28/03/2024

Les actualités et informations générales sur le Togo

Violences politiques au Togo: à quand la vérité, à quand le justice ?

Plaidoyer du CACIT pour la mise en œuvre des procédures judiciaires visant à lutter contre l’impunité au Togo

13 octobre 2006 – 13 octobre 2008, il y a deux (2) ans déjà que le Collectif des Associations Contre l’impunité au Togo (CACIT), a déposé des plaintes devant le juge d’instruction près le Tribunal de Première Instance de Lomé pour le compte des victimes de violations de droits de l’homme avant, pendant et après l’élection présidentielle d’avril 2005.

Bref rappel :

A la suite de la crise de succession née au lendemain de la mort du général Eyadema en février 2005 qui a entraîné de graves violences et des violations des droits de l’Homme et des libertés, de nombreuses commissions d’enquêtes nationales et internationales ont dressé un bilan de 181 à 811 morts, des milliers à des dizaines de milliers de blessés et beaucoup de biens matériels détruits. Soucieux de faire en sorte que les victimes de ces évènements puissent obtenir réparation de ces faits, le CACIT a répertorié près de quatre cent victimes à Lomé et à l’intérieur du pays, puis formalisé des dossiers de plaintes à déposer devant les tribunaux.

L’action du CACIT :

A travers la mise en œuvre de son projet “ assistance juridique et judiciaire des victimes des violations des droits humains avant, pendant et après l’élection présidentielle de 2005’’, le CACIT a, avec l’appui de Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme et Amnesty International déposé, depuis le 13 octobre 2006, des plaintes auprès des tribunaux compétents. L’objectif visé est de faire en sorte que la lumière soit faite sur les différents cas de violations alléguées et que des réponses appropriées soient données au besoin de justice des victimes.

L’action du CACIT qui s’inscrit dans l’engagement, pris en août 2006, par les forces politiques togolaises et la société civile, de lutter contre l’impunité, entend permettre d’élucider les circonstances dans lesquelles certains Togolais ont perdu leur vie et/ou leurs biens ou ont survécu avec des traumatismes physiques ou psychologiques de tous ordres. Elle répond au souci de faire en sorte que le Togo satisfasse à ses obligations dans le cadre des instruments internationaux auxquels il a librement adhéré. Le CACIT entend faire situer les responsabilités, amener les auteurs et leurs complices à répondre de leurs actes, dissuader les candidats éventuels à la récidive et baliser le chemin pour l’avènement d’une réconciliation véritable dans le cadre d’un Etat de droit, garant des droits et libertés individuelles au Togo.

Le CACIT, vivement préoccupé :

Depuis le démarrage de son action en octobre 2006 jusqu’à ce jour, le CACIT a fait déposer par les victimes, trente huit (38) plaintes à Lomé et à l’intérieur du pays. Mais à ce jour, le CACIT est très préoccupé par l’attitude de certaines autorités judiciaires qui, jusqu’alors n’ont pas daigné enclencher la procédure d’instruction des six plaintes dont les cautions ont été fixées et entièrement payées. Il ne comprend guère la réticence de la justice à fixer le montant de la caution due s’agissant des autres plaintes déposées et ce, alors qu’aucune raison officielle n’est avancée par les autorités judiciaires pour expliquer cet état de chose.
Tout laisse à penser que les autorités se basent sur le processus de justice transitionnelle en cours pour entraver la procédure judiciaire. Or, rien, à ce jour, ne permet d’envisager que la Commission Vérité, Justice et Réconciliation promise dans ce cadre, sera mise sur pied dans les jours ou semaines à venir.

Et pourtant… :

La Résolution 2005/81 du 21 avril 2005, paragraphe 14 de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU, enseigne que lorsqu’il s’agit de faire la lumière sur les violations des droits humains commises dans le passé, le rôle des commissions vérité vient naturellement en complément de celui des juridictions nationales et internationales.
En outre, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques que le Togo a ratifié, fait obligation aux Etats parties, en son article 2 (3) (b), de donner la priorité aux recours juridictionnels par rapport aux autres types de recours.

Les mêmes causes produisent les mêmes effets :

A quelques mois des élections présidentielles de 2010, le CACIT rappelle à ceux qui feindraient de l’ignorer, que les mêmes causes produisant les mêmes effets, si des mesures dissuasives ne sont pas prises, d’autres crimes pourraient alimenter le cycle de l’impunité et compromettre dangereusement le processus de construction de l’Etat de droit. Cette préoccupation est d’autant plus réelle que l’actualité de ces six derniers mois au Togo révèlerait, selon certaines affirmations, une tentative d’enlèvement d’un opposant en exil revenu au pays. Le décès, dans des conditions non encore élucidées jusqu’à ce jour, d’un journaliste et leader de parti politique vient confirmer ce climat de suspicion et d’angoisse dans lequel baigne le Togo aujourd’hui.

Fort de tout cela :

Le CACIT saisit l’occasion de cet anniversaire et:

1- Constate que lors des Consultations nationales organisées par les autorités togolaises, de mai à juillet 2008, 43,07% de Togolais ont clairement formulé une demande de justice des actes de violations des droits de l’Homme observées dans le pays ;

2- Rappelle, au Chef de l’Etat, son engagement solennel pris en juillet 2007 à lutter contre toute forme d’impunité au Togo. Pour le CACIT, cet engagement doit dépasser le cadre des discours pour se traduire en une implication personnelle, en sa qualité de premier magistrat du Togo, et obtenir, sans délai, des autorités judicaires, la fixation de la caution et l’instruction effective des plaintes ;

3- Formule l’espoir que la promesse faite par le Premier Ministre Gilbert Fossoun HOUNGBO de mettre en place une Commission Vérité, Justice et Réconciliation aura une valeur que celle de l’effet d’une annonce et permettra de faire la lumière sur les faits relatifs aux violations des droits humains et surtout d’alimenter avec les informations recueillies les dossiers d’enquêtes et les poursuites judiciaires civiles et pénales en cours et à venir ;

4- S’étonne que les députés à l’Assemblée Nationale, qu’ils soient du pouvoir ou de l’opposition, n’usent pas de leurs prérogatives constitutionnelles soit pour interpeller le gouvernement, soit pour faire des propositions de loi sur cette question ;

5- Attire l’attention de toutes les parties prenantes sur les objectifs du mécanisme de justice transitionnelle qui, loin d’accorder un blanc seing aux violateurs des droits de l’Homme, doit toujours s’inscrire dans un plan d’action global de lutte contre l’impunité. La future Commission Vérité, Justice, Réconciliation doit nécessairement viser à défendre les victimes des violations des droits humains ainsi que leur droit d’obtenir vérité, justice et réparation. Elle ne saurait être et ne devrait pas être considérée comme un moyen pour remplacer une procédure judiciaire devant, en principe, établir la responsabilité pénale individuelle.

Enfin…

Le CACIT rappelle avec le Secrétaire général de l’ONU que « lorsqu’il est nécessaire de mettre en place les mécanismes transitoires, il convient d’adopter une démarche intégrée menant de front les procès en matière pénale, les réparations, la recherche de la vérité, la réforme des institutions, la sélection ou la révocation des fonctionnaires, ou combinant judicieusement ces différents éléments ».

C’est seulement à ce prix qu’au Togo, le crime cessera de se nourrir de l’impunité !

Fait à Lomé, le 13 octobre 2008

Pour le CACIT,
Le Président,
Me Ata Messan Zeus AJAVON

[www.CACIT.ORG->http://www.cacit.org/]