16/04/2024

Les actualités et informations générales sur le Togo

Togo : où en est exactement le dialogue ?

Alors que le Dialogue national entame sa troisième semaine de travaux, certes discontinue (en réalité 10 journées de travail se sont déroulées depuis le 21 avril, date d’ouverture du Dialogue et des travaux), ou en est-on exactement ? Quels résultats et (ou) avancées ont obtenu les protagonistes ?

Le vendredi 5 mai, les délégués se sont retrouvés comme de coutume à l’hôtel Corinthia (ex 2 février) pour discuter du découpage électoral. La séance qui a duré de 9 heures à 13 heures fut un remake des précédentes : difficile, heurtée et très vive. Le ton ne fut guère amical. La mouvance présidentielle (RPT, gouvernement, CPP, PDR, REFAMPT) a carrément refusé qu’on envisage un nouveau découpage électoral. Or, selon l’UFC, la question du découpage électoral se pose sérieusement au Togo depuis la réinstauration du multipartisme. Le découpage de la période du parti unique n’avait pas une grande signification, les élections législatives de cette époque ne constituant pas un réel enjeu de pouvoir. Le gouvernement de transition mis en place par la Conférence Nationale Souveraine (CNS) en septembre-octobre 1991, et chargé d’organiser des élections générales en avril-mai 1992, en bute, en permanence, aux coups de force à répétition du chef de l’Etat, n’a pas pu procéder, comme c’était sa mission, à un découpage électoral équitable et accepté par consensus. Lorsqu’il eut récupéré le pouvoir dont l’a dépossédé la Conférence Nationale Souveraine, (CNS) par la violence et la terreur, notamment par la prise d’assaut de la Primature et la capture du Premier ministre Joseph KOFFIGOH, le 3 décembre 1991, le Chef de l’Etat n’a eu aucun mal à imposer un découpage électoral dont le caractère inéquitable ressort rapidement et clairement quand on l’examine de près.

Dans ce découpage, la disparité criarde entre les représentations des populations rurales et urbaines ne peut se justifier. Comme ne peut sérieusement s’expliquer en dehors de préoccupations sans aucun lien avec l’égalité des citoyens, la trop grande disparité entre les représentations des populations rurales elles-mêmes.

Début 1997, dans la perspective des élections présidentielles de 1998, le gouvernement togolais a sollicité l’aide de l’Union Européenne en vue de résoudre les problèmes liés à l’organisation d’élections générales. Courant juin 1997, l’Union Européenne a dépêché donc au Togo, une mission d’identification de deux experts. Ces experts, un allemand et un français, MM Daniel STROUX et Dominique THIRIET ont, à l’issue de leur mission, rendu un rapport aux autorités togolaises.

Parmi les graves problèmes identifiés dans ce document, se trouve, le découpage électoral. En effet, selon MM STROUX et THIRIET : «Le découpage électoral est aussi une question importante à traiter. Jusqu’à présent, il y a une forte sous-représentation des populations urbaines à l’Assemblée Nationale. Il y a des différences remarquables. Dans la plus grande circonscription électorale de Lomé, il y a plus de 110 000 électeurs inscrits, contrairement à différentes circonscriptions rurales où quelques députés représentent moins de 10 000 électeurs.
La ville de Lomé représente en tout, 5 des 81 sièges au parlement soit 4%, malgré un nombre d’électeurs représentant plus de 20% de la population. Pour remplir dans l’avenir, le critère de l’égalité des citoyens et de leur voix, comme garantie par l’article 5 de la Constitution, il est recommandé de discuter ce phénomène aussitôt que possible.
Compte tenu du fait que les élections législatives sont prévues en 1999 et que le découpage ne joue aucun rôle dans les présidentielles, il reste assez de temps afin de trouver une formule de représentation plus équilibrée de la population urbaine au Togo.»

Cette question du découpage électoral garde donc toute son actualité et relève selon l’opposition de l’amélioration du processus électoral, voulue par d’abord par l’Accord-Cadre de Lomé (ACL), et par les 22 engagements. Mais sur cette question, le RPT emmené par Pascal Bodjona est resté ferme dans son refus de modifier la carte électorale togolaise.

Conformément au calendrier adopté, les délégués ont discuté le lendemain 6 mai du montant du cautionnement aux différentes élections, et l’examen des cartes d’électeurs infalsifiables avec photo du détenteur. L’Opposition (CAR, CDPA, UFC) considère que le cautionnement fixé pour les candidatures aux élections présidentielles et législatives est trop élevé. Tous ces partis estiment que ces niveaux de cautionnement sont des manœuvres du pouvoir afin d’écarter de potentiels candidats de l’opposition.
Du reste, Komi Klassou, ministre de l’enseignement, présent dans la délégation du RPT a reconnu lors des débats cette intention du pouvoir de limiter voire d’éliminer par l’argent certaines candidatures. Rappelons que la caution est de 20 millions de francs CFA pour la présidentielle et 500. 000 FCFA pour les législatives. Cependant, le RPT a manifesté son accord de principe pour une baisse de ces cautionnements.

Abordant la question des cartes électorales infalsifiables et celle de la présence des observateurs lors de prochains scrutins, toutes les délégations se sont accordées sur ce point. Cependant, il reste à établir de manière concrète leur modalité d’application ou de mise en œuvre. Car, en décembre 2001-janvier 2002, le gouvernement togolais avait pris prétexte d’un désaccord sur la confection des cartes électorales dont l’Ambassade de France voulait assurer le financement auprès de l’Imprimerie nationale française pour invoquer des problèmes de prérogatives, bloquer le processus électoral et finalement fin février dénoncer l’accord-cadre de Lomé en révoquant la CENI.

De même sur la question des observateurs, le simple accord de principe est insuffisant. Echaudée par l’expérience de 1998, la Commission de l’Union européenne, bien avant que Louis Michel ne devienne Commissaire au développement, a rigoureusement encadré et précisé au gouvernement togolais les termes généraux d’une mission d’observation internationale(Engagement N° 1.5 : Engagement d’organiser de nouvelles élections législatives, dans des conditions transparentes et en acceptant des observateurs internationaux à tous les stades du processus, dès que possible et suivant le cadre prévu à l’engagement 1.3 ci-dessus. Engagement N° 1.6 : Engagement d’organiser des élections locales, dans un délai de 12 mois, dans des conditions transparentes et en acceptant des observateurs à tous les stades du processus).

IL importe, par conséquent, aux partis de l’opposition d’exiger une implication de l’Union européenne au moyen d’une expertise électorale globale et de long terme. Sans compter aussi que ce qui est considéré comme un accord sur le recensement électoral doit être précisé quant à son financement. Accepter que la charge revienne au gouvernement RPT, c’est sans conteste laisser le champ libre aux manipulations et aux tripatouillages. Lors de leur passage à Lomé, les parlementaires européens ont manifesté leur intention de demander un financement européen du recensement électoral.

On le remarque, les avancées ne sont pas significatives, puisque les questions de fond ne sont pas abordées. Elles sont mises de côté voire contournées. Les discussions ne portent que sur le processus électoral. Or, ce qui importe c’est le cadre juridique de ce processus et les prérogatives de la commission électorale.

L’autre observation qui peut être faite c’est la stratégie de blocage de la mouvance présidentielle. Elle est mise en œuvre par des hommes qui semblent neufs (Pascal BODJONA, Gilbert BAWARA, Komi KLASSOU, Katari Foli-Bazi, etc)
Mais ceux-ci sous le manteau de rénovateurs du RPT sont de véritables caciques. Autrement plus radicaux, car ils entrent dans la carrière et le zèle est de mise.

On note aussi que les partis de l’opposition labellisés « opposition radicale » défendent les mêmes positions sur toutes les questions mises en discussion depuis le début des travaux du Dialogue. En résumé, peut-être devrions nous nous dire que le véritable Dialogue, qui porte sur des questions de pouvoir et d’autorité n’a pas encore commencé. !

La rédaction letogolais.com