16/04/2024

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Togo : Douti Sinalengue inhumé et ses assassins protégés par le régime togolais

Par Fabbi KOUASSI

Promotion de la politique de l’impunité

Douti Sinalengue c’est le nom du jeune élève de 21 ans décédé des suites des coups reçus à l’abdomen par les forces de sécurité à Dapaong en avril 2013 dans le cadre des manifestations scolaires que le Togo a connu. Les élèves réclamaient la reprise des cours, suite au mot d’ordre de grève du corps enseignant. Les forces de l’ordre du Togo ayant toujours la gâchette facile ont tiré à bout portant sur le très jeune Anselme Gouyano Sinandaré de seulement 11 ans et battu à mort Douti Sinalengue dont les parents ont exigé à connaitre les noms des auteurs de ce crime avant que leur enfant ne soit inhumé. Presque un an après ce bras de fer que la famille a courageusement engagé avec le pouvoir togolais, Douti Sinalengue est finalement inhumé ce 08 mars malheureusement sans que les auteurs ne soient connus. Preuve tangible du règne de l’impunité dans une dictature héréditaire. Retour sur le cynique film des manipulations, manigances, complots et brigues, dont a usé et abusé une fois encore le régime togolais pour rouler dans la farine la famille de Douti et réussir de façon déloyale à ce que ce jeune martyr soit enterré finalement comme un « chien ».

Il est opportun de rappeler la version mensongère dont se sont fendues sans gêne les autorités togolaises et les juges « charlatans » du régime après la mort du valeureux Douti sinalengue. « L’élève qui avait 22 ans et était en classe de 1ère, est décédé d’un arrêt cardiaque pendant l’intervention chirurgicale, il ne portait aucune trace de coups, selon les médecins. Le patient aurait été victime d’une contusion de l’abdomen ayant entraîné une péritonite aiguë généralisée par perforation de l’intestin grêle ». C’est en résumé le refrain mensonger des autorités togolaises pour couvrir les assassins du jeune Douti.

Mais les témoignages des proches de Sinalengue sont clairs et édifiants. « Leur fils est décédé après avoir été battu presque à mort par les forces de l’ordre ».

Plus logique, l’analyse du Docteur Atchi Walla de la Synergie des Travailleurs du Togo (STT), au micro de nos confrères de l’agence Afreepress au lendemain des mensonges débités par les ministres Yark Damehane, Hamadou Yacoubou et le procureur de Dapaong Abdoul Raouf Bagnah. « De la déclaration du ministre Hamadou Yacoubou, il ressort que les coups portés au ventre de Douti ne peuvent pas entrainer des lésions intestinales, ce qui est tout à faux par rapport aux enseignements de la base de la médecine qui expliquent qu’une contusion abdominale ou tout coup porté à l’abdomen peut entrainer des lésions tant du contenu de l’abdomen que du contenant qui est la paroi intestinale. Le contenu de l’abdomen ce sont les intestins, les organes pleins, les porte vaisseaux, c’est-à-dire les supports dans lesquels passent les vaisseaux pour irriguer les intestins. Je voudrais tout simplement dire qu’on ne démontre pas ce qui est évident. Il ne faut pas qu’on cherche à démontrer l’indémontrable ». Passons !

Siangou Germain, pour parachever le désir cynique du pouvoir

Alors même que les discussions se poursuivaient entre le gouvernement et la famille avec la présence effective des responsables de la synergie, monsieur Germain Siangou débarque de l’Europe. Du moins il a informé être un membre de la famille puis de la diaspora togolaise, qu’il est venu au nom de celle-ci pour régler le problème. Visiblement sa mission est d’organiser à tout prix les funérailles. Alors il faut évincer l’oncle de Douti, monsieur Laré, un ancien gendarme qui a tenu tête au gouvernement pendant de longs mois. Pour y arriver monsieur de la diaspora a fait le tour de la famille, du préfet, du chef canton, des députés de la région, de Monseigneur Nicodème Barrigah, Président de la CVJR et de Madame Nadou Lawson, la présidente de la STT pour les informer que le sieur Laré est dessaisi du dossier.

Le mardi 04 mars 2014, l’oncle est informé que les ressortissants de la localité sont en route pour fixer la date des obsèques et les choses se sont précipitées portant ainsi un coup de canif dans les discussions qui se poursuivaient et qui devraient aboutir à quand, comment et à quel prix enterrer le jeune Douti et clôturer ce dossier à l’amiable comme le gouvernement dit le vouloir.

Le pouvoir togolais a préféré joué la carte d’un membre de la diaspora pour obtenir on ne sait pour quel motif l’inhumation ce samedi 08 mars de Douti Sinalengue. De sources concordantes, monsieur Germain Siangou aurait été coopté par le régime togolais de connivence avec un prélat. Sinon comment comprendre que le corps de Douti était à la morgue depuis presque un an et le régime togolais n’a pas jugé opportun de faire venir un pion pour jouer au Zorro et enterrer la victime sans que la famille et le pouvoir n’aient rien conclu conformément aux discussions ?

Les discussions en question et les micmacs du régime togolais

Il faut rappeler qu’avec l’accord de la famille, la synergie des travailleurs a constitué un collège d’avocats en vue de saisir la cour de justice de la CEDEAO afin qu’elle puisse statuer sur les circonstances de ce décès et situer les responsabilités.

Maitres, Zeus Ajavon, Raphael Kpande adzare et Jil Benoit Afangbédji se sont constitués et une plainte est déposée auprès de cour de justice de la CEDEAO que préside la togolaise Awa Nana. Avant que cette action ne soit déclenchée les autorités togolaises n’ont jamais manifesté la volonté de régler cette affaire, à savoir l’exigence de la famille, qui coule de source, à connaître les assassins de Douti et la punition qui leur est réservée au regard de la loi.

Chose curieuse, dès que la cour de la CEDEAO, saisit du dossier fait une requête à l’endroit de l’Etat togolais, les autorités se sont rappelées subitement que le jeune Douti n’est toujours pas inhumé et déclenchent des discussions, n’ont pas pour trouver une solution idoine et digne mais pour dribler et enterrer Douti, par la même occasion le dossier et répondre à la cour que cette affaire est classée puisque « réglée à l’amiable ».

Dès la réception de la requête de la cour de la CEDEAO les autorités sont allées voir la famille, notamment les ministres Kolani Gourdigou de la fonction publique et Octave Nicoué Brhoom de l’enseignement supérieur pour tenez vous bien, soutenir « qu’ils reconnaissent que Douti Sinalengue a succombé à l’issue des coups qu’il a reçu et que le gouvernement togolais souhaite un règlement à l’amiable, une entente pour l’inhumation ».

Le même gouvernement qui a soutenu que la victime est décédé d’une péritonite et non des suites des bastonnades dont il a fait l’objet, revient confirmer que ce sont bien les forces de l’ordre qui ont tué Douti. Comble de ridicule.

La famille restée fidèle à sa logique rétorqua, qu’elle prend acte de la nouvelle version du pouvoir mais souhaite toujours connaître les auteurs et la sanction qui leur est réservée. C’est à cet instant que le ministre Kolani Gourdigou réplique « qu’un Etat ne revient pas sur ce qu’il a dit et qu’eux membres du gouvernement ils ont présenté des excuses, qu’ils reconnaissent implicitement qu’il est mort à la suite des coups et que le jeune doit être enterré dans les meilleurs délais ».

Le compte rendu de ces premiers échanges est fait à la STT qui joue un rôle d’interface entre la famille et le gouvernement. Mais la position de la STT est claire. Elle est du côté de la famille et va la soutenir dans ce qu’elle aura décidé. Si elle décide que la vérité éclate et que la procédure judiciaire déjà enclenchée aille jusqu’au bout elle le fera, si la famille compte faire un arrangement à l’amiable aussi la STT va l’accompagner.

C’est ainsi que la synergie a souhaité assisté aux prochaines rencontres tout en prenant soin de suggérer à la famille d’informer les avocats de l’évolution. Les avocats après échange avec la famille ont également souhaité être de la discussion avec le gouvernement, puisque l’affaire est instruite et il fallait voir les bases sur lesquelles l’entente doit se faire.

La présidente de la synergie, madame Nadou Lawson, informe le ministre Brhoom que les avocats souhaitent assister aux discussions avec la famille. Comme il fallait s’y attendre le ministre, « propriétaire de tous les dossiers », s’y est opposé catégoriquement arguant « qu’il n’a pas été mandaté pour négocier avec les avocats et que le gouvernement est dans la dynamique de faire en sorte que les cœurs s’apaisent ».

En attendant que les avocats ne soient informés de la position du gouvernement, les pressions ont commencé à pleuvoir sur l’oncle de Douti, la pression de la famille, du village, des autorités qui ont finalement lâché « qu’elles sont capables de faire enlever le corps de Douti par les prisonniers et l’enterrer ».

La réaction des avocats est sans ambages, s’ils ne peuvent assister leurs clients dans les discussions, la famille ne doit pas poursuivre les échanges et la procédure judiciaire doit aboutir pour situer l’opinion sur ce dossier.

Monsieur Laré poussé à bout par les pressions, ne savait plus quoi faire mais in fine, a cédé et continué sans aucune garantie, du moins des avocats, les négociations avec à ses côtés la synergie, notamment le docteur Atchi Walla et madame Nadou Lawson.

La seconde rencontre est donc intervenue au ministère de l’Enseignement Supérieur, en présence des ministres Brhomm et Kolani du côté du gouvernement, de Laré et de son neveu tom du côté de la famille, du docteur Walla, de madame Lawson et de monsieur Hounssimé pour le compte de la synergie.

Le ministre Brhoom informe les participants à la discussion que « depuis le décès du jeune élève, le gouvernement a envoyé de l’argent sur un compte à Dapaong pour les obsèques et que le Président de la République a dit qu’il souhaiterait que les obsèques se fassent avec le montant qui est sur le compte et après il va faire un geste à la maman de Douti».

L’oncle demande, « si après les obsèques le Président ne fait rien ou leur donne une somme dérisoire, que va faire la famille » ?

C’est en ce moment que le syndrome du zèle oblige, le ministre Kolani se lève pour affirmer « qu’il est déçu du comportement de son frère Laré ». Laré aussi énervé lui demande « ce qu’il a pu faire en tant que frère depuis le décès du jeune» ? Kolani revient à la charge pour renchérir que « son frère est loin d’imaginer ce qu’il fait comme démarches et que ceux qui ont tué Douti personne ne les connaît, qu’un corps est là et ils marchandent autour de ce dernier et que Laré n’a qu’à dire combien de millions ils veulent pour accepter d’enterrer Douti ». La tension est donc montée et le ministre Broohm n’a eu d’autre choix que de suspendre la séance pour une trentaine de minutes.

Chaque partie a essayé de savoir ce qu’il fallait faire quand la séance va reprendre. Entre temps les membres de la synergie ont eu à rappeler à monsieur Laré, l’oncle de Douti que suivant la logique des choses, le pouvoir ne ferait pas plus que ce qu’il a fait à la famille d’Anselme Sinandaré et que certaines sources parlent de cinq (05) millions d’autres de sept (07) millions, en terme de dédommagements, donc qu’ils seront traités pareillement, mais encore une fois en tant que représentant de la famille, il est libre de prendre une décision, mais si un accord doit intervenir il serait mieux de chercher un témoin d’une certaine probité morale.

A la reprise, monsieur Laré a souhaité qu’une autre séance soit programmée et de préférence en présence de Monseigneur Barrigah de la CVJR. Le ministre Brhoom, rétorque que dans ce cas ils vont se désengager du dossier et l’évêque va se charger de discuter avec le Chef de l’Etat.

Fasse au blocage, la présidente de la synergie propose qu’un papier soit signé, résumant l’essentiel des échanges. Et là, le ministre Brhoom demande à son secrétaire de lui préparer un relevé de conclusion.

Etant donné que le gouvernement est plus préoccupé par comment faire enterré rapidement Douti Sinalengue et non comment inhumé dignement un martyr, le ministre Broohm à cette séance à exiger que la date des obsèques soit fixée.

La synergie à répliquer qu’il faut rendre compte, consulter la famille, faire un calendrier et qu’il ne sied pas de signer un papier avec une précision sur la date de l’enterrement.

Le document de la séance est alors élaboré et signé entre les différentes parties. Le ministre Brhomm de préciser que « ce document signé n’est pas un document public et qu’il ne veut le voir nulle part. Par conséquent il doit rester au niveau de la présidente de la synergie et après le geste du Président, le papier doit être retourné au gouvernement pour être détruit ».

A la sortie, la synergie a demandé à monsieur Laré de prendre attache avec les avocats pour leur faire le compte rendu. Comme l’oncle sait que les avocats sont furieux et s’en lavent les mains, il n’a pas eu le courage jusqu’à ce jour de les approcher.

Quelques jours après la signature de ce fameux papier, l’oncle Laré appelle madame Nadou Lawson qu’il besoin du document pour rendre compte à la famille suite aux pressions dont il fait l’objet, la présidente de la STT s’y est opposé.

Les discussions en étaient là quand l’élément de la diaspora, monsieur Germain Siangou débarque comme par magie pour faire précipiter les obsèques et enterrer Douti comme un vulgaire poltron ce 08 mars 2014.

Voilà en résumé les dessous d’un dossier, où la vie d’un être humain a été enlevée par des éternels invincibles et intouchables forces de l’ordre du Togo, qui ont le droit de vie et de mort sur d’autres et le gouvernement en toute irresponsabilité, au lieu d’éclairer l’opinion sur les circonstances, les auteurs de cet acte crapuleux, se donne dans la fourberie pour brouiller les pistes.

Les obsèques de Douti

Elles se sont déroulées dans la précipitation. La synergie par principe et du fait que Douti Sinalengue est son martyr par excellence, pour devoir de mémoire a fait ce qu’elle a pu mais certains ténors n’ont pas assisté physiquement à la comédie qui a eu lieu à Dapaong pour ne pas donner une caution morale à ce cirque orchestré par le régime togolais et ses pions pour enterrer Douti dans une totale désinvolture.

Il est à rappeler que l’évêque Jacques Tadjoulba de la région a été réticent à célébrer la messe veillée du valeureux Douti ce vendredi 07 mars 2014, soutenant qu’il n’avait pas fini ses cours de catéchisme et qu’à la limite il ne pourrait célébrer que la messe d’enterrement. Une attitude indigne d’un homme de Dieu qui est censé être à la disposition du peuple de Dieu. Aucune loi dans l’église catholique n’interdit à notre connaissance une telle célébration et même si elle existait, vues les circonstances du décès, Douti Sinanlengue devrait bénéficier d’une veillée œcuménique, avec la présence effective de plusieurs confessions religieuses. Un homme de Dieu à quel intérêt pour refuser de célébrer une veillée funèbre ?

De plus, des manœuvres ont été faites pour que tout se passe à Tabonlga le village natal de Douti, dans la zone caniculaire, de Mandouri, dans le seul but de dissuader les différentes délégations de s’y rendre pour enterrer dignement ce jeune martyr. L’objectif de ces adeptes de la manigance, enterrer Douti Sinalengue comme un chien, ce qu’ils ont sans doute réussi. Le Togo reste fatalement et spécialement atypique.

Il ressort de ce film que le gouvernement togolais vient d’enterrer Douti et d’enterrer tout le dossier par ricochet, exactement comme il l’a prévu. Il y est arrivé avec des méthodes immorales.

La famille de Douti, l’opinion nationale et internationale ne connaitront jamais les auteurs de ce crime crapuleux qui grâce au régime cinquantenaire vont continuer en toute impunité à narguer les citoyens et en tuer d’autres si possible.

Douti Sinalengue rejoint donc les milliers de martyrs togolais au panthéon de la démocratie, abattus froidement et lâchement et enterrés sans égards ni hommages.

La « république de l’impunité » a de beaux jours devant elle en dépit des mielleux discours de réconciliation, véritable politique de saupoudrage pour camoufler la vraie nature d’une dictature féroce où la vie humaine n’a aucune espèce d’importance.

Douti Sinanlengue, que la terre te soit éternellement douce et puisse Dieu t’accorder le repos éternel.

Par Fabbi KOUASSI