26 octobre 2004
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LE GREFFIER du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (ci-après le TPIR) ;
VU l’article 16 du Statut du TPIR tel que modifié le 30 avril 1998 ;
VU les articles 10, 19 & 20 de la Directive relative à la commission d’office de conseils de la défense (ci-après la Directive) et les articles 11 et 20 du Code de déontologie à l’intention des conseils de la défense;
Les faits
1. M. Jean Yaovi Dégli a été désigné comme Conseil de Gratien Kabiligi le 08 août 1997. Sur sa proposition, le Greffe a nommé Mme Sylvia Olympio comme son Assistante juridique le 17 janvier 1998. Entre autres documents fournis au Greffe par Maître Dégli au soutien de la candidature de Mme Olympio, figurait une attestation du Barreau de Paris, certifiant que Mme Olympio a prêté le serment d’avocat le 15 juin 1991 et a été admise au Tableau de l’Ordre des Avocats le 15 juin 1993. En sa qualité d’assistante, Mme Olympio était rémunérée au taux horaire de 25 dollars US applicable aux assistants et enquêteurs de la défense, avec un plafond de 100 heures par mois.
2. En 1999, Me Dégli a demandé au Greffe de désigner Mme Olympio comme son co-conseil ; ce qui aurait donné droit à cette dernière à une rémunération horaire de 80 dollars US avec un plafond de facturation porté de 100 à 175 heures par mois. Le Greffe n’a pas fait droit à la requête de Me Dégli parce que Mme Olympio ne pouvait alors justifier, sur la foi des pièces produites, que d’une ancienneté de huit ans. Or les textes pertinents du TPIR exigent une expérience d’au moins dix ans pour être nommé conseil. Me Dégli proposa alors au Greffe d’améliorer le statut de Mme Olympio qui, dans les faits, jouait selon lui le rôle de co-conseil. Il proposa qu’elle soit rémunérée au taux horaire de 50 dollars US et que son plafond de facturation mensuelle soit porté à 150 heures, moyennant quoi, il ne prendrait pas de co-conseil qui aurait coûté plus cher au Tribunal. Le Greffe accepta cette proposition avec effet à partir du 1er septembre 1999. Le 15 février 2002, Mme Olympio pouvait formellement justifier des dix ans d’expérience requis et fut nommée co-conseil sur proposition de Maître Dégli. Elle pouvait à partir de cette date prétendre à la rémunération applicable à cette catégorie.
3. Le 27 avril 2003, le Greffier a reçu une correspondance signée de Mme Sylvia Olympio. Elle y indiquait, entre autres, qu’elle n’avait jamais prêté le serment d’avocat et que l’attestation produite dans ce sens était un faux. Elle disait n’avoir informé Maître Dégli de cette situation que le 26 avril 2003, c’est-à-dire la veille de la date d’envoi de ce courrier. Mme Olympio demandait enfin sa décharge du dossier ; ce qui a été immédiatement fait.
4. En début mai 2003, la Division des enquêtes du Bureau des services de contrôle interne des Nations Unies (DE/BSCI) a été saisie de l’affaire et a mené une enquête. Elle a entendu tous les protagonistes de l’affaire dont notamment Maître Dégli, Mme Olympio, le personnel du Greffe chargé de la Section des Avocats, le Barreau de Paris. Elle a reçu différentes pièces de ces protagonistes ainsi qu’auprès de la Stanbic Bank à Arusha, en retraçant notamment les différentes transactions opérées au niveau du compte de Mme Olympio.
5. En concluant son enquête, la DE/BSCI a pu confirmer avec le Barreau de Paris que l’attestation déposée pour le compte de Mme Olympio procédait effectivement d’un faux. Mme Olympio a indiqué aux enquêteurs comment elle s’est servie d’une imprimante en couleur pour reproduire l’attestation altérée. Elle a également expliqué la nature de ses relations avec Maître Dégli dont leurs deux familles avaient des liens d’amitié depuis longtemps au Togo. Elle a indiqué avoir rencontré Maître Dégli en 1996. Celui-ci lui aurait par la suite proposé de travailler dans son cabinet, sans être déclarée, moyennant un salaire mensuel de deux mille dollars US payables en espèces. Elle a accepté l’offre puisque cette somme correspondait presque au double du salaire qu’elle percevait avec ses précédents employeurs. Maître Dégli, sachant qu’elle n’était pas avocate, lui aurait suggéré de falsifier l’attestation du Barreau de Paris pour pouvoir être admise à travailler au TPIR. Il l’aurait assurée que ni le Tribunal ni le Barreau de Paris ne vérifieraient l’authenticité du document. C’est ainsi qu’elle lui aurait remis l’attestation falsifiée et son curriculum vitae pour dépôt au Greffe du TPIR.
6. Mme Olympio a indiqué qu’elle a blanchi Maître Dégli dans sa correspondance d’avril 2003, sous la pression de ce dernier. Bien que reconnaissant sa responsabilité dans la confection de la fausse attestation, elle a expliqué que dans une large mesure, elle n’a été qu’un instrument dont s’est servi Maître Dégli pour escroquer au Tribunal d’importantes sommes d’argent.
7. Elle a indiqué aux enquêteurs que Maître Dégli l’a aidée à ouvrir à la Stanbic Bank à Arusha un compte destiné à recevoir les fonds transférés par le TPIR en paiement des honoraires et frais. Maître Dégli a également fourni son spécimen de signature et a obtenu une procuration sur ce compte. Ce n’est que le 15 avril 2003, lors d’une opération sur ce compte, qu’elle a été fortuitement informée que d’importantes transactions (43 000 dollars US et 32 000 dollars US) ont été effectuées sur son compte. Ces sommes ont été déposées par le Tribunal, puis transférées par Maître Dégli dans un autre compte, ouvert cette fois-ci au nom de Félicienne D’Almeida, son épouse. Une vérification faite au Greffe lui a permis d’être informée que les montants déposés correspondent aux honoraires qui lui étaient dus, tels que certifiés par Maître Dégli. Elle a immédiatement révoqué la procuration faite à Maître Dégli sur son compte.
8. La réalité de l’existence d’une procuration au profit de Maître Dégli, de transactions importantes par Maître Dégli sur ce compte ainsi que la révocation de la procuration ont pu être vérifiées et confirmées par la DE/ BSCI auprès de la Stanbic Bank. Mme Olympio a pu expliquer aux enquêteurs ce qu’elle a compris comme le stratagème de Maître Dégli qui consistait à gonfler le montant des honoraires du co-conseil au moment du dépôt des états au Greffe. Il prélevait ensuite du compte de Mme Olympio le montant correspondant à ces exagérations qu’il transférait dans le compte ouvert au nom de son épouse.
9. Les enquêteurs du BSCI ont montré à Mme Olympio 16 états d’honoraires remplis en son nom par Maître Dégli. Après examen, elle a attesté qu’ils étaient tous faux et qu’elle n’avait jamais effectué les heures de travail qui y étaient indiquées. Elle a en outre indiqué aux enquêteurs avoir signé par le passé un formulaire vierge qu’elle avait remis à Maître Dégli qui, sans doute, l’a photocopié autant de fois que nécessaire pour soumettre les faux états d’honoraires à son nom. Elle a chiffré les sommes totales qu’elle a perçues du Tribunal à un maximum de 80 000 dollars US.
10. Les enquêteurs du BSCI ont entendu Maître Dégli qui a reconnu avoir aidé Mme Olympio à ouvrir son compte à la Stanbic. Il a aussi admis avoir eu une procuration sur ledit compte et que la nommée Dédé Félicienne d’Almeida, titulaire d’un compte à la Stanbic, et au profit de qui il effectuait des virements à partir du compte de Mme Olympio, était bien son épouse. Maître Dégli a également admis qu’en sa qualité de Conseil principal, il était chargé de certifier les demandes de paiement à soumettre par les membres de son équipe dont Mme Olympio.
11. Les enquêteurs du BSCI ont relevé qu’à la question du pourquoi des transferts du compte de Mme Olympio à celui de son épouse, Maître Dégli a été très évasif, semblant suggérer que l’argent ne faisait qu’y transiter avant d’être remis à Mme Olympio, une fois qu’il la voyait à Paris. Les enquêteurs ont alors montré à Maître Dégli un chèque de 32 000 dollars US tiré sur le compte de Mme Olympio et libellé à l’ordre de son épouse, le 7 avril 2003. Les enquêteurs lui ont fait observer qu’à cette date Mme Olympio était bien présente à Arusha. Maître Dégli a alors prétendu que ce montant représentait le remboursement exceptionnel d’une dette de Mme Olympio à son égard. Il n’a pas pu fournir aux enquêteurs une justification de la dite dette. Les enquêteurs lui ont présenté cinq chèques d’un montant total de 119 265, 63 dollars US tirés sur le compte de Mme Olympio entre avril 2002 et avril 2003. A quoi il a répondu qu’il s’agissait de dettes dont il n’avait cependant gardé aucune justification matérielle de la cause.
12. Maître Dégli a indiqué aux enquêteurs qu’il n’a été informé de ce que Mme Olympio avait usurpé le titre d’avocat que le 20 avril 2003 quand il s’est rendu au Barreau de Paris pour s’informer à propos de l’assurance responsabilité professionnelle, relativement à deux affaires mal gérées par Mme Olympio. Cette dernière a réitéré ses aveux d’usurpation de titre le 26 avril 2003 devant un témoin dénommé d’Almeida (un parent de son épouse). Les enquêteurs ont rappelé à Maître Dégli que dans la demande écrite du 4 novembre 1997 qu’il avait envoyée au Tribunal pour la désignation de Mme Olympio comme assistante, il avait indiqué qu’elle travaillait dans son cabinet et qu’il connaissait bien ses méthodes de travail. Or dans le CV de Mme Olympio qu’il a présenté pour sa désignation comme co-conseil, cette mention avait changé. Mme Olympio y apparaissait comme ayant travaillé au cabinet Campbell & Labruinie de mars 1996 à mai 1999. Maître Dégli leur a répondu qu’il ne s’était pas rendu compte du changement. Interpellé par les enquêteurs à propos des vérifications qu’il aurait dû faire au Barreau de Paris avant d’engager Mme Olympio, Maître Dégli a répondu qu’il n’a jamais procédé à ces vérifications. Il a dit aussi aux enquêteurs ne pas s’être rendu compte de la différence criarde entre la signature au bas de l’attestation prétendument fournie par le Barreau de Paris à Mme Olympio et celle sur son attestation personnelle, pourtant censée émaner de la même personne, M. Loup Monnot de Angles.
13. Interrogé à propos de la révocation par Mme Olympio de sa procuration sur son compte, Maître Dégli a indiqué aux enquêteurs que c’était à cause de sa découverte de l’usurpation de titre. Les enquêteurs lui ont alors fait observer qu’il avait précédemment indiqué n’avoir été informé de l’usage de faux titre que le 20 avril 2003. Or la révocation est intervenue au moins trois jours avant cette date. Les enquêteurs ont noté que Maître Dégli a tergiversé avant de changer de version, expliquant que le retrait des 32 000 dollars avait fâché Mme Olympio quand celle-ci l’a appris ; ce qui a motivé la révocation de la procuration.
14. Les enquêteurs ont présenté à Maître Dégli différents états d’honoraires suspectés d’avoir été gonflés. Ils ont à titre d’exemple porté son attention sur l’état de septembre 2002 pour lequel Mme Olympio avait indiqué avoir travaillé 64 heures et 50 minutes. Or la demande de paiement qu’il a certifiée et présentée au TPIR indiquait qu’elle avait travaillé 185 heures et 35 minutes. Rien que pour le week-end du 14 au 15 septembre 2002, il avait certifié 18 heures et 20 minutes. Maître Dégli a admis devant les enquêteurs que ces heures étaient invraisemblables et qu’il aurait dû faire plus attention. Il a toutefois mis ces exagérations sur le compte d’une erreur qui, de toute façon, ne lui profitait pas puisque l’argent allait à sa consoeur. Au lendemain de cette audition, Maître Dégli s’est spontanément présenté à nouveau devant les enquêteurs pour leur indiquer qu’il y avait en fait de la surfacturation. Il a ajouté que cette surfacturation permettait de payer d’autres personnes qui avaient fait le travail que n’avait pas effectué Mme Olympio. Maître Dégli n’a pas révélé aux enquêteurs l’identité de ces personnes.
15. Les sommes virées sur le compte de Mme Olympio pendant la période où elle a postulé au TPIR se chiffrent à 380266,90$ US. De ce montant, Mme Olympio dit n’avoir pas perçu plus de 80 000 $ US. La différence, soit plus de 300 000$ US représenterait le montant des sommes frauduleusement encaissées par Maître Dégli.
Procédure
16. Le Greffier a reçu le rapport du BSCI en Août 2004. Il a entrepris les plus larges consultations pour sanctionner tout abus du système d’assistance judiciaire si celui-ci est avéré, mais en veillant aussi à ne pas interrompre de façon intempestive le cours de la justice. Le Greffier a aussi eu à cœur de respecter pleinement le principe du contradictoire en permettant au conseil mis en cause de s’expliquer à volonté sur les faits précis d’usage de faux et de malversations subséquentes dont il est suspecté d’avoir été la cheville ouvrière. C’est pourquoi, lorsque le BSCI a indiqué au Greffier qu’il n’était pas souhaitable, pas plus qu’il n’était de coutume de communiquer son rapport en dehors du cercle restreint qui en avait reçu ampliation[1], le Greffier s’est évertué à produire un résumé dudit rapport expurgé des considérations étrangères à la cause et reprenant les faits précis imputés au conseil. Cette version a été communiquée à Maître Dégli le 15 Octobre 2004, avec invitation à faire ses observations et moyens de défense sous huitaine.
17. Dans sa réponse datée du 18 octobre 2004 mais qui n’a été reçue au Greffe que le 22 octobre 2004, Maître Dégli s’appesantit longuement sur des considérations complètement étrangères aux faits sur lesquels il est invité à s’expliquer. Il y parle de complot contre sa personne, expression qui revient d’ailleurs invariablement dans tous ses courriers au Greffe depuis le début de l’enquête dans cette affaire. La réponse contient toutefois quelques indications quant à la position de Me Dégli. Au paragraphe 9 il y indique qu’une réponse adéquate de sa part requiert la communication du rapport intégral et non d’une quelconque version résumée dudit rapport. Cette demande est réitérée aux paragraphes 10, 11 et 12 de sa réponse. Il termine toutefois sa réponse en indiquant qu’il réserve sa défense à d’autres instances puisque « le Greffe et son chef [sont] des parties particulièrement intéressées dans ce dossier ». Il conclut en invitant le Greffe de prendre sa décision au plus vite pour pouvoir exercer ses recours.
18. Le Greffier donne acte à Me Dégli de sa position telle qu’exprimée dans sa réponse du 18 octobre 2004. Le Greffier estime lui avoir donné amplement l’occasion et le temps de se défendre en portant à sa connaissance les faits précis qui lui sont reprochés. Cette information a été aussi complète que s’il avait reçu le rapport du BSCI. Maître Dégli a choisi de ne pas y répondre. D’ailleurs, en disant dans sa réponse qu’il récusait le Greffe qui, d’après ses termes, est une partie intéressée à l’affaire et qu’il réservait ses moyens de défense et arguments à « la prochaine étape de cette affaire », Maître Dégli indique par là clairement que son refus de répondre sur le fond obéit à des motifs personnels qui, en tout état de cause, n’ont rien à voir avec la communication des charges.
Motifs de la décision
19. L’article 19 (A) (iii) de la Directive dispose que le Greffier peut retirer la commission d’office du conseil en cas de manquement grave au Code de déontologie. L’article 11 de ce Code fait obligation au conseil de facturer ses honoraires et frais avec modération et de rendre compte de bonne foi du nombre d’heures passées sur une affaire. L’article 20(c) du même Code qualifie de faute professionnelle du conseil les actes entachés de malhonnêteté, de fraude, de tromperie ou de supercherie.
20. Il résulte abondamment des faits décrits plus haut que Maître Dégli a joué un rôle majeur dans ce qui apparaît comme une véritable entreprise d’escroquerie savamment pensée, orchestrée et consommée. Il n’a d’ailleurs pas contesté la réalité des actes constitutifs de cette activité frauduleuse, qui sont par ailleurs établis à l’aide de preuves documentaires. En aidant Mme Olympio à ouvrir un compte à la Stanbic Bank, en demandant et en obtenant une procuration sur le dit compte, en ouvrant un autre compte au nom de son épouse dans cette même banque avec les mêmes pouvoirs dans ce compte, alors même que son épouse n’est ni résidente à Arusha ni liée au Tribunal par quelque contrat que ce soit, en transférant systématiquement sur le compte de son épouse des sommes importantes virées par le Tribunal sur le compte de Mme Olympio, Maître Dégli mettait froidement et consciencieusement en place les différentes pièces d’un mécanisme de fraude bien élaboré. Ces éléments incontestables confirment la version de Mme Olympio relativement à la pratique de surfacturation qui était l’acte par lequel Maître Dégli dépouillait le Tribunal de ses ressources avant d’user du mécanisme bancaire qu’il a mis en place pour s’approprier effectivement lesdites sommes. Maître Dégli a d’ailleurs finalement reconnu devant les enquêteurs du BSCI, qui l’avaient du reste confondu, la pratique de surfacturation qu’il a tenté de justifier fallacieusement par la nécessité de payer des personnes qui faisaient le travail que Mme Olympio était censée effectuer. Il reste évident qu’une telle justification, même avérée, serait inacceptable. Maître Dégli ne saurait justifier une pratique illicite de surfacturation par le besoin de payer les services de personnes étrangères et inconnues du Tribunal.
21. Au final, la seule activité illicite à laquelle Maître Dégli conteste véhémentement avoir été associé, reste la confection et l’usage subséquent de la fausse attestation du Barreau de Paris. Cependant, ici aussi sa mauvaise foi est établie puisque cette activité illicite initiale apparaît comme une pièce maîtresse dans le dispositif d’escroquerie qu’il a mis en place en aval. Les enquêteurs ont d’ailleurs relevé les multiples contradictions dans les CV de Mme Olympio que Maître Dégli a lui-même déposés au Greffe et où il attestait lui-même avoir travaillé avec elle. Maître Dégli ne peut d’ailleurs se targuer d’une quelconque bonne foi après avoir reconnu avoir employé Mme Olympio dans son cabinet sans la déclarer, se mettant ainsi en marge de la loi française et de celle de son Barreau. Une avocate ne peut pas être une employée non déclarée. En tout cas, en prenant le risque d’employer une avocate au noir, Maître Dégli ne peut ultérieurement plaider la bonne foi quant à la méconnaissance du réel statut de cette dernière. Dans ces conditions, les enquêteurs du BSCI n’ont pas été impressionnés par les aveux écrits de Mme Olympio, sous le témoignage suspect du beau parent de Maître Dégli, et exonérant ce dernier de toute connaissance antérieure de son usurpation de titre. Le Greffier non plus ne donne aucun crédit à cette assertion et est plus enclin à croire que c’est sous la pression qu’elle a été obtenue, puis ultérieurement rétractée devant les enquêteurs du BSCI.
22. De ce qui précède il appert que Maître Dégli a commis des actes de malhonnêteté, de fraude et de tromperie, en violation de l’article 20 (c) du Code de déontologie. Il est également établi qu’il n’a pas rendu compte de bonne foi du nombre d’heures que son équipe a passées sur l’affaire de l’accusé Gratien Kabiligi, en violation des prescriptions de l’article 11 du Code de déontologie. Ces manquements graves au Code de déontologie justifient le retrait de l’affaire de Maître Dégli, en application de l’article 19(A) (iii) de la Directive ; et ce, sans préjudice de toute autre action en recouvrement des sommes frauduleusement perçues.
Par ces Motifs
· Ordonne le retrait de la Commission d’Office de Maître Jean Yaovi Dégli ;
· Dit que Maître Jean Yaovi Dégli n’est plus éligible comme conseil dans le cadre du programme d’assistance judiciaire du Tribunal et ordonne son retrait de la liste ;
· Ordonne la remise par Maître Jean Yaovi Dégli de l’ensemble des pièces originales du dossier en sa possession à l’Accusé Gratien Kabiligi ou au Coconseil René Saint Léger, et ce dans les 15 jours à compter de la notification de la présente décision ;
· Ordonne la notification de la présente décision à l’accusé Gratien Kabiligi ;
· Ordonne la communication de la présente décision aux Barreaux de Paris et de Lomé (Togo) ;
· Invite l’accusé Gratien Kabiligi à fournir sans tarder une liste de trois noms de conseils potentiels choisis sur la liste des conseils susceptibles d’être commis d’office par le Tribunal ;
Adama Dieng
Greffier
Arusha, 26 octobre 2004
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[1] Le rapport du BSCI n’est en fait qu’un document interne destiné à l’usage exclusif des décideurs du système des Nations Unies. En outre Maître Dégli a été largement associé à l’enquête. Il a été entendu chaque fois que de besoin, y compris à sa propre demande. Il a communiqué aux enquêteurs les documents qu’il estimait lui être favorables, notamment les aveux écrits de Mme Olympio faits en présence d’un parent de son épouse.
[SOURCE DU DOCUMENT->http://www.ictr.org/FRENCH/cases/Kabiligi/decisions/261004.htm}]
Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)
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