29/03/2024

Les actualités et informations générales sur le Togo

Voyage au coeur de la dictature togolaise

Au pouvoir depuis 36 ans, le régime du Président togolais, Gnassingbé Eyadéma, n’a cessé de poser des actes de malgouvernance. C’est du moins ce qu’affirme M. Emile Bayala de « Nouvelles Afrique » dans cet écrit parvenu à notre rédaction. Il effectue un voyage riche en enseignements au coeur des pratiques du régime togolais.

Investi le 20 juin après les élections qui frisent l’injure à son peuple, le général Eyadéma cherche à présent une porte de sortie honorable pour son quinquennat. La réalité est malheureusement infalsifiable avec 36 ans de règne sans partage entretenu grâce au hold up électoral. Le régime au pouvoir restera égal à lui-même: son président est sans parole d’honneur, sans ami à même de lui donner l’éclairage nécessaire à la libération du peuple. Le comble est que, faute d’argument pour justifier le chaos socio-politique, le président Eyadéma risque de faire payer un lourd tribut à ce peuple et aux étrangers. Exactement comme en Côte d’Ivoire.

Comment comprendre qu’à la veille du scrutin du 1er juin , le régime togolais s’emprenne au Burkina en l’accusant de déstabilisation ? Cette question est esquivée dans les milieux traditionnels du pouvoir de Blaise Compaoré, mais sa pertinence est tenace. Bien que la classe dirigeante ait observé le silence depuis la parution dans Jeune Afrique l’Intelligent (du 25 au 31 mai dernier), d’un article dénonçant l’invasion du Togo par  » mille mercenaires prêts à semer le chaos », beaucoup d’observateurs estiment qu’il s’agit d’une façon de transporter le problème togolais sur un terrain étranger. Il est cependant utile de se demander pourquoi Blaise Compaoré ne fait rien pour prévenir tout dérapage et feint d’ignorer le scénario ivoirien dont s’est inspiré le Général Eyadéma pour justifier sa peur de la démocratie.

Evidemment, le pouvoir burkinabè, selon certaines sources, a voulu garder le mutisme de peur de se faire piéger par un quelconque commentaire ou démenti. D’ailleurs l’accusation n’a jamais été officielle. Mais en bornant sa frontière avec le Burkina par 2000 militaires le jour des votes et en déclarant sur son site internet officiel « republicoftogo.com » ces allégations, le gouvernement togolais met la barre très haut. Ce, d’autant plus que J.A l’Intelligent est catégorique:  » la présidence togolaise confie même détenir des informations précises sur la présence au Burkina de plusieurs dizaines de militaires déserteurs togolais, entraînés au sein du régiment de sécurité présidentielle ainsi qu’au centre de Pô ». Certainement trompé par ses services de renseignements et les autres courtisans, le Général ignore qu’il n’existe même plus un camp militaire à Pô. C’est une information que tout bon service de renseignement doit pouvoir vérifier ne serait-ce qu’en se rendant sur les lieux. Pô est simplement devenue une ville historique.

« Eyadéma a le sommeil troublé au moindre pétard »

Craignant pour leurs vies, beaucoup de Togolais s’étaient réfugiés au Ghana voisin, rapporte l’AFP. En fait, toute cette psychose cyniquement entretenue par le pouvoir de Lomé, consiste ( jusque-là) à dérouter l’opinion nationale et internationale très sévère vis-à-vis du régime qui a confisqué la démocratie et qui a pris le peuple en otage. Tout comme en Côte d’Ivoire où la prise en otage des étrangers comme boucs émissaires devant servir à justifier les maux d’une société en décadence, surtout les génocides perpétrées contre ceux-ci et les gens du nord, au motif qu’Alassane Ouattara « un Burkinabè » ambitionne la présidence, le régime togolais après avoir écarté Gilchrist Olympio des élections, devrait s’attendre aux foudres de l’opposition.

Trente-six ans de pouvoir ont mis à genoux un Togo dont on reconnaît les ressources. Malheureusement, celles-ci ne profitent pas aux Togolais. Durant près de quatre décennies Eyadéma a su faire son bonheur en cultivant la peur. Il est un super chef d’Etat, se croyant invulnérable, comptant sur l’armée acquise à sa cause. Tout comme bon nombre de nos présidents, il a utilisé la corruption à grande échelle, touchant les opposants et même les diplomates. Très rancunier, il a lâché son ami Mobutu dont il a refusé d’accueillir les épouses. Après la mort de Jonas Savimbi, il a expulsé ses fils du Togo. C’est là le vrai visage d’un homme qui n’a jamais eu d’amis, car son seul intérêt a toujours guidé ses relations. Ceux qu’il a abandonnés subissent finalement les maux les plus impitoyables. Un jour l’histoire d’Eyadéma dépassera celle de Mobutu.

Comment comprendre qu’un président régulièrement élu ne puisse pas dormir. Trompé par ses services de renseignements, il a le sommeil troublé au moindre pétard la nuit. Il téléphone du camp RIT à ses officiers pour savoir la provenance des tirs, car c’est la hantise, malgré les chars d’assaut qui entourent sa résidence de Lomé II. Dans ce pays, la famille présidentielle détient toute la richesse ne laissant que les miettes à ses barrons; même la faune est un patrimoine privé du chef de l’Etat, puisqu’il fait de la chasse en hélicoptère son sport favori.

« De faramineuses sommes d’argent »

Les 36 ans de pouvoir totalitaire ont été jalonnés de tueries abondantes, vouant le pays aux gémonies des ONG de défense des droits de l’homme et au ban de l’Union Européenne (cf. Les cadavres de Bè et ceux retrouvés sur les côtes béninoises). Evidemment il y a des complices dont l’hypocrisie contribue à donner bonne conscience aux falsificateurs de la démocratie africaine.
On citera en premier, le président français Jacques Chirac, parrain des dictateurs africains, celui-même même qui a « félicité » le président Eyadéma pour sa « victoire avant que la cour constitutionnelle ne valide les résultats truqués du scrutin.
Actuellement Chirac se bat contre la Grande Bretagne et l’Allemagne pour la levée des sanctions de l’Union Européenne. Par contre l’Eurodéputé, Marie-Arlette Carlotti, affiche une position tranchée contre la reprise de l’aide, puisque l’ONU et l’Union Européenne ont estimé qu’il s’est agi le 1er juin, de mascarade électorale. « On ne peut pas, après ces élections, semble-t-il, encore truquées, après qu’on a modifié la constitution , le code électoral, que Eyadéma a promis y compris au président de la République ( Chirac), qu’il ne se présentera plus, que finalement il modifie tout pour pouvoir se présenter. Je pense que ce n’est pas aider la démocratie que de faire comme si rien n’était. Je tiens à vous dire que le président de l’ACAT-Togo (Action pour l’abolition de la torture) est toujours en train de se cacher, simplement parce que nous l’avons invité au Parlement Européen, pour parler de la situation dans son pays ».
Marie-Arlette Carlotti est ferme. La communauté internationale, y compris la France, doit faire pression. Surtout  » il faut que l’on cesse de prendre les gens pour des imbéciles et de faire croire que tout va bien dans ce pays, alors qu’on nous annonce des gens qui sont dans les pires difficultés. Une presse qui ne peut plus s’exprimer, des candidats aux élections qui ne peuvent plus se présenter, des problèmes sur les atteintes aux droits de l’Homme ». Ce n’est pas en payant des gens de la mouvance présidentielle pour marcher dans les rues que l’Union Européenne peut lever les sanctions. Or on sait ce que coûtent ces genres de manifestations : de fabuleuses sommes d’argent. La seule solution de la paix au Togo est l’observance des règles du jeu démocratique.

« 36 ans de navigation à vue »

Pour confirmer tout le mal qu’on dit de lui, le régime RPT inaugure le mandat de son nouvel « elu » par l’arrestation de trois journalistes le 20 juin et convoque des leaders de l’opposition le 19 juin pour les mettre en garde contre un prétendu plan de sabotage de l’investiture du président. Ces genres de mascarades sont tellement légion qu’ils amusent la galerie. En effet, le régime prend plaisir à présenter des individus faux témoins payés pour accuser l’opposition de tel ou tel complot, meurtre ou sabotage. Curieusement, personne n’est mis aux arrêts.
Peut-on, au 21e siècle, continuer à jouer avec l’avenir et le développement d’un peuple de la sorte ? Ici, le sombre tableau de 36 ans de navigation à vue est tellement compromettant qu’il faut le justifier : alors on trouve un pyromane, un bouc-émissaire que l’on chargera de tous les maux qui guettent le Togo après les votes.
Tant il est vrai que l’UFC de G. Olympio qui clame sa victoire ne facilitera pas la tâche à Eyadéma pris dans l’étau des assoiffés de justice, de paix et de démocratie. C’est justement que redoutent Eyadéma et son régime qui font vite de dérouter l’opinion.
Comme Laurent Gbagbo. Pour justifier l’embrasement de la Côte d’Ivoire, il a tout déversé sur les étrangers. Et comme Eyadéma l’a aidé à éteindre ce feu, il lui renvoie l’ascenseur de la démission. Ce qui est urgent aujourd’hui c’est de prendre la communauté internationale à témoin. Il ne s’agira plus de se taire lorsqu’il y a des menaces sur une communauté, jusqu’à ce que génocide s’en suivre. On l’a vu à Tabou en Côte d’Ivoire en 1999 avec les massacres des Burkinabè. Le silence coupable, l’hypocrisie politico-diplomatique et la démission des autorités burkinabè ont conduit à la tentative d’extermination des étrangers durant la crise du 19 septembre 2002. Alors, que les autorités togolaises n’utilisent pas le peuple togolais et ses voisins de la sous-région comme bouclier contre les conséquences de 36 ans de tartuferie éhontée.

Emile Bayala-Nouvelle Afrique