LOME, 28 juin (AFP) – 13h06 – L’ex Premier ministre togolais Agbéyomé Kodjo, limogé jeudi par le président Gnassingbé Eyadéma, s’est lancé dans un diatribe d’une rare violence contre le chef de l’Etat et son régime, dans un « testament politique » incendiaire de 14 pages.
Dans ce texte daté du 27 juin dont l’AFP a obtenu copie, M. Kodjo dénonce tout à trac « l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques » et « aux ordres du Prince », un « populisme suranné », un « régime inique », des « dérives monarcho-despotiques du régime actuel », des « menaces de mort » proférées contre lui « en toute impunité » par le fils aîné du Chef de l’Etat, le colonel Ernest Eyadéma, qu’il accuse au passage de faire torturer des prisonniers dans un camp du nord du pays.
M.Kodjo affirme aussi que les privatisations de sociétés publiques « aboutissent difficilement quand elles ne profitent pas au clan familial du Chef de l’Etat ».
« Aujourd’hui, mon choix est clair: je choisis d’aider cinq millions de Togolais à prendre en main leur destin, à refuser l’aventure et l’imposture, à tordre le cou au tribalisme rétrograde, à renvoyer aux oubliettes de l’histoire le régime obscurantiste d’Eyadéma, à tourner définitivement la page de la honte politique, économique, culturelle et sociale », écrit encore l’ancien chef du gouvernement, membre du bureau politique du parti au pouvoir, le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT).
Après avoir dénoncé le « siphonnage » de l’argent public par le clan familial du président et ses proches, M. Kodjo lance un appel pour « empêcher le Président de la République de se livrer à une modification de la Constitution en vue d’accomplir un nouveau mandat à la tête de notre pays à partir de 2003 ».
« Tous ces faits relèvent d’une haute trahison de la part de celui qui en assure la protection délibérée », écrit l’ancien chef du gouvernement.
M. Kodjo, qui était en poste depuis le 29 août 2000, a été remplacé à la tête du gouvernement par Koffi Sama, auparavant ministre de l’Education, et secrétaire général du RPT.
Le communiqué officiel explique cette mesure par le fait que le Togo « est engagé dans la préparation des prochaines élections législatives » et que « dans cette phase nouvelle de la vie politique, il est apparu nécessaire de mettre en place un nouveau gouvernement dont l’objectif sera de permettre la mise en oeuvre le plus rapidement possible du processus électoral ».
Des élections législatives anticipées ont été prévues par les accords politiques dits « Accord Cadre de Lomé » signés en juillet 1999 par le pouvoir et l’opposition. Mais cette consultation a été reportée à deux reprises.
Les « accords de Lomé » avaient été conclus pour mettre fin à dix ans de tensions politiques au Togo, dirigé depuis 36 ans par le général Eyadéma, doyen des chefs d’Etat africain en exercice.
Le chef du gouvernement était dans la tourmente depuis plusieurs mois pour avoir refusé de signer un document du parti au pouvoir condamnant une lettre incendiaire d’un ancien président de l’Assemblée nationale, Dahuku Péré, lui aussi membre du RPT, dénonçant le mode de fonctionnement du parti.
Dans son réquisitoire, M. Kodjo réaffirme ouvertement qu’il « approuve l’esprit et la lettre de ce document historique ».
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