AFP,Lomé – 25/04/05–Le dépouillement du scrutin présidentiel « se déroulait sous tension dimanche soir dans le fief de l’opposition de Lomé, le quartier de Bè, avec des militants de l’opposition, armés de machettes et gourdins, craignant qu’on leur « volent leur victoire ».
Dans le bureau de vote 2019 de l’école primaire Padesouza, les scrutateurs terminent le dépouillement du vote, encerclés par une foule compacte de militants qui hurlent, chantent, insultent.
« Ils doivent signer, il faut la signature, sinon ils ne sortiront pas d’ici », hurlent plusieurs militants. Par les trous des clairevoies du mur de la classe, des machettes frappent sur les pupitres, des pierres sont lancées. Un journaliste a été aspergé d’eau sale par un jeune, insultant la France et son rôle supposé dans cette élection très sensible. Peu après les excuses fusent: « il ne faut pas vous fâcher. Mais vous savez, on est fatigués. 38 ans de régime Eyadéma, on ne peut pas accepter de continuer. Même si c’était un autre du RPT (Rassemblement du peuple togolais, ancien parti unique au pouvoir), on n’a pas de problème, mais son fils c’est trop. Le Togo n’est pas une monarchie, pourquoi la France nous impose ça ? », estime un chômeur diplômé.
Sur le tableau noir, les résultats du scrutin sont inscrits et la victoire du candidat de la coalition de l’opposition, Emmanuel Akitani Bob, est éclatante: neuf voix pour le RPT, contre 596 pour la coalition, soit 95,66%. Ce chiffre, normal dans un fief de l’opposition, n’en est pas moins une source d’excitation supplémentaire pour les électeurs, persuadés qu’ils ont déjà remporté toute l’élection et chauffé à blanc par les argument de la coalition qui affirme que si elle ne gagne pas c’est qu’il y a eu fraudes.
Deux observateurs américains se trouvent dans le bureau de vote, soumis à la même vindicte et aux mêmes menaces que les observatrices du RPT. On leurs interdit de sortir tant que le procès-verbal du bureau n’est pas signé par tous les observateurs présents et tous les membres du bureau. « Ils ne comprennent pas qu’ils ont gagné dans ce bureau, mais que dans les zones du nord (d’où est originaire la famille Eyadéma), le schéma est le même, sauf que le résultat sera exactement inverse », explique un observateur. « A la base le scrutin s’est bien passé. Si ces mêmes résultats parviennnent à la Commission électorale nationale indépendante, alors ce sera bien », ajoute-t-il. Dans des rues de Lomé, notamment le quartier de Bè, les jeunes ont dressé des barricades et patrouillent avec leurs armes. Les habitants dénoncent les fraudes et notamment la saisie des urnes par des hommes en armes, en civil ou en tenue militaire.
Au bureau de Bè-gare, le contenu de plusieurs urnes a été brûlé par les militaires, affirment les habitants du quartier brandissant des bulletins de vote en grande partie consummés portant tous un vote en faveur de l’opposition. A la sortie du quartier, sur le boulevard Jean Paul II, de jeunes hommes non identifiables transportent sur leur tête une demi-douzaine d’urnes et les placent dans un taxi. Destination inconnue.
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