par Thomas HOFNUNG
Dans ses vœux au corps diplomatique, mardi matin à Paris, Jacques Chirac a souhaité pour la Côte d’Ivoire le «retour à la vie normale, par le dépôt des armes et par des consultations électorales ramenant une démocratie réelle, apaisée». C’est possible, a expliqué en substance le président français, citant en exemple plusieurs pays du continent africain qui, selon lui, ont «retrouvé la voie de l’apaisement» : la République démocratique du Congo, la Centrafrique, la Guinée-Bissau… et le Togo.
Le Togo? Cette référence peut susciter quelque interrogation. Depuis l’explosion de violences qui avait marqué le scrutin présidentiel d’avril 2005, avalisé par Paris, c’est le statu quo qui prédomine dans cet ancien protectorat français. Faure Gnassingbé, qui dirige le pays depuis le décès d’Eyadéma (son père) en février 2005, prône officiellement la «réconciliation nationale». Ce qui ne l’empêchera pas d’organiser, vendredi, un défilé militaire dans les rues de Lomé pour fêter la «libération nationale». Autrement dit : la prise de pouvoir par la force de l’ancien sergent-chef de l’armée coloniale française, Gnassingbé Eyadéma, le 13 janvier 1967. Quatre ans auparavant, jour pour jour, le même Eyadéma avait participé, aux côtés d’autres officiers togolais, au putsch contre le premier président du Togo indépendant, Sylvanus Olympio, assassiné lors du coup de force.
Pour l’Union des forces de changement (UFC), la principale formation de l’opposition togolaise dirigée par Gilchrist Olympio (le fils du président assassiné), ce défilé est une véritable provocation. L’UFC, qui présente son candidat malheureux au scrutin d’avril dernier, Emmanuel Bob Akitani, comme «le président des Togolais» sur son site, accuse toujours Faure Gnassingbé de «hold-up électoral».
Prôné par l’Union européenne, le dialogue entre le nouveau régime et ses principaux adversaires est au point mort. Ces derniers réclament comme préalables une réforme en profondeur de l’armée noyautée par le pouvoir, ainsi que le jugement des auteurs de la répression du printemps 2005, qui – selon un récent rapport des Nations unies – aurait fait plusieurs centaines de morts. Faure Gnassingbé ne veut pas en entendre parler…
Enfin, plusieurs milliers de personnes qui avaient fui les violences lors du scrutin présidentiel campent toujours au Bénin et au Ghana voisins. Loin d’être sur «la voie de l’apaisement», le Togo semble en réalité englué pour longtemps dans un immobilisme politique lourd de dangers.
LIBERATION.FR : mardi 10 janvier 2006 – 17:38
More Stories
Togo : La France désavoue-t-elle la mansarde électorale du 20 décembre 2018 ?
Togo : Lettre à Manuel Valls pour tourner la page de la dictature des Gnassingbé
Imminente visite de Manuel Valls au Togo : Lette ouverte au Premier Ministre de la France