JOHANNESBURG (AFP), le 31-07-2002
L’application de l’accord de Pretoria, signé mardi entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda pour mettre fin à un conflit qui a fait quelque 2,5 millions de morts en quatre ans en RDC, s’annonce longue et semée d’embûches, s’accordent à penser une majorité d’analystes sud-africains.
« Cela doit être considéré comme un pas dans la bonne direction, mais il reste un long chemin à parcourir », a commenté Greg Mills, directeur de l’Institut sud-africain pour les affaires internationales, mardi soir après la cérémonie de signature.
L’accord RDC-Rwanda prévoit un calendrier de 90 jours pour le désarmement et le regroupement en RDC des combattants extrémistes hutus rwandais Interahamwe et des ex-FAR (soldats hutus de l’ancienne armée rwandaise) responsables du génocide de 1994, puis leur rapatriement au Rwanda, en échange d’un retrait des troupes rwandaises du territoire congolais. Une véritable guerre régionale oppose depuis 1998 le régime de Kinshasa soutenu militairement par le Zimbabwe, l’Angola et la Namibie à des groupes rebelles appuyés par le Rwanda et l’Ouganda. Le texte, signé par les présidents congolais Joseph Kabila et rwandais Paul Kagame, accorde un délai de 120 jours pour la vérification du processus global du traité.
Pour Greg Mills, le calendrier fixé est « extrêmement ambitieux » et les auteurs du génocide de 1994 au Rwanda sont peu susceptibles d’accepter d’être rapatriés dans un pays où certains d’entre eux pourront être jugés. M. Mills a notamment mis en garde contre de nombreux obstacles logistiques à cet accord qui, a-t-il souligné, a besoin pour aboutir de toute l’aide extérieure et internationale possible.
Les présidents Kabila et Kagame ont tous deux fait état de ce besoin impérieux d’un soutien extérieur sans faille lors de la cérémonie de mardi et ont lancé un appel à la communauté internationale pour garantir une bonne application du traité. Le président Thabo Mbeki d’Afrique du sud, pays médiateur dont le rôle a été essentiel dans ce processus de paix, a promis son aide mardi pour l’application du traité. Il a indiqué que Pretoria examinerait l’envoi d’un contingent militaire en RDC pour participer, avec la Mission d’observation de l’ONU en RDC, la MONUC, aux vérifications d’application qui doivent en principe s’achever le 26 novembre.
Pour Chris Landsberg, du Centre des relations Internationales, l’engagement formel de réussite pris mardi par les présidents congolais et rwandais est « un pas positif », mais « des défis considérables » subsistent.
Claude Kabemba, de l’Institut électoral d’Afrique Australe, estime que l’accord de Pretoria « représente un mieux par rapport à l’accord de Lusaka de juillet 1999 » (accord pour un cessez-le-feu entre la RDC, le Rwanda, l’Angola, la Namibie, le Zimbabwe et l’Ouganda, mais qui n’a pas été respecté) car il propose une « solution complète » impliquant les aspects militaires. « Cela devrait rouvrir une nouvelle série de dialogue inter-congolais », observe-t-il.
Les analystes sud-africains s’accordent à penser que le délai de 90 jours fixé pour le désarmement des rebelles rwandais et le retrait des troupes rwandaises de RDC manque de réalisme. Pour Richard Cornwell, de l’Institut des Etudes de Sécurité, ce délai est « absurde » et les parties en jeu n’auront ni la volonté ni la capacité d’observer l’application de l’accord ainsi que le stipule le traité. « Kagame sait que cela n’a aucun sens et Kabila pense pouvoir jouer au plus fin », estime M. Cornwell qui remarque: « l’armée congolaise n’est pas en mesure de désarmer les hutus rwandais Interahamwe, et les troupes étrangères opérant dans le cadre de la MONUC n’ont pas le mandat pour le faire ».
Quant à une intervention de l’armée sud-africaine, que le président Mbeki a dit être disposé à considérer, « il faudra au moins trois mois pour dépêcher ces troupes sur place », estime Richard Cornwell qui souligne qu’une tâche de cette ampleur doit être confiée à « une force (militaire) robuste ».
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