20/04/2024

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Togo: Le vérouillage des élections par Faure Gnassingbé

LA STRATEGIE DE L’OPACITE CONDUITE PAR FAURE GNASSINGBE

Par Hélian Mensah et Vénavino D’ALVES

Les élections n’auront lieu pas de sitôt. C’est une quasi-certitude ! Sauf si Faure Gnassingbé décide d’une stratégie du pire et de rejouer le scénario des bêtes sauvages. En tout cas, la manière dont est conduit le processus électoral ne vise pas à permettre l’expression libre et dans la transparence de tous les Togolais en âge de voter. Le RPT conscient de sa défaite dans les urnes met en œuvre un processus électoral en catimini afin d’empêcher toute mobilisation populaire et décourager les Togolais de s’inscrire et d’aller voter. Le processus électoral se déroule dans l’opacité ; seul un petit cercle de gens au sein de la CENI et du gouvernement savent exactement ce qui se passe. Les partis politiques sont largués. Ils subissent et sont totalement passifs jusqu’ au moment où il leur sera demandé d’apporter leur caution en participant à un scrutin totalement bricolé.

En réalité, les véritables acteurs de ce bricolage sont Gilbert Bawara et Ahoomey Zunu pour le gouvernement et au sein de la CENI, une structure parallèle au sein de laquelle on retrouve le RPT et ses alliés. La composition de la CENI (article 19 du Code Electoral) favorisait sa subordination au pouvoir RPT. Si les choses en sont arrivées à ce point où l’amalgame est fait dans la détermination des responsabilités des lenteurs du processus (incrimination dans son ensemble de la CENI et du gouvernement), c’est en raison d’un verrouillage juridique dont profite habilement le RPT et la position paradoxale dans laquelle se retrouve le CAR et la CDPA. : dénoncer ce qui se trame et partir au risque de donner raison à l’UFC, ou alors se taire et subir en vertu d’une solidarité gouvernementale !

Le verrouillage du processus électoral auquel se sont livrés Faure Gnassingbé et le RPT est permis par l’Accord politique global. Cet accord politique est essentiellement axé sur l’organisation d’un processus électoral. Pour ce faire, l’Accord politique prévoit certes l’autonomie et l’indépendance de la CENI, mais il ne délimite pas suffisamment les prérogatives de la CENI et donne un rôle important au gouvernement dans la mise en œuvre du processus électoral, ce qui limite considérablement la CENI. En effet, l’alinéa 2 du point 1.2.1 prévoit de manière générale que « l,’Administration apportera à la CENI son concours et son appui pour l’organisation des élections ». Sur la question déterminante du recensement électoral, le point 1.2.5( alinéa 3) précise que « le recensement électoral est organisé par la CENI en collaboration avec le Gouvernement qui déterminera les modalités de délivrance des cartes nationales d’identité.» Enfin, il est attribué au gouvernement la tâche « de rédiger les articles du code électoral visé par le présent accord » (alinéa 10 annexe II). Par un détournement subreptice de l’Accord politique qui fait du gouvernement un acteur de la mise en œuvre du processus électoral, Faure Gnassingbé et le RPT y ont mis des freins.
Ce fut d’abord dans la composition du gouvernement et l’attribution des responsabilités ministérielles. Dans l’économie actuelle du pouvoir au Togo, Bawara est un homme-clé, ayant plus de prérogatives que le Premier ministre Agboyibo. En outre, il est le véritable interlocuteur du pouvoir avec la Communauté internationale, notamment les partenaires étrangers engagés dans la mise en œuvre du processus électoral. Dans sa quête de légitimité internationale, Faure Gnassingbé a fait de Gilbert Bawara une pièce maîtresse de son dispositif. Car, quoiqu’on dise, l’Accord politique global n’a pas donné à Faure Gnassingbé une légitimité pleine et entière. Cet Accord l’a soumise à caution.

Faure Gnassingbé reste marqué du sceau de l’infamie des événements du 5 février et du 24 avril 2005. Il s’en faut de beaucoup pour que les Togolais le reconnaissent comme leur véritable président. Dans la conscience nationale, c’ est un imposteur, un homme dont le pouvoir est issu du crime de masse. Ce qu’il n’a jamais renié par un acte de contrition aussi minime soit-il. Voire, le RPT persévère dans ses manœuvres diaboliques puisqu’il ne veut pas régler la question de l’impunité. Et ce qu’on observe de la vie politique actuelle ne prête pas à optimisme.

En effet, la Cour constitutionnelle est recomposée avec des hommes accusés de forfaiture ( Aboudou assouma , Kouami Amados-Djokos, Mama-Sani Aboudou-Salami), des préfets impartiaux sont maintenus, des militaires responsables des violences depuis 1998 circulent en toute quiétude, un processus électoral bricolé et opaque est conduit, etc .

Faure Gnassingbé vise à se défaire de cette infamie, mais à peu de frais. En utilisant au besoin, les mêmes méthodes que son père : finasser, feindre, paraître bon joueur. Avec cette communication de Faure Gnassingbé relevant des inquiétudes sur un processus électoral qui traîne, on retrouve la posture de Gnassingbé Eyadéma et les ficelles dont il se servit en 2000-2001 pour dénoncer et sortir de l’Accord-cadre de juillet 1999 qui, rappelons-le avait été signé après un autre scrutin (juin 1998) qu’il avait bel et bien perdu.
Du reste, quelques jours avant la signature de l’Accord-cadre en juillet 1999, Gnassingbé Eyadéma avait lui-même annoncé que les élections législatives anticipées se tiendraient en mars 2000.

A la fin décembre 2000, Gnassingbé Eyadéma s’inquiète de la lenteur du processus électoral et demande l’accélération des travaux préparatoires de la CENI en appelant celle-ci à proposer rapidement un calendrier pour la tenue des élections législatives. Il faut rappeler qu’en vertu du Code électoral alors en vigueur, c’est la CENI qui devait proposer à l’exécutif les dates des élections. Finalement, la CENI proposa comme date les 14 et 28 octobre 2001. Ce calendrier ne sera jamais respecté jusqu’à la dissolution de la CENI par l’Assemblée monocalore RPT en février 2002, sur proposition du gouvernement togolais, « pour permettre d’alléger le fonctionnement des institutions chargées d’organiser les élections ».

L’histoire au Togo se répète donc ! Une nouvelle stratégie des bêtes sauvages est en œuvre et en passe de réussir !

Elle peut toutefois être mise en échec si les partis politiques qui ne siègent pas au gouvernement se concertent pour définir une stratégie fondée sur le recours au peuple et l’exigence d’une carte d’électeurs pour tous les Togolais au risque d’empêcher la tenue du scrutin. Le message doit être lancé dès aujourd’hui. Pour garantir le succès de cette stratégie, il faut associer les acteurs de la société civile et de la diaspora pour participer à l’observation électorale et lancer des campagnes de sensibilisation et de vigilance de la population. Il faut encourager l’observation nationale la plus large possible.

Lors des présidentielles de juin 2003 et d’avril 2005, le gouvernement togolais et la CENI ont refusé l’observation nationale des élections. Pour les élections futures, l’accréditation et la présence des observateurs nationaux est nécessaire. Il importe de faire savoir que les critères de désignation des observateurs nationaux élaborés par la CENI sont restrictifs et visent tout simplement à empêcher une large observation nationale du scrutin. Les partis représentés à la CENI doivent en exiger la révision :

Critères de désignation des observateurs nationaux
(Code et Guide de l’observateur des élections au Togo)

• Etre membre d’une association dont l’une des missions est l’observation ;
• L’association concernée doit fournir son statut, jouir d’une autonomie financière (pouvoir prendre en charge l’observateur désigné) et d’une ancienneté d’au moins deux ans ;
• Ne pas être membre d’une structure de direction de parti politique ;
• Ne pas appartenir à une association ou à une ONG qui participe à l’organisation et à la gestion des élections ;
• Etre de nationalité togolaise ;
• Etre titulaire du baccalauréat au moins ;
• Ne pas participer sous un autre titre à l’organisation ou à la gestion des élections (membre de la CENI ou de ses démembrements, délégué de parti politique) ;
• Ne pas participer à la campagne électorale en faveur d’un parti ou d’un candidat ;
• Prendre part à la formation proposée par la CENI ;
• L’association accréditée s’engage à produire un rapport susceptible d’améliorer le processus électoral ;
• S’engager par écrit sur l’honneur à :
– respecter les règles de l’observation définie par la CENI
– N’utiliser que les documents de la CENI pour faire l’observation (utilisation stricte de la grille d’observation pour compte rendu à la CENI).
– S’abstenir de toute déclaration publique avant la fin complète du processus.

Dossier d’accréditation

Le dossier d’accréditation doit comprendre :

Pour les ONG

• Le statut de l’association ;
• Le récépissé d’enregistrement au ministère chargé de l’administration territoriale ou la photocopie de la demande de reconnaissance officielle adressée au ministère chargé de l’administration territoriale ;
• Un justificatif de ressources (attestation de financement ou attestation bancaire) ;
• Un justificatif d’expérience en matière d’observation des élections (attestation d’accréditation ou autres documents).

Pour les membres d’ONG ou d’association

• Une attestation de membre d’une association dont l’une des missions est l’observation des élections ;
• Une photocopie du certificat de nationalité togolaise ;
• Une attestation du Baccalauréat ou d’un diplôme équivalent ;
• Une attestation d’engagement à respecter sur l’honneur, le code de conduite des observateurs nationaux défini par la CENI ;
• Une fiche de renseignement à retirer auprès de la CENI.

Certes, le processus n’inspire pas confiance, mais c’est un nouveau défi lancé au peuple togolais par tous ceux qui veulent légitimer Faure Gnassingbé au terme d’élections bidouillées contre la volonté populaire. La solution pour ceux qui ne transigent pas sur la souveraineté du peuple est d’en appeler avec vivacité à la mobilisation populaire lors du recensement et le jour du scrutin.

La rédaction letogolais.com

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[Togo : La stratégie de mise en échec des élections transparentes par Faure Gnassingbé->https://www.letogolais.com/article.html?nid=3154]