26/04/2024

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La pratique de la violence en politique : le cas de l’Afrique

La violence en politique est une notion dont il est fait usage en sciences sociales ainsi qu’en sciences politiques. Il s’agit d’un concept qui renvoie à des brutalités, à des atrocités, à de l’animosité, à des dégâts, à des dévastations ou à des atteintes physiques graves aux personnes, intentionnellement occasionnées et dont le but, le choix des victimes, la mise en oeuvre et/ou la résultante ont une portée spécifiquement politique tendant à modifier par la cruauté, la conduite des compétiteurs sur la scène politique ou à imposer la volonté d’une minorité à la majorité.

Pour ce qui est du continent africain, l’Afrique sous la colonisation, et l’Afrique post coloniale, demeure une zone géopolitique où les violences politiques sont multiples, pérennes et ce, quelle que soit la nature politique des régimes en place.

Il existe pléthore de dictatures impitoyables en Afrique où la violence politique au quotidien comme mode de gouvernance est incontestable.

En l’état, afin de ne pas m’exposer à des omissions (involontaires) ou méconnaissances (immotivés) et afin d’éviter tout égarement de ma part, j’éviterai ici de mentionner quelque nom de pays d’Afrique que ce soit. Quoique cette appétence m’envahit vigoureusement …

La violence politique fut présente et pratiquée en Afrique sous la colonisation donc avant les accessions de quasiment tous les pays d’Afrique à la souveraineté nationale et est présente, certes, à des degrés divers, sous les régimes post colonisation. Il n’était pas rare que dans les pays d’Afrique nouvellement indépendants, les passions politiques d’un pays fraîchement libéré du joug colonial tournent à l’émeute et à la violence. Aussi, il y a t-il lieu de relever qu’en ces temps là, le système de domination partisane autour d’un leader politique fort, dans les années qui précédèrent immédiatement l’indépendance, était globalement suivi d’une phase de crises politiques successives caractérisées par des altercations partisanes extrêmement vigoureuses.

Les violences liées à l’exercice du pouvoir politique en Afrique sont prospères ; s’y agrégent les abondantes et inouïes violences militaires et policières, contre les opposants politiques, ou la société civile. Ces violences quasi ordinaires confinent à des emprisonnements arbitraires, à des interrogatoires où se pratique la torture ainsi qu’à des exécutions sommaires. Il n’est pas rare qu’en certains pays d’Afrique, la découverte de charniers vient corroborer des soupçons d’assassinats massifs par des sbires du pouvoir en place ou par des mercenaires étrangers (…).

La répression des manifestations de rue constitue la règle, quel qu’en soit le motif, fut-il légitime ! S’agissant des disparitions de personnes, cette pratique fige dans l’épreuve d’innombrables familles. Aussi, l’inclination pour les immorales manœuvres tendant à convoitise et captation d’épouses d’autrui (constitutives d’atteintes à la vie privée) est une pratique éminemment violente, d’humiliation politique très prisée par le haut des pouvoirs autocratiques en Afrique (…).

D’autres formes de violences politiques, plus larvées et discrètes ont également cours : Refus de la liberté d’expression, privations économiques, harcèlement moral, interdiction de voyage, non délivrance de titre de voyage, propagation de calomnie, tentative de dissolution de formations politiques. De telles violences s’exercent moins directement, mais sont aussi pratiquées afin de limiter le champ d’action de l’opposition politique.

Tous les pays d’Afrique où la pratique des violences politiques est usuelle ne forment pas un bloc uniforme. L’Afrique se composant d’États aux dimensions différentes nées d’un farfelu découpage colonial : petits États, et grands États. En outre, tous les pays d’Afrique n’ont pas accédé à l’indépendance dans les mêmes conditions et aux mêmes âges.

L’Afrique ne forme donc pas un bloc historique homogène. Il existe une Afrique dite francophone, une Afrique dite anglophone, une Afrique dite hispanique, une Afrique dite lusophone, une Afrique dite maghrébine. Les différents États qui composent le continent africain ont donc accédé à l’indépendance selon des processus différents, aussi bien dans le temps que dans les formes de cette quête. La part des héritages coloniaux y est donc différente d’un État à l’autre.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’Afrique fut soumise à l’instar du reste du monde, aux nouvelles réalités nées du conflit.

Corrélativement, l’Afrique connaîtra les conséquences de la guerre froide.

La fin du bloc communiste entre 1989 et 1991, a ébranlé de nombreux régimes autoritaires sur le continent africain avec la tenue dans de nombreux pays des conférences dites nationales et souveraines… sorte de [grand exutoire, de défouloir et de règlements de comptes, assortis de prise de décisions ayant caractère exécutoire] retransmis en direct à la télévision.

En définitive, si après les conférences nationales souveraines, des hommes ont changé ci et là à la tête de quelques États, et une fenêtre de liberté s’est entre ouverte, les pratiques quant à elles, peu !

Au surplus, il existe une circonstance aggravante sous les régimes autocratiques : À la violence récurrente comme mode de gouvernance, s’ajoute des prédations économiques au sommet de l’État, avec une impression de non droit absolue au bénéfice de quelques-uns et aux dépens de l’intérêt général ; il en résulte anarchie, et de corruption ! Ces violences politiques régulièrement dénoncées par la société civile et par des organismes internationaux à vocation de financement du développement, caractérisent parfaitement le système politique de tel et tel autre pays africain (…).

Par ailleurs, les violences politiques sont aussi l’expression de l’instrumentalisation de clivages ethniques, entretenues et exacerbés à des fins douteuses.

Ainsi, la vie politique en de nombreux pays d’Afrique depuis 1958 est déterminée par une ubiquité de la violence, même si celle-ci est plus ou moins « amoindrie » aujourd’hui. La violence politique en Afrique apparaît stricto sensu à tous les niveaux de l’exercice du pouvoir civil et de l’autorité militaire ; en l’espèce, il s’agit bel et bien d’une culture politique.

Les opinions publiques africaines subissent quant à elles de plein fouet ces violences politiques. Les considérations économiques interviennent en l’espèce de façon évidente dans les attitudes collectives. En effet, les situations économiques individuelles, très difficiles pour la majorité, conditionnent leur atonie, ou leur lassitude. Les composantes de l’opinion publique recherchent davantage à survivre qu’à contester le régime et son système. Dans la plupart des cas où l’opinion publique s’engage dans une voie de contestation, elle le fait par dépit !

L’opinion publique réagit néanmoins par des pulsions, assimilables à des révoltes de la faim, qui apparaissent comme des actes politiques. En définitive, les populations subissent et éprouvent la violence politique.

Par ailleurs, la communication politique entre le sommet de l’État et le peuple, autour des questions économiques et sociétales, passe par la violence politique (voir protestations liées à l’augmentation du coût de tel ou tel produit de première nécessité et l’extrême violence par laquelle l’État y répond).

Il est dès lors, inexact de considérer que les opinions publiques africaines sont passives face aux violences politiques exercées à leur encontre. Les foules réagissent de la même façon qu’elles subissent la violence, par réaction collective incontrôlée qui se transforme en casse.

Pour conclure, il est tentant d’affirmer qu’en Afrique, la violence est omniprésente et ancrée ; elle le fut sous le régime de la colonisation et l’est à l’ère de la commémoration du cinquantenaire des indépendances, comme mode de gouvernance quotidien, dans un nombre certain de pays. Elle agit comme un réflexe politique non seulement de la part des acteurs politiques, mais aussi dans les opinions. Elle s’est enracinée dans la vie publique, comme une culture politique du quotidien.

Le taux d’alphabétisation global des populations étant très moyen et les carences en matière de culture politique des leaders politiques africains, évidentes, cet ensemble contribue à la pérennité des violences politiques en Afrique.

Par Armand ADOTEVI
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