappelle très bien, quand nous étions à la messe de requiem le 13 janvier, il y a 45 ans, le Cardinal de Boston a dit : «Ce n’est pas la longueur de la vie qui compte, c’est la qualité de la vie qu’on mène ». C’est la qualité de nos hommes au Parlement qui feront le grand changement que nous souhaitons tous dans ce pays.

Merci tous pour l’effort qui a été consenti. Merci pour la jeunesse. Merci pour nos femmes qui nous ont suivis partout, de Lomé jusqu’à Cinkassé. Pas une fois, pas deux fois, mais trois fois en l’espace de trois ou quatre mois que nous avons sillonné plusieurs dizaines de villages, villes, hameaux etc…C’est grâce à votre effort que le début de changement que nous souhaitons va commencer.

Nous allons commencer également un certain nombre de négociations avec les gens qui sont au pouvoir en ce moment. Comme vous le savez, on a un dialogue intertogolais dans lequel on était tout le temps minoritaire. Malheureusement, c’est ce dialogue intertogolais, devenu de facto notre Assemblée constituante qui a tracé les cadres dans lesquels nous avons organisé ces élections législatives. Mais cela ne fait rien. Nous devons trouver un autre cadre ou un cadre supplémentaire pour discuter de nos problèmes. Nous aurons l’occasion d’en parler. Et surtout, nous autres qui avions eu l’occasion d’ouvrir un certain nombre de discussions avec le Gouvernement, je parle en particulier de Diabaté qui était tout le temps avec moi et avec les frères Homawoo, je crois que nous allons continuer ces discussions.

Il ne faut pas perdre espoir. Le changement, nous allons l’avoir. Parce que notre cause est juste. Et nous aurons le changement que nous souhaitons et nous allons recommencer le développement dans ce pays.

Encore une fois, merci pour vous tous. Et je vous dis en même temps que si aujourd’hui c’est une journée de recueillement et de prière, c’est également un jour d’espoir. Un jour où nous croyons que nous commencerons sérieusement à entamer le processus du développement de notre pays. Notre pays n’est pas dans un bon état. Mais, il n’est jamais trop tard pour faire les choses et de les faire correctement.

Je vous remercie tous.

Extrait de la Conférence de Presse : Questions/réponses

Habituellement le RPT célèbre en grande pompe la fête du 13 janvier. Mais pour cette année, il compte le fêter dans la sobriété, ce qui apparemment coïncide avec votre ligne à l’UFC. Quel est l’avis du Président national sur la question ?

Concernant l’assassinat même du Président, il y a eu une commission qui a statué sur cette question et a même recommandé la réhabilitation de Sylvanus Olympio. Aujourd’hui que des voies sont griffées en son nom, est-ce que l’UFC a été associée à cette démarche ?

Gilchrist Olympio : Et bien, je commence avec votre seconde question. La date du 13 janvier est une date symbole pour nous. Parce que le premier assassinat politique a eu lieu ce jour-là. C’est important pour nous parce que le premier Gouvernement de l’« Ablodé », le Gouvernement de l’Unité Togolaise et de la Juvento (des nationalistes), ceux qui ont obtenu l’indépendance du pays, n’ont même pas encore fait trois ans au pouvoir. Nous avons eu notre indépendance le 27 avril 1960. Le président a été assassiné le 13 janvier 1963. Ça fait 2 ans et quelques mois et veut dire que le Gouvernement n’a même pas eu le temps assez long pour faire des bêtises. Nous sommes des êtres humains. On fait de bonnes choses et de mauvaises choses. Mais, deux ans dans la vie, surtout d’un gouvernement qui vient d’avoir l’indépendance, c’est très court. Il y a une certaine injustice qui a été créée.

Deuxièmement, je m’en vais vous dire que ce n’est pas une journée de fête, le 13 janvier. Si vraiment le régime en place en ce moment, ça veut dire celui du fils du premier Président Gnassingbé Eyadéma est sérieux avec la réconciliation dans ce pays, on devait abolir la fête ce jour-là. Qu’on fasse la fête dans les casernes, dans les stations de Police, dans les maisons privées, ce n’est pas une bonne chose. Notre pays souffre toujours des conséquences du 13 janvier 1963. Encore, il n’y a pas de grande parade qu’ils appellent des grands défilés avec des militaires et des engins de guerre. C’était une petite fenêtre qui était ouverte. Nous avons un long, long chemin à faire pour qu’il y ait une vraie réconciliation dans ce pays.

On nous a invités pour participer à la rédaction de l’histoire du Togo, nouvelle version. Personnellement, je n’ai pas été contacté, j’ai lu ça dans Togo-Presse. On m’a dit que je faisais partie d’une équipe, je crois présidée par Mgr Dosseh Anyron qui devrait refaire l’histoire du Togo. Nous, nous avons vécu l’histoire du Togo, nous l’avons étudiée (…)

C’est une date importante pour nous et une date pour tout le pays. Et nous, nous ne distinguons pas, contrairement à Mgr Dosseh, entre le Père de l’Indépendance et le Père de Nation. Il n’y a qu’une seule personnalité, ce sont ceux qui ont obtenu l’Indépendance le 27 avril 1960. Et depuis, vous connaissez les conséquences pour notre pays. Le pays cherche toujours son équilibre. Nous allons de gouvernement bancal en gouvernement bancal. Et vraiment, nous avons un long chemin à faire (…)

La réaction du Président de l’UFC du fait que le pouvoir met la célébration du 13 janvier au même niveau que le 27 avril par rapport à un communiqué du Ministère de l’Administration territoriale qui veut que le 13 janvier soit célébré dans la sobriété tout comme le 27 avril ?

Gilchrist Olympio : Je l’ai déjà dit. Le 13 janvier n’est pas une journée de fête. C’est une journée de recueillement. Et dans notre Constitution, il n’y a qu’une seule fête, c’est le 27 avril. On ne peut pas fêter l’assassinat d’un chef d’Etat le 13 janvier. Je crois, sur ce point-là, c’est des aberrations. Le 27 avril reste notre seule fête nationale, la fête de l’Indépendance, on ne peut pas mettre les deux choses sur un même pied, ce n’est pas possible.

N’y a-t-il pas une autre façon de célébrer le 13 janvier ?

Gilchrist Olympio : Je vais vous dire une chose. Avant sa mort, l’Ambassadeur des Etats-Unis M. Poulada m’a invité chez lui en Arizona et il m’a posé beaucoup de questions. Il m’a dit : « Vous savez, avant de devenir diplomate, j’étais sociologue. Je n’ai pas compris, quand j’étais à Lomé le 13 janvier 1963 quand le demi solde est parti tuer le président et après fait une grande conférence de presse pour dire que moi, je lui ai envoyé 4 balles dans la poitrine et je l’ai achevé à l’arme blanche, techniques que nous avons apprises en Indochine et en Algérie ». Et c’est quelque chose de particulier à notre culture ethnique, raciale au Togo, qu’un assassin se lève et dise : « Ah ! Je suis très fier de mon acte ! ». Voilà, le point de départ des problèmes du Togo, le Togo moderne. Et je lui ai répondu que c’est la première fois aussi que je faisais ce genre de constat. Parce que d’habitude, les assassins se cachent, ils ne sortent pas de leur cachette. Mais dans ce pays, ils sortent pour faire des photos. Moi j’ai vu des photos dans « Paris Match », dans « Le Monde » et dans d’autres journaux disant que bon voilà, après deux ans ou deux ans quelques mois, nous sommes sortis et on a abattu le président et puis ça s’est bien passé. Tout le monde l’a regardé, les compatriotes ébahis, surpris par ce genre d’attitude. On le répète, il n’y a pas de fête le 13 janvier. Nous commémorons une certaine date c’est le 13 janvier 1963. Nous disons surtout à nos jeunes frères, à nos enfants qui sont nés après le 13 janvier qu’ils soient conscients de ce que notre pays a connu le 13 janvier 1963. C’est une date importante parce que tout le chemin de notre pays a été changé. Aujourd’hui, s’il parle de réconciliation, tant mieux. Nous, nous avons eu quelques discussions et je suis parti avec Diabaté et des frères Homawoo, pas une fois, pas deux fois, trois fois en séance plénière et en séance privée et nous avons parlé de beaucoup de choses. Moi je dois dire que le chemin est encore long pour qu’on parle vraiment de réconciliation au niveau du pays.

J’ai communiqué tous les documents que nous avons à celui qui a écrit l’histoire du Togo, de l’histoire de l’ «Ablodé» qui est assis à côté de moi, notre grand-frère Tété Godwin. Nous n’avons que le témoignage de M. Gnassingbé Eyadéma : « Quand je disais je suis l’assassin, j’ai tiré à balles dans la poitrine du président de la République et je l’ai achevé à l’arme blanche. Voilà des techniques que nous avons apprises en Indochine et en Algérie ». Nous, nous disons qu’à preuve du contraire, nous le tenons responsable de ce meurtre. Et en 45 ans, nous n’avons pas eu une commission d’enquête sur les circonstances de l’assassinat du premier président. Personne n’a été traduit en justice, et 45 ans après, on nous dit nous allons encore fêter le 13 janvier dans les casernes. Je crois qu’ils ont distribué 100 milles francs à chaque militaire. C’est peut-être pour fêter le 13 janvier, je n’en sais rien. Donc, il y a encore un long chemin à faire. Il ne faut pas oublier que le 13 janvier 1963 est une date historique.

… Nous avons des questions d’actualité qui sont très importantes. Par exemple le rôle de notre Parlement. Est-ce qu’on va participer à ce gouvernement, est-ce qu’il y aura un statut de l’opposition etc.…

C’est vrai, on n’a pas encore eu le temps d’attaquer les questions historiques. Mais c’est une question qui sera soulevée au moment opportun. Il y a des rues qui ont été nommées Sylvanus Olympio un peu à gauche et à droite. J’aurais souhaité voir une rue un peu plus propre mais ça, c’est le pays qui est dans cet état là. Donc voilà à peu près notre position.

Qu’est-ce qui peut favoriser dans le contexte actuel de la politique togolaise une vraie réconciliation de tous les fils du pays ?

Gilchrist Olympio : Au Togo aujourd’hui, toutes les institutions de l’Etat sont entre les mains du RPT. Au parlement, majorité absolue, au gouvernement, le système judiciaire, notre Cour Constitutionnelle, c’est entre les mains du RPT. Donc si vous parlez de réconciliation, le chemin à parcourir pour l’avancée de la démocratie, est encore long. Il est nécessaire que le président du RPT lâche le contrôle de certaines institutions parce que la démocratie est basée sur la séparation des pouvoirs. Cela explique pourquoi l’UFC n’est pas partie présenter les vœux au président parce que ça donne l’opinion que le système législatif est sous le système exécutif. C’est pour cela que nous disons : chaque chose à son temps, chaque chose à sa place. Le moment venu, nous saurons quoi dire au président de la République. Nous n’avons pas coupé le dialogue. D’ailleurs, j’ai eu des entretiens avec le facilitateur avant d’arriver.