18/04/2024

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Togo: encore un coup de force de la Cour Constitutionnelle

Par Godwin Tété

« Chaque fois que la bourgeoisie me félicite, je me demande quelle bêtise j’ai pu encore commettre » August Bebel

Le lundi 22 novembre 2010, la presse écrite et l’internet de chez nous signalent l’existence d’une décision non signée de la Cour Constitutionnelle du Togo, portant le n° E-018/10 de la même date ci-dessus, ainsi que d’une « lettre » en date du 11 courant, adressée par le président de notre Assemblée nationale au président de ladite Cour. Il s’agit, en bref, d’éjecter certains députés ANC (Alliance Nationale pour le Changement) de l’Assemblée nationale et de les remplacer par des « suppléants », sous le fallacieux prétexte qu’ils ont démissionné de l’UFC (Union des Forces de Changement).
Interloqués, les premiers responsables de l’ANC tiennent à Lomé, le mardi 23/11/2010, une conférence de presse pour dénoncer et protester contre ce énième coup de force anti-démocratique de cette Cour.
Et, contacté à ce sujet, le président de la Cour Constitutionnelle, « M. Abdou Assouma regrette que ce projet de décision se soit retrouvé on ne sait comment dans la presse ».
Mais, en dépit de la vague d’indignation provoquée par ce projet de décision au sein de notre Peuple, le régime rptiste est allé de l’avant et a entériné, le mardi 23/11/2010, la décision en question. [Voir les détails in : (i) Note liminaire de la conférence de presse de l’ANC. Cf. site KAOCI-COM du 23/11/2010. (ii) La décision de la C.C. du 23/11/2010. Cf. site republicoftogo.com de cette même date]. Créant ainsi un nouveau vilain précédent pour l’Afrique… Voilà pourquoi, mettant en pratique le dicton de chez nous : « L’abondance de poisson ne gâte pas la sauce », je voudrais ici joindre ma modeste voix à toutes celles qui se sont déjà élevées pour condamner cette énième forfaiture du RPT (« Rassemblement du Peuple Togolais ») sur la Terre de nos Aïeux.

1. Tout d’abord, que représente la Cour Constitutionnelle (C.C.) au Togo ?
Elle représente une structure majeure, un segment important, un pilier inébranlable du RPT. C’est-à-dire un corps anti-démocratique d’un parti politique farouchement anti-démocratique. La C.C. au Togo, depuis qu’elle existe, a toujours été constituée quasi entièrement de magistrats foncièrement acquis à l’ « idéologie » du RPT. Le président de la C.C. au Togo a toujours été un rptiste fieffé : un bastion avéré, un garant patenté du RPT. À preuve, entre autres choses, le rôle qu’elle aura joué dans les coups d’Etat militaire, constitutionnel et électoral qui auront porté M. Faure Essozimna Gnassingbé au pouvoir en 2005.
Alors le Peuple togolais ne doit point se laisser berner par des ex-militants de l’Ablodé qui aujourd’hui montent au créneau pour nous faire croire que « le RPT a changé ». Non ! Ce qui a changé, ce sont les conditions objectives d’existence de ces ex-militants, conditions qui, par ricochet, ont changé la « conscience » de ces militants. Le Peuple togolais sait que l’homme ne doit pas vivre seulement de pain, mais aussi de dignité. En tout cas, si d’aventure le RPT en arrivait à changer, ce serait à notre Peuple de le constater lui-même et non à quelques individus convertis par la candeur du RPT. Il n’est donc nullement étonnant que la C.C. rptiste nous serve son INIQUE « DÉCISION » du 23 novembre 2010.

2. Après l’obtention de mon deuxième baccalauréat en France, au début de la décennie 1950, j’ai bourlingué, deux années académiques durant, sous les arcades de la Faculté de Droit de Paris. Histoire de densifier ma formation politique… Nos professeurs commençaient leurs cours par marteler la nécessité incontournable, en Droit, à distinguer la lettre et l’esprit de tout texte de nature un tant soit peu juridique. Ils insistaient particulièrement à ce que l’interprétation de tout écrit juridique découle de son contexte historique, de ses tenants et aboutissants concrets, de l’intention véritable et concrète de ses auteurs… En somme, de son ESPRIT et pas seulement de sa lettre. Et cela, les honorables membres de la C.C. au Togo et leurs conseillers expatriés sans vergogne, qui s’enrichissent grassement sur le dos de nos simples citoyens, le savent pertinemment. Mais je les laisse à leur « conscience ».
En l’occurrence, il s’avère terriblement paradoxal qu’on exhibe aujourd’hui, pour exclure quelques députés ANC de notre Assemblée nationale, la lettre qu’ils ont signée en 2007 pour prémunir l’UFC contre précisément la politique de débauchage du RPT, contre justement la transhumance politique observée chez certains députés entre 1994 et 1999. En effet, cette lettre avait été imaginée en vue d’empêcher les députés UFC (devenus maintenant ANC) de se laisser acheter par le RPT (!!!) Alors, en quoi ont-ils trahi la Cause, l’Esprit, l’Objectif : l’Ablodé ?! Auraient-ils dû suivre, tels des moutons de Panurge, le premier responsable de l’UFC, Gilchrist Olympio, lorsque celui-ci conclut, de son seul et unique gré, un « pacte » contre-nature avec le RPT ?! On dit chez nous : « Wo me nona ame yome O. Enya yome ye wo nona » (« On ne doit pas suivre aveuglément une personne, mais plutôt lucidement, courageusement, une cause »). À cet égard, introduire, a posteriori, le terme « consultatif » dans l’article 21 des statuts sortis du « congrès » du 12 août 2010, ne change rien à l’affaire si ce n’est l’aggraver…
Oui ! Nos honorables membres de la Cour Constitutionnlle au Togo savent parfaitement qu’il faut avoir un esprit étrangement SPÉCIEUX pour brandir aujourd’hui ladite lettre pour éjecter les députés visés. En quoi ont-ils piétiné la confiance de leurs électeurs ?! Ces magistrats savent très bien qu’en l’occurrence, à la vérité, c’est le voleur qui crie au voleur !!!

3. Dans tous les pays civilisés de nos jours, un député, quel que soit son appartenance politique avant son élection, une fois qu’il est élu, il devient ipso facto un élu de sa nation tout entière. Ainsi donc, même s’il change de parti politique, il demeure député pour le reste de la législature considérée. Voilà ce que l’art. 52 de notre Constitution du 27 septembre 1992, plébiscitée par notre Peuple, reconnaît : « Chaque député est le représentant de la Nation tout entière. Tout mandat impératif est nul ». Par ailleurs, le règlement intérieur de notre Assemblée nationale actuelle stipule en son art. 26 : « Les députés peuvent s’organiser en groupes par affinités politiques. Ils doivent remettre en ce cas au bureau de l’Assemblée nationale une déclaration indiquant le nom et la composition de leurs groupes ». Autrement dit, les députés ANC placés par le RPT dans le collimateur sont tout à fait en règle.
En d’autres termes, encore une fois, nous nous trouvons en face d’un régime sans séparation effective des pouvoirs. Une fois de plus, nous sommes confrontés au droit d’Etat et non à l’Etat de droit, à la loi de la force et non à la force de la loi, à la politique politicienne et non au politique visant le bien-être d’un peuple : à l’ARBITRAIRE pur et simple ! Et c’est ici où la C.C. au Togo créée un énième haïssable précédent pour l’Afrique. Oui ! Depuis le funeste dimanche 13 janvier 1963, on a l’impression que nous nous sommes faits les champions de mauvais précédents sur le Continent africain…

4. Ce qui précède nous amène à nous interroger quant au BUT poursuivi par le RPT en s’acharnant sur les députés ANC concernés. Par cette tactique, ce parti politique recherche, assurément, le RETOUR aux heures tristes des Assemblées nationales rptistes monocolores et monovocales, aux jours du monopartisme tout court où il pouvait, bien bonnement, faire la pluie et le beau temps chez nous…

5. Alors « Que faire ?! » C’est là l’immortelle question de Vladimir Ilitch Lénine. Alors ma pensée s’envole vers notre grand Frantz Fanon : « Chaque génération dans une relative opacité doit découvrir sa mission et la remplir ou la trahir ». Et puisque nous avons nous-mêmes, en toute liberté, épousé la Cause de l’Ablodé, nous nous devons de tout mettre en œuvre pour asseoir l’ANC, pour l’ancrer dans l’esprit, dans le cœur, dans les tripes de notre Peuple. Prenons ce dernier et la Communauté internationale à témoin. Pratiquement… Consacrons nos énergies humaines, notre temps, nos maigres deniers à construire ce nouvel Outil de notre Combat d’auto-libération : l’ANC.
Cependant, ne nous laissons pas divertir outre mesure par la nouvelle tactique du RPT. Il n’est de vents favorables que pour celui qui sait où il va » (Sénèque). La lutte continue et doit continuer ! Nous vaincrons parce que notre Cause est juste !

Paris, le 25 novembre 2010
Godwin TétéAncien fonctionnaire international des Nations-Unies
tgtete@mageos.com