29/03/2024

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Togo : Faure bientôt initié maçon !

Prévisible, puisque c’est une démarche inscrite dans une tradition à la fois togolaise et surtout familiale, Faure sera initié au courant de ce mois de janvier franc-maçon à la Grande Loge Nationale française (GLNF), l’obédience la plus affairiste et la plus mafieuse de la maçonnerie française qui parraine et embrigade nombre d’élites africaines.

La GLNF est apparue au Togo en 1992 au travers de sa succursale appelée Grande Loge Nationale togolaise (GLNT) et compte déjà une dizaine de loges contrairement au Grand Orient de France (GODF) implanté en 1953 qui n’a à son actif que quatre loges. Longtemps absente sur continent si ce n’est seulement en Afrique du Sud de l’apartheid, c’est essentiellement à partir de 1995 qu’elle a entrepris une grande offensive, apparemment réussie, vers les pays francophones surtout. Ainsi, on note sa présence en 1995 au Bénin, en 1996 à Madagascar, en 1997 au Burkina Faso, en 1998 en Guinée-Conakry, en 1999 au Mali, en 2000 au Congo-Brazzaville, en 2001 au Cameroun et en 2002 au Niger, etc. Avant 1995, elle était implantée dans quelques pays comme le Gabon en 1983, la Côte d’Ivoire en 1989 et le Sénégal en 1993.

La politique de recrutement de la GLNF diffère énormément de celle pratiquée par ses concurrentes présentes dans le pays tels que le GODF, le Droit humain, le Grand Prieuré du Togo, la Grande Loge de France, la Grande Loge féminine de France, la Grande Loge Mixte de France, la Grande Loge Nationale d’Irlande. Elle ne tient absolument aucun compte de la qualité morale et intellectuelle du candidat qu’elle recrute. Par contre comptent beaucoup le rang social et matériel ainsi que le statut professionnel de l’impétrant, car il s’agit principalement pour la GNLT de faire du nombre. Ce qui explique qu’une dizaine de loges sont actuellement placées sous son pavillon (de complaisance) où on trouve tout le gotha de la médiocrité morale et intellectuelle du pays comme Ernest, Kpatcha, Tchalla ou Pascal Bodjona, directeur de cabinet de Faure, renvoyé de l’université de Lomé pour tricherie, ancien patron de la milice paramilitaire, le Hacame et des officiers supérieurs des FAT. La plupart des élites civiles ou militaires émargent à cette obédience, prise d’assaut par les « élites et les cadres du Nord ». Pour recruter ses adeptes, la GLNT procède entre autres par démarchage systématique au domicile ou sur les lieux de travail de ses cibles, avec des pressions bien ressenties qui peuvent devenir des contraintes. Elle les embobine avec les noms de francs-maçons célèbres et des chefs d’Etats africains, nombreux dans ses rangs, la croyance au « Grand Architecte de l’Univers » (ça donne du vertige !) et son statut de la franc-maçonnerie « régulière » existant au Togo. Par ailleurs, les exclus et les radiés des autres obédiences pour diverses fautes viennent élire domicile à la GLNT dont la taille peut être estimée à entre trois cents et trois cent cinquante membres à l’heure actuelle. Elle a réussi à détrôner le GODF qui était le conseil d’administration de la dictature que ne cesse de valider la Cour constitutionnelle où siègent les Louis Amégan et les Assouma Aboudou.

Si Faure ne se fait pas initier maçon GLNF, on ne voit pas quoi d’autre il serait vraiment capable dans sa vie au regard de son pedigree. Son initiation, parrainée par le gabonais Bongo, est réclamée à cor et à cri par le nigérien Tadjan dont on connaît le rôle éminent joué en tant que président en exercice de la CEDEAO dans la crise successorale.

On peut lire cette initiation sous plusieurs angles. Elle serait une manière de compenser en partie le déficit de légitimité après laquelle Faure court en vain à travers le continent. Elle lui permettrait d’entrer dans le club fermé des « puissants » (africains), puisque ceux-ci sont majoritairement à la GLNF qui sait cultiver la gloire et la puissance, matérielle et symbolique, qui sont des valeurs cardinales après lesquelles court tout homme plein de sens. Selon les rumeurs togolaises ne s’adonnerait-on pas dans les loges maçonniques à des pratiques magico-religieuses où les sacrifices humains ne seraient pas exclus pour atteindre ces dites valeurs ? Mais avec l’initiation de Faure, Kpatcha devra bien se tenir. En effet, les règles de la maison interdisent formellement aux francs-maçons de s’étriper joyeusement entre eux ou de verser le sang d’autrui surtout quand cet autrui est un maçon. Ne serait-ce pas ce message, fondamental, qui serait en train d’être envoyé en direction de Kpatcha supposé cacher derrière le dos le poignard qui servira à trucider son demi-frère Faure, alors que tous deux sont maintenant scellés par le pacte maçonnique. Ce qui ferait désormais de Faure un autre Kpatcha in se et per se que ce dernier devra dorénavant accepter et reconnaître comme tel. Peu importe si le sanguinaire ministre de la Défense entend ou non les choses selon les règles et les principes maçonniques qui sont situés à des milliers de kilomètres de son entendement. Puisque les sicaires et leurs commanditaires (ainsi que les victimes parfois) sont des maçons auxquels leur obédience, la GLNF, (où existe une justice maçonnique) oublie d’appliquer les sanctions idoines. Une autre lecture serait voir dans l’initiation de Faure la convocation des puissants réseaux maçonniques notamment en France pour assurer sa protection : dans les « affaires » et les « trafics » où l’impétrant n’est pas un apprenti ; dans les renseignements, la police ou l’armée où les maçons sont légion, etc. Autrement dit, la Françafrique toute mobilisée derrière Faure. C’est ce que le récent sommet France-Afrique de Bamako en décembre 2005 a apporté de positif à Faure dont le navire tangue ne sachant où donner la tête. Mais il continue à consolider bon an mal an son pouvoir malgré l’absence de plus en plus ressentie de Chirac à ses côtés et surtout par défaut de l’opposition togolaise qui préfère se délecter dans ses guerres picrocholines et ses atermoiements sans fin qui la desservent et qui permettent de dire qu’elle n’est que l’autre face du régime Eyadéma : la Bande et la contre-Bande en quelque sorte.

L’initiation de Faure s’inscrit dans la continuité de la politique de son père qui n’est pas franc-maçon, et au Togo il n’y a pas de maçonnerie d’Etat comme au Gabon ou au Congo-Brazzaville où les présidents Bongo et Sassou ont crée leur propre obédience dont ils sont les Grands Maîtres. Toutefois, et cela est très important, tout baignait autour du dictateur dans une ambiance générale créée par des maçons qui étaient dans son entourage. Cette ambiance empruntait au langage et au symbolique maçonniques. Par exemple, le mausolée de Sarakawa est bâti selon les fondamentaux de l’architecture maçonnique ; le franc-maçon Edouard Kodjo a beaucoup pompé des expressions et des concepts de la maçonnerie pour confectionner son Livre vert. Comme il aime plagier la Bible dans ses discours. Par ailleurs, notons qu’en avril 1978, célébrant le 25ème anniversaire de sa création, une loge togolaise écrivait : « l’élite intellectuelle du pays était divisée en blocs politiques, non seulement adverses, mais véritablement ennemis. La masse de la population était, elle aussi divisée à l’image de cette élite. Aussi, avaient-ils pensé, en initiés qu’ils étaient, que l’introduction de la FM dont l’un des buts essentiels est de rassembler ce qui est épars, pouvait permettre d’unir les éléments valables du pays en une société où il ferait bon vivre, parce que la pratique de la fraternité, de la tolérance et de la solidarité finira bien par effacer les haines et cimenter l’union sincère des fils de ce pays ». C’étaient et ce sont exactement des propos assénés aux Togolais pendant une quarantaine d’années sous l’égide du RPT.

Toujours dans cette optique d’ambiance, des maçons sollicitaient le dictateur défunt (qui n’est pas maçon, rappelons-le) pour régler des conflits nés dans les loges – ce qui est assez extraordinaire, et pour construire des temples à Glidji ou à Kara. Il a voulu en vain se faire initier, notamment dans une loge du GODF à Lomé, et construire un temple à Lomé II. En revanche, il était informé de ce qui se passait dans les loges qui étaient infiltrées ou par des maçons zélés qui le lui rapportaient. Des maçons français, pour le goût du lucre, s’étaient faits de véritables lèche-bottes quand ils venaient à Lomé ajouter leur grain de sel à cette atmosphère maçonnique générale, au mépris de leurs principes et valeurs humanistes dont ils nous rabattaient constamment les oreilles.

Faure célébrera le 13 janvier 1963, date à laquelle son père est véritablement né, différente de ces dates de naissance plus ou moins fantaisistes auxquelles il a habitué son monde : 26 décembre 1935 ou 1937. C’est le 13 janvier 1963 que Eyadéma est venu au monde, qu’il a vagi pour la première fois en brandissant un fusil-phallus pour exister et se faire reconnaître. C’est à partir du 13 janvier 1963 qu’il est sorti de l’anonymat économique et des ténèbres utérines pour devenir un être humain aspirant au pouvoir et aux biens matériels. Le 13 janvier 1963 célèbre la naissance du dictateur et non l’assassinat de Sylvanus Olympio. Il y a un gros malentendu à cet égard, car de 1968 à 1972, Eyadéma célébrait son arrachage du pouvoir des mains de Nicolas Grunitzky en 1967, et ce n’est qu’en 1973 qu’il a imposé, par un micmac extraordinaire, le 13 janvier comme étant le dixième anniversaire de son pouvoir. Bien que ce soit Kpatcha qui a imposé aux FAT divisées la célébration de cet anniversaire, ce sera l’occasion de réunir les francs-maçons de la région et du continent, voire de France, qui viendront nombreux faire bombance et déguster quelques call girls trépidantes que le protocole mettra à leur disposition au nom de l’hospitalité togolaise. Comme le faisait papa.

Mais Faure célèbrera-t-il le 5 février ou le 24 avril comme premier anniversaire de sa capture du pouvoir ? S’il venait à célébrer le 24 avril, il pourrait le faire considérer comme étant celui figurant traditionnellement sur l’agenda de son père : attentat de Norbert Bokobosso. Et dix ans plus tard, il pourra dire aussi, comme papa, que c’est le dixième anniversaire de sa prise du pouvoir. Le prisonnier en cavale qui est le très probable honorable correspondant de la France auprès de Faure, Charles Debbasch, élevé au rang de conseiller-ministre, prompt à faire tous les tordus juridiques pour lesquels il touche un salaire de nabab, serait prêt à suggérer cette grosse ficelle. Dans ce pays où tout est confusion, mensonge, mythomanie, tout est possible, surtout quand c’est énorme comme la bouse de vache projetée à la face du monde. Enorme comme cette maçonnerie de magouille et de fripouille dans les rets de laquelle les élites togolaises se sont laissées prendre mais qui fait croire au discours contraire. Faure a continué de s’initier à l’univers mythomane dont il est l’héritier. La rupture, le changement politique et le Togo nouveau qu’il prônait lors sa campagne électorale pourront attendre sagement pour plus tard avec la bénédiction d’une opposition de plus en plus infantile.

Comi M. Toulabor
CEAN-Sciences Po Bordeaux
8 janvier 2006