29/03/2024

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Togo: Plainte en invalidation du résultat proclamé du scrutin présidentiel du 24 avril 2005

À La Commission Electorale Nationale Indépendante.

Je soussigné Emmanuel Akakpovi Bob AKITANI, candidat de la Coalition des partis politiques ADDI, CAR, CDPA, PSR, UDS-Togo et UFC, au scrutin présidentiel du 24 avril 2005, voudrais vous saisir par la présente lettre de graves irrégularités entachant les opérations du scrutin présidentiel du 24 avril 2005 et qui sont de nature à affecter la sincérité et la validité du résultat proclamé le mardi 26 avril 2005 à 11 heures.

Parmi les multiples irrégularités de nature à invalider le résultat provisoire proclamé par la CENI, les plus significatives sont celles constituant l’objet des deux griefs ci-après:

1- Premier grief en deux branches: le processus électoral a été fondamentalement vicié dans les préfectures que le parti au pouvoir considère comme étant ses fiefs, par la falsification grossière des listes électorales et un calendrier électoral conçu de manière à empêcher les recours en contestation des listes en question.

(i)Falsification grossière des listes électorales

a) Il est constant que la validité du résultat d’un scrutin repose avant tout sur la fiabilité du fichier électoral.

Aussi est-il de règle que soit invalidé tout résultat électoral basé sur des listes électorales comportant des irrégularités atteignant un seuil substantiel par rapport au nombre total des inscrits.

b) En l’espèce, les grandes lignes du fichier électoral ayant servi de base au scrutin présidentiel du 24 avril 2005 ont présentées aux partis politiques, le 7 avril 2005 par le Ministre de l’Intérieur lors d’une réunion qu’il a tenue avec eux.

Selon ce fichier le nombre total des électeurs inscrit s’élève à: 3.552.845, pour une population officiellement évaluée à 5.092.000 habitants. Les détails concernant la répartition de ce fichier par région et préfecture figurent sur le tableau joint à la présente plainte; lequel tableau indique également les détails afférents à la population globale par région et préfecture ainsi que le fichier électoral de 2005.

L’examen des différentes listes préfectorales constituant le fichier national révèle que les listes de plusieurs préfectures ont été abusivement «gonflées». Il importe, à cet égard, de rappeler que suivant les normes observées dans tous les pays où l’âge de voter est fixé à 18 ans, la population électorale est généralement de l’ordre de 50% de la population globale.

Or à l’examen du tableau en annexe on est scandalisé par la différence entre les populations électorales de plusieurs préfectures en 2005 comparativement à leurs populations électorales de 2004 au regard de leurs populations globales de cette année.

Il s’agit des préfectures ci-après:

PRÉFECTURES POP GLOBALE 2004 POP ÉLECTORALE NORMALE EN 2004 POP ÉLECTORALE SUR LE FICHIER ÉLECTORAL DE 2005
1 SOTOBOUA 134.000 65.019 164.674
2 BINAH 65.000 32.226 68.318
3 KOZAH 209.000 103.618 221.586
4 DANKPEN 73.000 36.192 67.929
5 DOUFELGOU 83.000 41.150 76.509
6 TCHAMBA 79.000 38.332 65.813
7 BLITTA 107.000 51.919 84.137
8 TCHAOUDJO 164.000 79.576 137.418
9 BASSAR 103.000 51.065 85.617
10 OTI 131.000 53.052 83.686
11 AMOU 100.000 47.408 74.416
12 WAWA 157.000 74.431 120.981
13 KLOTO (KPELE) 187.000 88.653 151.012
TOTAL 1.592.000 762.641 1.402.096

Soit des écarts s’élevant au total pour les 13 préfectures à: 639.455.

Dans ces 13 préfectures, que le parti au pouvoir considère comme étant ses fiefs les listes électorales ont été falsifiées par des inscriptions irrégulières dans des proportions qui enlèvent tout sens au score attribué par la CENI au candidat du RPT, Monsieur Faure Gnassingbe.

Ces listes falsifiées et les cartes électorales fictives auxquelles elles ont donné lieu sont à l’origine des votes multiples constatées le 24 avril 2005.

(ii) Calendrier conçu de manière à empêcher les contestations des listes électorales falsifiées.

Une fois terminées le Dimanche 10 avril 2005 les opérations de révision des listes électorales et de distribution de cartes d’électeurs commencées le 28 mars 2005, le Ministère de l’Intérieur était tenu d’afficher les listes révisées et informatisées de manière à permettre aux citoyens de faire valoir en application des articles 68 et 69 du Code Electoral les recours en contestation des anomalies entachant ces listes. Il importe de préciser à ce propos que selon l’article 68 alinéa 2 du Code Electoral, la procédure de recours est initiée dans les 5 jours suivant la date d’affichage des listes électorales et peut, avec les incidents s’étendre sur 15 jours.

Il va de soi que l’informatisation et l’affichage des listes électorales nécessitent un délai minimal de deux semaines.

Ces deux diligences ne pouvaient pas se réaliser avant la date du scrutin du 24 avril 2005. De sorte que par la manœuvre du calendrier électoral les citoyens étaient privés du droit d’exercer les recours en radiation des inscriptions irrégulières « gonflant » les listes électorales des 13 préfectures.

Compte tenu de l’ampleur des falsifications, la manœuvre est de nature à faire invalider le résultat proclamé du scrutin. Il est au demeurant surprenant que les observateurs de la CEDEAO après avoir constaté que les listes électorales n’ont pas été publiées aient tout de même déclaré le résultat du scrutin valable.

2- Deuxième grief: les délégués du candidat ont été empêchés de remplir leur mission dans les régions des Savanes, Kara, et Centrale, en violation des dispositions des articles 103 et 122 du Code Electoral

La coalition des six (6) partis ayant investi le requérant a désigné 5320 délégués titulaires et 5320 suppléants dans tous les bureaux de vote sur toute l’étendue du territoire national.

Il a été constaté que dans les bureaux de vote de la Région des Savanes, de Kara et Centrale, les délégués du candidat Bob Emmanuel AKITANI ont été chassés de la plupart des bureaux de vote soit au début du scrutin, et en tout cas au moment du dépouillement des urnes. La CENI faute d’avoir des procès-verbaux de recensement dûment signé par les délégués de tous les candidats dans les bureaux de vote s’est contentée des fiches récapitulatives des résultats provenant des CELI; lesquelles fiches sont transmises sans être accompagnées de procès-verbaux des bureaux de vote et des CELI.

Au cas où la CENI mettrait en doute l’exclusion de la plupart de ses délégués des bureaux de vote dans les régions susvisées, le requérant la somme solennellement de lui communiquer dans les 24 heures, copie de tous les procès verbaux des 5320 bureaux de vote qui doivent constituer le support du résultat provisoire de l’élection.

Il doit être d’ores et déjà acquis que tous les procès verbaux des bureaux de vote qui ne comporteront pas la signature de ses délégués soient déclarés nuls les résultats y figurant n’ayant pas été décomptés de façon contradictoire en présence du délégué du candidat comme le requiert l’article 122 du Code Electoral.

Le requérant demande qu’il lui soit donné acte de ce qu’il se réserve le droit de déposer un mémoire ampliatif après que la CENI lui aura communiqué, copie des procès verbaux des résultats de vote.

Le requérant se réserve également le droit de fournir tout document complémentaire à l’appui de la présente plainte.

CONCLUSION

Le requérant demande à la CENI d’invalider le scrutin du 24 avril dans les treize préfectures ci-dessus visées et de rétracter en conséquence sa décision proclamant Monsieur Gnassingbé Faure président élu du Togo.

Pièce jointe:
Tableau statistique de la population globale électorale (Source: Direction Générale de la Statistique et de la Comptabilité Nationale)

Fait à Lomé, le 27 avril 2005
Monsieur Emmanuel Bob Akitani