29/03/2024

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Togo : Les hésitations d’Edem Kodjo sur la limitation des mandats présidentiels

Par Guillaume Thibault
RFI – Diffusion : mardi 18 novembre 2014

Au lendemain de la désignation, à Ouagadougou, du président de la transition Michel Kafando, l’envoyé spécial de l’Union africaine au Burkina Faso, Edem Kodjo, estime que sa mission dans le pays est terminée. Que pense-t-il du processus de désignation du président de la transition ? Que pense-t-il de l’homme lui-même, de ses nouveaux objectifs et du rôle de l’UA dans cette crise et dans le futur ?

RFI
RFI : Une charte de transition signée, un président de la transition désigné, les Burkinabè ont réussi leur pari ?

Edem Kodjo : C’est magnifique ! La mission est accomplie pour l’Union africaine aussi. Mission accomplie pour le peuple burkinabè qui a été magnifique, aussi pour tous les acteurs. Maintenant, nous avons une charte, nous avons un président élu, à nos yeux de représentants de l’Union africaine, le rapport que nous ferons au prochain Conseil de paix et de sécurité sera que le processus démocratique a été rétabli au Burkina.

Vous avez personnellement « travaillé » avec Michel Kafando ?

Tout à fait.

Qu’est-ce que vous connaissez du nouveau président de la transition ?

C’est d’abord un diplomate. Nous avons été ministre des Affaires étrangères ensemble. Il est un diplomate de carrière et un homme d’Etat. Et je pense que c’est un choix qui est un choix heureux. Je suis persuadé qu’avec un Monsieur de cette envergure, la transition est entre de bonnes mains et nous pourrons aller de l’avant.

La crise a été lancée par la jeunesse burkinabè. Le président nommé a 72 ans. Quel message vous adressez à ces jeunes ?

Un message : être à la tête du pays et la jeunesse ça se situe dans l’esprit. Et je pense que le président Kafando a l’esprit encore tout à fait jeune ! Il peut parler aux jeunes, il peut rencontrer leurs aspirations et il peut faire beaucoup de choses pour le pays.

Désormais, tout doit aller très vite. D’ici la fin de la semaine, on attend un Premier ministre, un gouvernement, le CNT, l’Assemblée. Pour vous, c’est une bonne solution ?

Pour moi tout devrait pouvoir aller. Encore une fois, la personnalité même du président Kafando est une personnalité qui est à la fois souple, mais ferme. Et je crois que c’est de cela dont on a besoin actuellement au Burkina. Mais de la fermeté pour tenir la barre, de façon à ne pas se laisser déborder sur sa gauche ou sur sa droite, assurer les intérêts fondamentaux du pays pendant cette période transitoire.

Est-ce que l’Union africaine ne s’est pas laissée déborder ces derniers mois sur la situation au Burkina Faso ?

Vous savez, en diplomatie on ne peut pas demander à une organisation de faire ce que sa charte ne comporte pas. Par contre, ce que j’espère, et c’est ce que disait aujourd’hui un peu monsieur Ablassé Ouédraogo, c’est que dans le cadre de notre charte sur la démocratie, les élections et la gouvernance, on introduise peut-être rapidement des dispositifs qui permettent d’éviter ce qu’on a pu voir au Burkina.

C’est-à-dire concrètement, Ablassé Ouédraogo qui est un des leaders de l’opposition ici, dit : « Il faut que dans la charte de l’Union africaine, les présidents ne puissent faire que deux mandats » ?

Pourquoi pas ? On en discutera ! J’ai déjà eu l’occasion de dire cela aux jeunes en leur disant : vous savez, l’Union africaine vient de loin, le travail normatif de l’Union africaine est loin d’être terminé. Elle a fait pas mal, il reste encore du chemin à parcourir.

Mais est-ce que vous comprenez la colère des Burkinabè, de la jeunesse, d’une partie de la classe politique vis-à-vis de l’Union africaine ?

Mais il ne faut pas croire que l’Union africaine n’agit qu’a posteriori. Elle ne fait pas que le médecin après la mort. Puisqu’au fond nous considérons notre mission comme étant un succès !

Mais, est-ce que vous avez des regrets sur le comportement de l’institution avant et pendant la crise ?

Je n’ai pas de regret, j’ai des souhaits. Le souhait est que nous dotions l’Union africaine de cette charte, nous complétions cette charte par des dispositifs qui préviennent tout ce que nous venons de voir ici.

Certains demandent des excuses à l’Union africaine pour son comportement dans la crise burkinabè.

Je n’ai pas entendu.

La rue demande ça.

Personne ne m’a demandé des excuses. Je n’ai pas à faire des excuses. Finalement, les Burkinabè sont bien contents du travail qui a été fait. Bon… C’est très bien ainsi.

Quelle leçon justement, vous tirez de cette expérience burkinabè et quel message vous adressez au chef de l’Etat qui souhaite éventuellement modifier leur Constitution ?

L’expérience du Burkina montre qu’on doit qu’envisager – lorsqu’on a la chance de gérer les affaires de la Nation – de pouvoir, d’une manière ou d’une autre, conduire l’évolution de toute la Nation vers des solutions positives. Les pays ne se ressemblent pas. Il ne faut pas croire que ce qui s’est passé au Burkina se passera forcément pareil dans d’autres pays du continent africain.

Et donc le message au président : deux mandats c’est suffisant ?

Ce n’est pas à moi de passer un tel message. Moi je ne suis qu’un envoyé de l’Union africaine. Il serait souhaitable que notre charte de la démocratie, la gouvernance et des élections tienne compte de ce genre de possibilités pour le plus grand bien du continent africain.

Mais dit clairement, ça veut dire quoi ?

Pourquoi voulez-vous que moi aujourd’hui, je dise que c’est deux mandats ? Et si l’Union africaine trouvait que c’est un mandat et demi ? Et aussi trouvait que c’est trois mandats ? Je ne peux pas dire. Toujours est-il qu’il faut quelque chose qui limite les mandats.

INTERVIEW RFI INVITE AFRIQUE avec Boisbouvier