19/04/2024

Les actualités et informations générales sur le Togo

Togo: la faillite annoncée de la CENI

Par Hélian Mensah et Vénavino DALVES

Dans quelques semaines, l’Accord politique global aura un an d’existence. Le gouvernement d’union nationale issu de cet accord avait pour mission primordiale de mettre en œuvre un processus électoral juste, libre et transparent. Or, ce processus traîne. A dessein ! A la manœuvre, Faure Gnassingbé: c’est la stratégie de mise en échec du processus électoral par le RPT que ce dossier analyse.

1- Le RPT et ses satellites dominent au sein de la CENI
2- La mise sous tutelle de la CENI par le pouvoir RPT: le mécanisme de sa faillite
3- Une dépendance financière de la CENI organisée à dessein
4- L’UE et le PNUD proposent leur assistance

Ce texte est un extrait du Dossier [Togo : La stratégie de mise en échec des élections transparentes par Faure Gnassingbé->https://www.letogolais.com/article.html?nid=3154]

1- LE RPT ET SES SATELLITES DOMINENT AU SEIN DE LA CENI

Car, peu après la signature de l’Accord politique global, début septembre 2006, c’est Faure Gnassingbé qui décida de la date du 24 juin 2007 pour la tenue des élections législatives anticipées. Sans aucune consultation avec les parties signataires de l’Accord politique, alors que la CENI n’avait pas été mise en place. Au départ, des voix autorisées avaient mis en garde comme cette annonce précipitée au regard des tâches à accomplir : réforme du Code électoral, recensement, réforme des institutions impliquées dans le processus électoral, etc.

La CENI (Commission électorale nationale indépendante) fut mise en place en octobre 2006. Sa composition, rappelons le, est de dix neuf (19) membres :

– cinq (05) membres désignés par la mouvance présidentielle ;
– dix (10) membres désignés par l’opposition
– deux (02) membres désignés par la société civile ;
– deux (02) membres désignés par le gouvernement, sans voix délibérative.
Des dix membres de l’opposition, 4 appartiennent à la CPP d’Edem Kodjo, et le PDR de Zarifou Ayéva, partis satellites du RPT. Mme Mme Kissem Tchangaï-Walla qui siège au titre de la société civile est membre du comité central du RPT, (parti dont Faure Gnassingbé est toujours le Président) et elle fut la dernière présidente de la CENI.

Dans cette configuration, la majorité est toujours du côté du pouvoir RPT. Elle a la maîtrise des événements et leur imprime le mouvement qu’il veut. A cela s’ajoute la Présidence de la CENI qui a échu à Charles Tozim Potopéré. Ce dernier est un des membres désigné par le gouvernement. Fonctionnaire au ministère de l’intérieur, il officia au sein de la division électorale qui s’est distinguée dans la manipulation du fichier électoral au Togo.
Pour s’assurer une maîtrise totale sur la conduite des événements, le RPT et ses alliés ont exigé et obtenu que le vote soit le mode de prise de décision au lieu du consensus comme le prévoit l’Accord politique global. Ainsi, l’article 36 du Code électoral dispose que « les décisions de la CENI sont adoptées par consensus. A défaut de consensus, il est procédé au vote. Dans ce cas, la majorité requise est :
– au premier tour, la majorité qualifiée des 2/3 des membres présents ;
à défaut,
– au second tour, la majorité relative des membres présents ».
De fait, aucun blocage n’est possible, puisque, au final, sur tout sujet que connaîtra la CENI, le vote prévaudra.
Dans cette volonté d’hégémonie et par souci de rien laisser lui échapper, le pouvoir RPT s’est arrangé pour contrôler les plus importantes sous-commissions, notamment celles des finances que préside un autre expert en fraude électorale, Raphaël Sambiani-Konkaja Pakandame, informaticien de profession, et gérant d’une société de services, il fut membre de la CENI en 2003 et est l’homme orchestre de la fraude électorale au Togo. Il dirige une cellule informatique au sein du ministère de l’intérieur dont on sait aujourd’hui qu’elle avait mise en place pour travestir le fichier électoral dans un sens favorable au RPT. L’individu a été reconduit au sein de la CENI en octobre 2006 pour le compte du RPT et il se retrouve encore expert informaticien de la CENI.

C’est aussi dans le camp du pouvoir que fut désigné le responsable de la sous-commission chargée des opérations électorales : Lardia Henri Kolani, membre de la CPP, (parti d’Edem kodjo). Quant à Mme Tchangaï-Walla Kissem, elle a en charge la sous-commission chargée de la communication.
Le verrouillage à la base résidait dans la composition du Bureau de la CENI. Ainsi, on y retrouve comme Président, Monsieur Potoporé Tozim( Gouvernement-RPT) ; Amaglo Kokou James (Comité d’Action pour le Renouveau-CAR), Vice-président ; Tozoun Kokou Biossey (Rassemblement du Peuple togolais-RPT) Rapporteur ; Johnson Adodo Hervé,(Convention démocratique des Peuples d’Afrique-CDPA ) Rapporteur-adjoint .

2- LA MISE SOUS TUTELLE DE LA CENI PAR LE POUVOIR RPT : LES MECANISMES DE SA FAILLITE

Le Bureau et les sous-commissions mises en place, la CENI se mit à pied d’œuvre, début novembre pour élaborer le calendrier électoral et le budget nécessaire à cette consultation électorale. Alors même qu’elle n’avait pas encore établi son règlement intérieur, et que le Code électoral n’avait pas été rédigé, la CENI, du moins son président confirmera la proposition du 24 juin faite par Faure Gnassingbé comme date du scrutin législatif.
Contre tout bon sens, la première réunion du Comité de suivi qui se tiendra le 13 novembre 2006 à Ouagadougou abondera dans le sens de la CENI. Une lecture attentive du communiqué révèle cependant des appréhensions sur le respect des échéances fixées. En effet, « le Comité de suivi recommande à la CENI d’accélérer l’établissement du chronogramme des opérations électorales, l’élaboration de son budget, la confection et la délivrance des cartes d’électeurs dans les délais requis. Il recommande également au gouvernement de prendre toutes dispositions pour la révision du Code électoral. A cet égard le Comité de suivi lance un appel à l’Union européenne et aux autres partenaires techniques et financiers du Togo afin qu’ils apportent leur soutien au processus électoral et d’une manière générale à la mise en œuvre de l’Accord politique global. »

Or, c’est la CENI qui aurait du proposer une date au gouvernement sur la base d’un calendrier électoral et d’un budget crédible. Sans oublier que le calendrier et le budget doivent tenir compte du recensement électoral qui, dans le contexte togolais, constitue une étape déterminante dans la transparence des élections. Car, c’est à partir du recensement électoral en vue de la constitution du fichier électoral que commencent les fraudes électorales.
Bien que l’Accord politique global ait prévu « un recensement électoral fiable » ( point 1.2.5) et que les parties prenantes aient convenu « d’instituer une carte d’électeur infalsifiable et sécurisée »( point 1.2.6), le RPT et ses alliés au sein de a CENI opposeront un refus catégorique à l’option du recensement électoral avec délivrance immédiate de la carte d’électeur infalsifiable et avec photo. Les travaux de la CENI piétineront tout le mois de novembre et de décembre sans aboutir à un choix.
Tout aussi préjudiciable pour la suite du processus électoral et pour l’application de l’Accord politique global, la posture du facilitateur et la position exprimée par le Comité de suivi au cours de sa deuxième session tenue à Lomé le 16 décembre 2006. Le communiqué publié à l’issue des travaux mérite que nous l’étudiions avec attention, car il permet à posteriori de comprendre comment on en est arrivé là.

On apprend que « le Comité de Suivi a pris note de l’élaboration par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) des avant-projets de budgets estimatifs des prochaines élections législatives.
Le Comité invite la CENI à affiner davantage ses estimations pour tenir compte des données disponibles, des réalités nationales togolaises et des contraintes financières. Le Comité de suivi recommande à la CENI de s’inspirer des expériences des pays de la sous-région. Compte tenu de la nécessité de réussir le processus électoral, le Comité de Suivi lors de sa prochaine session invitera la CENI à lui faire une communication sur les options disponibles pour mener les activités aux échéances électorales du 24 juin 2007.
En particulier la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) devra se pencher sur la finalisation du chronogramme des actions préparatoires des élections, du budget requis et des méthodes pour effectuer le recensement électoral et établir des cartes d’électeurs sécurisées.
Bien que l’établissement du fichier électoral fiable et de cartes d’électeurs sécurisées soit distinct du programme d’établissement des cartes d’identité nationales, l’accélération de ce dernier et sa meilleure accessibilité peuvent être de nature à faciliter la préparation des élections.

S’agissant du mode de prise de décision de la CENI, le Comité de Suivi a rappelé que conformément à l’Accord Politique Global, la recherche du consensus doit être privilégiée. Cependant, les activités de la CENI ne doivent pas être bloquées du fait de ces dispositions et il revient à son Président de soumettre à la discussion d’autres, mécanismes de sortie de blocage.
Le Comité de Suivi a pris acte de la révision imminente du Code Electoral qui devra permettre à la CENI d’adopter rapidement son Règlement Intérieur.
Le représentant du gouvernement a informé le Comité de l’envoi d’une requête de financement aux partenaires techniques et financiers en vue d’obtenir leurs appuis dans le processus électoral en cours.
A cet égard, l’Union Européenne a informé qu’une mission concomitante avec le PNUD se rendra au Togo dans le courant du mois de janvier en vue de procéder à une évaluation. »

3- UNE DEPENDANCE FINANCIERE DE LA CENI ORGANISEE A DESSEIN

En clair, plus de deux mois après que la CENI fut mise en place, on tâtonne ! Avant-projet de budget estimatif ! Pas de règlement intérieur pour la CENI ! La révision du Code électoral n’est guère entamée! Le calendrier électoral est embryonnaire ! La CENI ne dispose pas de moyens financiers !
Bref, la CENI et le gouvernement naviguent à vue ! Le Comité de suivi se contente d’en prendre acte ! On sollicite cependant l’aide de l’Union européenne et du PNUD. Leur assistance, on le sait, est soumise des conditions, simplement pour des règles de bonne gouvernance. Et l’interlocuteur de ces instituions, est le gouvernement. Deux hommes notamment : Gilbert Bawara en tant qu’ordonnateur national et Arthème Ahoomey Zunu, en qualité de ministre de l’administration territoriale.
Notons que ces sollicitations sont faites sans qu’un cadre juridique formel et définitif ne précise les attributions de la CENI dans la conduite du processus électoral, surtout dans la recherche du financement et dans la maîtrise de son budget ; on verra plus tard, lorsque le Code électoral sera adopté, que certains aspects concernant les liaisons entre la CENI et le gouvernement ne sont pas bien réglementés. A dessein du reste ! Ils expliquent les problèmes constatés.

En effet, « la CENI élabore son budget de fonctionnement et le budget des élections. »(article 7) ; Mais, selon l’article 9 du code électoral, La CENI ne peut recevoir des dons, legs et subventions qu’avec l’accord de l’État. Au demeurant, c’est « l’ Etat (qui)met à la disposition de la CENI les moyens nécessaires à son fonctionnement et à l’accomplissement de sa mission. »(article 9).
Sur la mobilisation des ressources financières et matérielles qui conditionnent totalement l’activité de la CENI, on remarque les limites de l’autonomie réelle de la CENI, car elle dépend des moyens que l’Etat doit mettre à sa disposition, sans qu’elle puisse recevoir des dons ou des subventions sans l’accord de l’Etat.

L’homme qui au sein du gouvernement togolais exerce la fonction d’ordonnateur national, est Gilbert Bawara, un proche de Faure Gnassingbé. En tant qu’ordonnateur national, il a le pouvoir décisionnel quant aux décaissements des financements du FED. Si on sait que l’union européenne avait prévu de financer tout ou partie du processus électoral, on réalise le rôle de grande importance de l’ordonnateur national. Dans le cadre de l’aide européenne ses attributions sont les suivantes :
• L’arbitrage et la prise de décision politique (programmation, identification des projets/programmes, revues générales et suivi de l’avancement de la coopération) ;
• La coordination et l’appui aux Ministères techniques ;
• L’interface avec la société civile ;
• La gestion et le suivi des projets/programmes.
Ces fonctions généralement dévolues au ministre des finances, ont été attribuées à un membre du premier cercle de Faure Gnassingbé. Dans la perspective des élections législatives voulues par l’Union européenne, le poste est stratégique !

4- L’UE ET LE PNUD PROPOSENT LEUR ASSISTANCE

Dans ce contexte de bricolage et de tâtonnement voulu par le pouvoir RPT, l’Union européenne et le PNUD envoient début janvier au Togo une mission d’assistance et d’appui au processus électoral. Ces deux missions aideront à établir le cadre de l’assistance technique, logistique et financière de l’UE et des bailleurs de fonds par le bais du PNUD.
Ce projet sera finalisé le 11 juin 2007 par une convention de financement de l’ordre de 25 millions de dollars US qui permettra entre autres, la planification stratégique et l’appui opérationnel de la CENI, le développement des capacités institutionnelles, l’appui aux organisations de la société civile et aux médias et d’assurer que les opérations électorales puissent être organisées dans des conditions normales.

Il aura fallu plus de 8 mois pour que cette convention soit signée. Car, c’est le 27 novembre 2006, que le gouvernement togolais a introduit aux Nations Unies une demande d’appui au processus électoral. Suite à cette demande, une mission d’évaluation de la Division d’Assistance Electorale (EAD) du Département des Affaires Politiques des Nations Unies a séjourné au Togo du 14 au 23 janvier 2007. La mission a évalué la situation politique préélectorale, l’état d’avancement des opérations relatives aux élections et déterminé les possibles domaines d’assistance électorale. Suite à l’avis de cette mission, une autre mission conjointe UE-PNUD de formulation a été menée entre le 23 janvier et le 6 février 2007.

La mission conjointe CE-PNUD a discuté avec la CENI des prévisions de dépenses pour les opérations des élections législatives anticipées et de celles municipales en 2008 et du projet de chrono gramme des opérations électorales. A la suite de ces discussions, la mission UE-PNUD a déterminé, en collaboration avec la CENI et le Gouvernement, les domaines d’assistance électorale et préparé le document nécessaire à l’approbation de ce projet dans le circuit UE et PNUD.

La gestion opérationnelle du projet a été confiée au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Le PNUD chargé de mettre en place et de superviser une Unité de Gestion du Projet qui travaillera en étroite collaboration avec la CENI et les organisations bénéficiaires qui sont responsables chacune en ce qui la concerne de la programmation et de la réalisation des activités à financer. Dans le comité de pilotage mis en place pour la réalisation du projet, Bawara représente le gouvernement et pour la CENI, son Président, Charles Tozim Potopéré et Raphaël Sambiani dont on sait qu’il est expert-informaticien en fraude électorale du RPT.
Aucune des recommandations faites par les missions UE-PNUD de janvier n’ont inspiré la CENI et le gouvernement pour agir avec plus de rigueur et de cohérence.

La rédaction letogolais.com

LIRE INTEGRALITE DU DOSSIER:
[Togo : La stratégie de mise en échec des élections transparentes par Faure Gnassingbé->https://www.letogolais.com/article.html?nid=3154]