28/03/2024

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Togo: Observations de l’UFC sur le projet d’accord politique global

UNION DES FORCES DE CHANGEMENT (UFC)
59, Rue Koudadzé, Lomnava
BP 62168 Tél/Fax 221 33 32 Lomé
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Observations de l’UFC
Sur le projet du Bureau du Dialogue Politique Intertogolais
Relatif à un accord politique global

Le projet soumis par le Bureau ne reflète pas le contenu des débats ni la volonté d’aboutir à des décisions exprimée par les délégations. Il est irrecevable aussi bien en la forme que dans le fond.

En la forme, l’accord politique global devrait comporter :

1. Un préambule faisant la genèse de la crise à la base du dialogue politique intertogolais et replaçant ce dialogue dans son contexte ;
2. Une identification claire et une analyse rigoureuse et sans complaisance des problèmes qui minent le pays et détruisent les fondements de notre nation, leurs causes et leurs conséquences ;
3. Une formulation sans équivoque des décisions, mesures et dispositions courageuses et responsables arrêtées par les parties au dialogue pour régler ces problèmes d’une manière juste et durable, conformément aux attentes des populations togolaises ;
4. Un engagement ferme des signataires quant au respect rigoureux et à la mise en œuvre efficiente et diligente des décisions de l’accord politique.

Sur le préambule, l’UFC fait observer que :

1) La crise togolaise provient des violations répétées des droits de l’homme et des principes démocratiques commises par le régime en place au Togo depuis plus de quarante ans. Dès 1990, cette situation est combattue plus ouvertement dans le pays par les populations et dénoncée par la communauté internationale qui a fini par imposer des sanctions à l’encontre du Togo.

2) Toutes les solutions de sortie de crise ont échoué parce que foulées au pied et violées impunément par le pouvoir RPT dans son refus systématique de toute alternance démocratique. Ainsi, ce pouvoir a :

– torpillé la transition politique mise en place par la Conférence Nationale Souveraine,
– violé l’Accord-cadre de Lomé (ACL),
– remis en cause le consensus politique sur les institutions par des modifications unilatérales de la Constitution et du cadre électoral,
– tenté de se soustraire à la mise en œuvre des 22 engagements pris devant la Commission de l’UE depuis le 14 Avril 2004 à Bruxelles.

3) Les tentatives pour organiser des élections transparentes et crédibles sous la pression conjuguée des forces démocratiques et de la communauté internationale, se sont toujours heurtées à une instrumentalisation abjecte des institutions de la République qui enlève tout son sens aux scrutins. Ainsi, une Cour Constitutionnelle aux ordres est toujours prompte à valider les fraudes électorales massives tandis que les forces armées et de sécurité sont requises à l’occasion, pour réprimer dans le sang, toute contestation légitime. L’élection présidentielle du 24 Avril 2005 en est l’illustration la plus récente.

Sur le fond, l’UFC estime qu’à l’issue des débats, un consensus devrait être recherché sur les différents points abordés et discutés. Le contenu du document proposé par le bureau du dialogue devrait refléter ce consensus s’il existe. Ce qui n’est pas le cas.

Dans le détail, ce document appelle les observations ci-après.

1. LA RÉVISION DU CADRE ÉLECTORAL

Ce point du dialogue doit couvrir les nouvelles règles consensuelles qui devront régir les prochaines consultations électorales (présidentielle, législatives, locales, etc.). Il vise tous les textes et toutes les dispositions qui touchent directement ou indirectement toutes les élections, où qu’ils se trouvent, dans la constitution, le code électoral et les règlements.

C’est en vain que le projet d’accord se limite aux élections législatives.

L’UFC s’interroge sur la volonté d’enfermer le projet d’accord dans le seul cadre d’élections législatives.

1.1 Les attributions, la composition de la CENI et de ses démembrements.

Attributions
Organiser et superviser les élections et recourir à l’administration sur demande de la CENI.

Composition
Le point (i) est en contradiction avec le point (ii), car dans le point (i) l’administration n’est pas membre de droit. L’administration apportant son concours à la CENI dans l’exécution de ses tâches, on ne comprend pas pourquoi l’administration serait encore membre de droit.

Rien ne justifie l’important déséquilibre en faveur du RPT qui se voit attribuer 5 sièges à la CENI contre 2 sièges pour chacun des autres partis politiques.

On ne comprend pas non plus pourquoi l’administration à qui la CENI doit faire appel se voit encore attribuer 2 sièges.

La composition de la CENI relève d’une loi. On ne comprend pas le décret qui légitimerait le président seul.

Voilà pourquoi l’UFC propose deux (2) représentants par parti et un (1) représentant par association de la société civile, désignés par les parties au dialogue. La présidence de la CENI par une personnalité neutre désignée par les participants.

Démembrements

Les CELI
Les démembrements ont la même structure que la CENI. Les 2 membres de la CELI dont un magistrat (président) octroyés à l’administration ne se justifient donc pas. Les 2 membres à la mouvance présidentielle non plus.

La volonté du pouvoir de contrôler les processus électoraux le conduisent à instrumentaliser la justice.

Les bureaux de vote
Les mêmes observations sur les CELI valent pour les bureaux de vote.

Tous les membres des bureaux de vote sont nommés par la CENI, sur proposition des CELI.

1.2 Les conditions d’éligibilité

Ce point est incohérent et inintelligible parce qu’il supprime une disposition d’un code électoral (5 Avril 2000) qui n’est pas remis en vigueur.
Toutes les mesures discriminatoires introduites dans tous les textes qui organisent les élections aussi bien législatives que présidentielles doivent être supprimées : nationalité, résidence, incompatibilité, etc.

1.3 Le mode de scrutin

Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours a été adopté par référendum en 1992 par le peuple togolais à l’appel de tous les partis politiques. Il constitue un choix des populations. Il a été confirmé consensuellement par toute la classe politique après l’ACL lors des travaux du Comité paritaire de suivi (CPS).

Ce mode de scrutin a été remis en cause unilatéralement, en violation de l’ACL par l’assemblée monocolore représentant une frange de la population, avec une volonté manifeste d’empêcher l’alternance politique.

Voilà pourquoi l’UFC propose le retour au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, approuvé par le peuple togolais.

1.4 Le découpage électoral

S’il est vrai que le dialogue ne peut pas faire le travail technique du découpage, il doit énoncer les règles devant présider à ce découpage. Il faut que :

– le dialogue affirme la nécessité pour le découpage de tenir compte du poids démographique des populations ;
– le dialogue détermine la taille minimum de populations devant bénéficier d’un député ;
– le dialogue recommande des mesures de pondération dans un souci de non exclusion pour que chaque préfecture, quel que soit son poids démographique, ait au moins deux (2) députés.

1.5 Le recensement électoral

Pour le sérieux et la crédibilité du dialogue, le nouveau recensement pour la confection du fichier électoral, doit être opéré avec l’assistance technique et financière de l’Union européenne.

1.6 Les cartes d’électeurs infalsifiables

L’établissement d’une carte d’électeur infalsifiable avec photo ne pose aujourd’hui aucun problème ni technique ni financier ni de délai.
Les pays comme le Ghana et la RDC l’ont mis en œuvre.

1.7 Le montant des cautionnements

Au Togo le cautionnement a été érigé en système de blocage pour les candidatures. Il convient de se mettre d’accord sur des montants raisonnables fixés par le dialogue et non par un quelconque gouvernement.

L’UFC propose les montants suivants :

– 5.000.000 de F. CFA pour la présidentielle
– 50.000 pour les législatives
– Montant à déterminer pour les locales

1.8 L’observation des élections

L’observation des élections est un mécanisme essentiellement technique sans fondement politique. On ne doit pas en profiter pour exclure des observateurs nationaux au motif qu’ils seraient de parti pris.

Au demeurant, dans tous les pays de la sous région, on fait appel à des observateurs nationaux.

Le nombre réduit des observateurs internationaux est efficacement complété par les nationaux bien formés et capables de couvrir tous les bureaux de vote.

La communauté internationale finance la formation et le déploiement des observateurs nationaux. Le dialogue doit décider de l’appel aux observateurs nationaux.

L’UFC propose la présence :

– d’observateurs nationaux,
– d’observateurs internationaux civils et militaires,
– de forces de sécurité pour la surveillance et la sécurité des élections.

1.9 Le contentieux des élections

Autant la révision du cadre électoral concerne toutes les élections, autant le contentieux doit concerner toutes les élections notamment présidentielles et législatives.

Avec la modification de la Constitution issue de la loi du 31 décembre 2002, les organes compétents pour composer la Cour constitutionnelle sont :

– Le Président de la République qui désigne trois membres
– L’Assemblée nationale actuelle monocolore qui désigne six membres.

Une recomposition dans ces conditions n’aura aucun effet sur la crédibilité de la Cour Constitutionnelle.

L’UFC propose que la composition de la Cour Constitutionnelle telle que prévue par la Constitution du 14 octobre 1992 soit restaurée et que les corporations prévues par les dispositions de la Constitution de 1992 désignent les nouveaux membres de la Cour Constitutionnelle.

La suppression de la sous-commission de la CENI chargée du contentieux n’est pas justifiée, puisque cette sous-commission permet de préparer les dossiers, de réunir et de trier les pièces à communiquer à la Cour Constitutionnelle.

L’UFC propose :

– Le retour de la sous-commission du contentieux de la CENI
– La réforme de la Cour Constitutionnelle

La procédure de contestation des inscriptions ou omissions sur les listes électorales est lourde et inadaptée. La CENI doit maîtriser ce contentieux simple.

1.10 L’accès équitable aux média publics.

1.11 Le quota de sièges pour les femmes

1.12 Vote des forces de l’ordre et de sécurité

Les forces de l’ordre et de sécurité votent le jour du scrutin.

2. RÉFORMES INSTITUTIONNELLES

La modification des pouvoirs du Premier Ministre pour les concentrer entre les mains du Président de la République, l’affaiblissement de l’Assemblée Nationale par la création d’un Sénat dont les membres sont pratiquement désignés par le Président de la République, les conditions d’éligibilité du Président de la République et la suppression de la durée de son mandat, sont des éléments qui ont participé à l’aggravation de la crise politique togolaise.

De plus, aux termes de l’Accord cadre de Lomé (ACL), la Constitution originelle de 1992 a été légitimée et rendue intangible par consensus. C’est en violation de ce consensus que les modifications des pouvoirs du Premier Ministre et de l’Assemblée Nationale ont été introduites par une assemblée monocolore.

Voilà pourquoi l’UFC propose :

– L’harmonisation des textes constitutionnels avec la loi électorale notamment sur les mesures discriminatoires,
– La réforme de la Cour Constitutionnelle,
– La recomposition de la HAAC
– Le rétablissement du Premier Ministre et de l’Assemblée nationale dans leurs prérogatives antérieures.
– La suppression du Sénat, ou la redéfinition de sa mission et le changement du mode de désignation de ses membres.

3. LES PROBLÈMES DE SÉCURITÉ

L’UFC rappelle les raisons qui imposent la réforme de l’armée et la mise sur pied d’une force de sécurité civile, chargée du maintien de l’ordre public.

Il s’agit d’une réforme importante pour les populations et pour l’avenir de notre pays. Elle n’est dirigée contre personne et sera mise en œuvre avec le concours de la communauté internationale.

L’UFC propose des mesures à court, moyen et long termes. Dans l’immédiat, il convient de confier l’expertise de la réforme de l’armée à l’UE et/ou à l’ONU pour étude, en associant les militaires eux-mêmes ainsi que les experts nationaux et internationaux.

* A Court terme :

– Redéfinition de la mission de l’armée et confirmation de sa neutralité politique : l’armée togolaise ne doit plus s’immiscer dans le débat politique,
– Elaboration de nouveaux statuts pour une armée apolitique, républicaine et nationale,
– Mise en place d’un Conseil National de Sécurité
– Mise en œuvre d’une véritable politique de sécurité avec la création de corps spécialisés dans la Police et la gendarmerie,
– Création d’une force autonome de protection des institutions,
– Pour garantir la sécurité des populations : restructuration des forces de sécurité (Police et gendarmerie) placées sous l’autorité du Ministre de l’Intérieur avec des directions civiles et des commandements par un officier de chaque corps.
– Mise en place d’une véritable structure d’une Inspection Générale des Armées,
– Mise en place d’une véritable structure d’une Inspection générale de la Police
– Mise en place d’une véritable structure d’une Inspection Générale de la gendarmerie.
– Sécurisation des élections : création d’une force autonome et démantèlement des milices.

* A moyen et long termes

Identification et séquences de mise en œuvre à la diligence du Gouvernement de consensus puis du gouvernement issu des élections législatives.

4. LE PROBLÈME DE L’IMPUNITÉ

La nécessité de mettre fin à l’impunité est apparue, une fois encore, avec les violations récentes et graves des droits de l’homme, constatées par la communauté internationale, violations qui sont à l’origine de la suspension de la coopération de l’Union Européenne avec le Togo en 1993. Il s’agit d’événements graves pour lesquels il existe des rapports établis par l’Organisation des Nations Unies (ONU), des institutions telles que le Département d’Etat des USA, des Organisations internationales crédibles (Amnesty International, FIDH, ACAT….), etc.

Il ne s’agit pas de faire de l’amalgame, de la confusion et de la démagogie en se référant à une période antérieure à l’accession du Togo à la souveraineté internationale et à des faits qui n’ont rien à voir avec ceux établis en 2005 par la mission des Nations Unies, imputant aux forces armées et de sécurité des massacres de populations au moyen d’armes de guerre.

Conformément :

– à l’engagement 2.6 « de faire poursuivre, par des mesures juridiques ou disciplinaires les auteurs avérés des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture et de traitement dégradant et inhumains » et

– aux recommandations de la mission de vérification des faits de l’ONU,

l’UFC propose :

– la mise en place d’une Commission d’identification des auteurs, des commanditaires et des complices des actes de violence de la dernière période électorale.

– la mise en place d’une structure pour engager une procédure Vérité-Justice-Réconciliation.

5. FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES

L’UFC propose une réflexion sur la nécessité du financement des partis politiques, notamment le remboursement des frais de campagne électorale pour les partis qui atteignent lors des élections, un score à définir.

6. RÉFUGIÉS ET PERSONNES DÉPLACÉES

Le retour des réfugiés dépend des conclusions du dialogue et de l’instauration d’un réel climat de confiance dans notre pays.

7. CADRE PERMANENT DE DIALOGUE ET DE CONCERTATION

Principe retenu, mission et composition à définir.

8. MÉCANISME DE SUIVI DE LA BONNE APPLICATION DES DÉCISIONS DU DIALOGUE

– Institutions : ONU, UE, UA, Institutions de Bretton Woods
– Pays : USA, Burkina, Bénin, Ghana

9. FORMATION D’UN NOUVEAU GOUVERNEMENT

Dans le but d’une mise en œuvre commune de l’accord politique issu du dialogue, l’UFC propose la mise en place d’un gouvernement d’union nationale sur la base d’un accord de gouvernement.

10. DISPOSITIONS FINALES

Le problème fondamental du Togo est le refus de l’alternance politique. C’est à l’épreuve des faits et non sur les déclarations d’intention qu’il faut vérifier la sincérité du gouvernement. En conséquence, c’est par rapport à l’attitude du pouvoir face à cette question qu’il faut évaluer la mise en œuvre des 22 engagements. Or, en situation, lors de la vacance du pouvoir en 2005, le régime a massivement violé les droits de l’homme et les principes démocratiques, alors que les 22 engagements ont été pris pour mettre fin à ces violations relevées par l’UE. Il y a donc lieu de conclure au refus de respecter les 22 engagements et à un échec dans leur application.

La reprise de la coopération de l’UE avec le Togo dépend des conclusions du dialogue et du déroulement satisfaisant des élections législatives, constaté par l’UE (cf. feuille de route du 14 Novembre 2004).

11. LE CONTENTIEUX DE L’ÉLECTION DU 24 AVRIL 2005

Le projet d’Accord soumis par le Bureau du dialogue a délibérément occulté ce point inscrit à l’ordre du jour des travaux et largement débattu.

Pour éviter la réédition des coups de force, l’UFC propose :

– Accord politique pour légitimer les institutions de la République, y compris le Président de la République
– Calendrier pour les prochaines élections législatives et présidentielles.

CONCLUSION

Le projet d’accord soumis par le bureau du dialogue ne traduit pas la profondeur de la crise et ne mesure pas suffisamment les attentes des populations togolaises qui rejettent les pratiques antidémocratiques de discriminations et d’exclusion ainsi que les méthodes de conquête et de conservation du pouvoir par la force.

L’UFC exhorte les tenants du pouvoir à effectuer le sursaut patriotique nécessaire à l’instauration de la démocratie et de l’État de droit au Togo. Il est sans doute temps d’en appeler à un médiateur crédible, pour proposer au dialogue les termes d’un consensus conforme aux valeurs démocratiques et républicaines que nous disons tous partager.

Fait à Lomé, le 08 Juin 2006
Pour le Bureau National,
Le 2ème Vice Président

Amah Gnassingbé