23/04/2024

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Togo : Renoncer à la pratique de l’excision pour un plein épanouissement de la femme

Il est bien difficile de remonter aux sources de l’excision. Selon la philosophe et essayiste Séverine Auffret, cette pratique plonge ses racines dans le néolithique et a dû être d’un usage courant dans toute l’humanité protohistorique. Nuisible, l’excision également désignée sous le vocable de « circoncision féminine » ne concerne pas seulement par tradition, les filles et les femmes d’Afrique ou du Moyen-Orient. Elle affecte et brise la vie de filles et de femmes des populations immigrées des pays développés.
Dans un sens plus large, l’excision consiste en l’ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres. Il s’agit d’une mutilation sexuelle qui concerne de nombreuses femmes de par le monde. Une femme sur trois en est concernée en Afrique. Il y a plus d’une douzaine d’années, près d’une trentaine de pays africains était recensée et dans lesquels les mutilations sexuelles se pratiquent. Et la proportion des victimes de cette pratique qui suit son cours, diffère selon les pays. Plus de 85% de femmes sont excisées dans des pays comme le Djibouti, l’Egypte, l’Erythrée, la Guinée-Conakry, le Mali, la Sierra Leone, la Somalie et le Soudan. Par contre entre 25% à 70% de femmes le sont au Burkina, en Centrafrique, la Côte d’Ivoire, la Gambie, la Guinée-Bissau, le Kenya, le Liberia, la Mauritanie, le Sénégal et le Tchad. Quelques minorités ethniques pratiquent l’excision dans des pays comme le Bénin, le Cameroun, le Ghana, le Niger, le Nigeria, la République Démocratique du Congo, la Tanzanie et le Togo.

Connaissance de la pratique de l’excision et ethnie en milieu togolais

Selon les données collectées par des missions d’enquête, les déclarations des personnes interviewées révèlent des différences nettes selon les ethnies. On note que 73, 3% des enquêtés Cotocoli/Tem reconnaissent que l’excision est pratiquée dans leur ethnie pour 0,7% des Ewés enquêtés ont le même avis. D’une manière générale, il en ressort un pourcentage assez révélateur pour les ethnies Tchamba (75,9%), Cotocoli (73,7%), Moba (46, 0%), Ifè (40,9%).

Les personnes approchées ont ainsi donné les raisons qui justifieraient la pratique de l’excision. Les avis analysés émanent des femmes de la tranche d’âge (15 -59 ans), des hommes chefs de ménage, des groupes de discussion et des entretiens individuels. «… Ca honore les parents parce qu’on va leur dire que leur fille ne connait pas un homme avant d’aller au foyer » a déclaré un habitant de Gando, localité située dans la partie septentrionale du Togo.

De l’avis d’un autre, « l’excision réduit la prostitution car elle représente ici et là en Afrique un moyen d’éviter le vagabondage, donc d’éviter les maladies ou risques de transmission de maladies entre la femme et l’homme ».

Les avis divergent à propos de la discussion sur les mutilations génitales féminines (MGF). Il s’agit pour les uns d’un sujet tabou ou de honte. « C’est un secret ; on ne peut pas tout dire »avait affirmée une ancienne excisée dans la préfecture de Tône. D’autres sont par contre disposés à en parler en public lors des séances et campagnes de sensibilisation. « Au Togo, les mutilations génitales féminines existent surtout de la région des Plateaux jusqu’à la région des Savanes », de l’avis d’un responsable d’ONG. Il est appuyé par un autre pour qui « ce problème des mutilations génitales féminines est quelque chose que dans certaines régions, on n’ose pas en parler ! On le fait dans le secret des familles ».

Pour une pratique comme l’excision, les motivations sont nombreuses et diverses. On parle de la préservation de la virginité, de l’hygiène tout comme des arguments religieux. Le respect de l’être humain est le point de vue évoqué par les opposants à la pratique. En effet, l’excision (ablation du clitoris voire celle parfois des petites lèvres et de la suture entre autre des grandes lèvres n’est qu’une atteinte à l’intégrité physique et morale de la victime de cette forme de mutilation génitale féminine). Les risques encourus sont multiformes pour la victime, à savoir manque d’hygiène (la mort s’en suit suite à une infection) ou la douleur liée à la pratique sans anesthésie, la perturbation de l’identité féminine.

Actions menées pour enrayer la pratique

Pour prévenir les violences, la riposte aux violences liées au genre, des actions multiformes, surtout de proximité en synergies avec les ONG avec le soutien des organisations internationales notamment le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) et d’autres partenaires. Ces actions sont ordinairement centrées sur l’information, la sensibilisation et la formation et touchent un grand nombre de personnes de toutes catégories sociales sur toute l’étendue du territoire.

Entre le 25 novembre et le 10 décembre de chaque année, la section togolaise de Women in Law and Development in Africa / Femmes, Droit et Développement en Afrique (WiLDAF/FeDDAF) dont le siège est basé àHararé au Zimbabwe, mène une campagne de lutte contre les violences faites aux femmes. En appoint, des émissions radio télévisées (des causeries-débats dans les différentes langues nationales sur ces violences faites aux femmes notamment l’excision sont réalisées. Outre l’élaboration d’une stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre, les préfets, chefs cantons, chefs de villages, enseignants, parents, personnel des forces de sécurité et judiciaire, des chefs religieux voire des exciseuses ont émis à contribution. Des crédits de reconversion ont été souvent octroyés à ces dernières et à leurs intermédiaires.

Malgré l’adoption de la loi N° 98 / 016 du 17 novembre 1998 par le gouvernement togolais portant interdiction des mutilations génitales féminines, le phénomène tend à persister. Et en dépit de son application et des actions de sensibilisation et vulgarisation régulièrement organisées , des poches de résistance à en croire Napoe Assibi, présidente nationale du Comité Inter-Africain (CI-AF) existent dans les préfectures comme Assoli, Tchamba, Pagouda…

Il y a lieu de soutenir toutes les bonnes volontés qui se battent par tous les moyens contre l’excision. Que de campagnes d’information, d’émissions radiophoniques ou télévisées, des écrits ! Faut-il désespérer ? Pas du tout, car il s’agit d’un travail de longue haleine pour venir à bout de la pratique, qui n’est qu’ « attentat intolérable contre le corps des femmes, d’enfant sans défense, suppression inadmissible de leur fonction érotique… »

Des exciseuses ont signé en décembre 2012 à Sokodé dans la partie centrale du Togo, un pacte d’abandon de la pratique. Du matériel d’usage avait été rendu et les produits issus des activités de reconversion présentés pour la circonstance. Ces actions font du Togo, le second pays africain après le Bénin voisin, à atteindre ce niveau d’encouragement dans la lutte contre la pratique. « Il y a des pratiques que nos ancêtres eux-mêmes s’ils revenaient à la vie trouveraient caduques et dépassées » a dit le Malien Amadou Hampaté Bâ. Aussi est-il important de renoncer à l’excision et de promouvoir le plein épanouissement de la jeune fille, et faire de sa scolarisation, la priorité des priorités. Un combat au quotidien doit être mené par et dans les pays concernés.

Par Patricia Adjisseku

Sources :
Les Mutilations Génitales Féminines (MGF) de Pierrette Herzberger-Fofana
Etudes sur les mutilations génitales féminines au Togo – Unicef/ UNFPA -Juillet 2008