26/04/2024

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Le Togo échappe de justesse à une monarchie héréditaire

I – Les conditions d’accession au pouvoir de Gnassingbé Eyadéma Tout a commencé par un coup d’Etat militaire en 1963, dirigé par celui qui s’appelait alors Etienne Gnassingbé, et qui coûta la vie au président élu, Sylvanus Olympio, assassinat auquel Gnassingbé aurait participé. C’était alors l’ère des coups d’Etat militaires fomentés par les anciennes puissances coloniales, dès lors que le dirigeant légitime, régulièrement élu, posait trop d’actes allant à l’encontre des intérêts politico-financiers de l’ex-puissance coloniale, ou même de ceux du seul bloc de l’ouest, en ces temps de guerre froide. C’est ainsi qu’à l’ex-Congo Kinshasa, Patrice Lumumba paiera de sa vie son patriotisme et sa sympathie jugée suspecte vis-à-vis du socialisme. En France, c’est de l’Elysée que le tristement célèbre Jacques Foccart tirait les ficelles, faisant et défaisant des régimes africains au gré des seuls intérêts de la France, et au mépris de ceux des populations concernées.
En 1963, donc Etienne Gnassingbé, un sergent de l’armée française ayant servi en Indochine et en Algérie, nommé lieutenant colonel à son retour au pays en 1962, fomente un coup d’Etat et installe au pouvoir Nicolas Grunitzky, avant de le démettre en 1967 par un autre coup d’Etat. Il est alors chef d’état major de l’armée togolaise depuis 1965, et prend cette fois pour prétexte “l’incurie du régime”. Pour l’anecdote, une fois au pouvoir, il raye “Etienne” de son état-civil, et se fait désormais appeler “Eyadema”, qui signifie “courage” en langue kabyé, l’une des ethnies du pays.

II – L’effort patient et efficace de légitimation

Il aurait tout autant pu se rebaptiser “patience” ou “persévérance”, tant il a fait usage de ses deux vertus pour légitimer son pouvoir. Par une méthode devenue classique, il organisera autant que de besoin des parodies d’élection, toujours contestées et provoquant parfois des troubles qui ont entraîné de nombreux morts et blessés. Une de ces dernières élections en date, nous y reviendrons, a été déclarée non régulière et non transparente par les observateurs étrangers de l’Union européenne qui, pendant quelques temps, a suspendu son aide au Togo.

Ce fut là, toucher un point sensible de l’armure, car l’homme usait de l’utilisation habile du poste présidentiel d’organismes régionaux et inter-régionaux tels que l’ex-Oua, la Cedeao, l’Uam, par le jeu de la règle de la présidence tournante, comme moyen de se donner une virginité et une certaine crédibilité, qui lui permirent même de jouer le rôle de médiateur dans les conflits entre pays voisins et récemment à l’intérieur d’un pays voisin comme la Côte d’Ivoire.

Au cours de son long effort de légitimation, Eyadéma a pu bénéficier de la réhabilitation des milieux français, et surtout gouvernementaux, quel que soit le régime, en raison de l’importance primordiale qu’il occupait dans le réseau Françafrique, dont il était une des pièces maîtresses. III – La tentative de “monarchisation” du Togo

La mort soudaine de Gnassingbé Eyadéma a visiblement pris de court les petits correspondants locaux de la Françafrique, qui ont vainement tenté une insolite instauration d’une monarchie héréditaire au Togo, par la succession du fils au père, grâce à des manipulations éhontées de la Constitution. Mais les réactions suscitées, sous la forme d’une levée de boucliers à l’intérieur du pays et de protestations en Afrique et à travers le monde ont, fort heureusement rendu l’entreprise impossible. A l’occasion, on aura relevé l’attitude pour le moins trouble de la France : elle a fait chorus en demandant le respect de la Constitution pendant que la Communauté internationale condamnait vigoureusement ce qu’elle qualifiait à raison de coup d’Etat et envisageait de prendre des sanctions contre le Togo, puis est revenue quelques jours plus tard pour demander l’organisation rapide d’élections, ce qui a consterné les dirigeants de l’Union africaine et de la Cedeao, qui avait adopté très tôt et maintenu – une position ferme quant au respect de l’ordre constitutionnel au Togo. Il faut dire que Paris a des intérêts dans le port de Lomé, dans les banques togolaises, l’électricité, les hôtels, la distribution, entre autres, et le Togo a été récemment transformé en base arrière de la sous région, militaire et civile, depuis les événements survenus en Côte d’Ivoire. IV – Demain, les élections

Grâce donc à la levée de bouclier de la communauté internationale, à quelques éléments près, et à la fronde interne, se profile au Togo des élections, prévues pour ce mois d’avril 2005. L’opposition, faute de mieux, a dû se contenter de certaines conditions iniques de son déroulement, telles que l’interdiction à certains de se présenter, à la tenue d’un seul tour de scrutin présidentiel. Ainsi, par le fait de quelque artifice juridique, Gilchrist Olympio, fils de l’ancien président, lui-même opposant au long cours, a dû choisir entre s’exiler et subir des attentats, puis une disposition du code électoral a stipulé que tout candidat à l’élection présidentielle doit avoir résidé au Togo durant les douze derniers mois…

Toutefois, l’opposition togolaise, tout du moins six de ses partis, a choisi tout récemment de se regrouper derrière un candidat unique à la présidentielle, le n° 2 du parti de Gilchrist Olympio justement, Emmanuel Bob Akitani, un ingénieur de formation âgé de 74 ans, âge sur lequel glose évidemment ses adversaires politiques. Ce même Akitani était le candidat de l’opposition en 2003 face à Eyadéma, et certains observateurs soutiennent qu’il avait bien remporté ces élections. Pour d’autres, en revanche, l’opposition avait crié trop tôt victoire, et n’avait obtenu que les 34 % environ de voix que lui ont finalement attribué les résultats officiels, alors qu’elle disait avoir obtenu plus de 51 % des suffrages. Les dangers de fraude massive sont encore réels, avertit Gilchrist Olympio et ses camarades, craignant ce qu’ils appellent la répétition de la dernière mascarade électorale. Et leurs craintes sont ravivées par la poussée, tels des champignons, de pseudo-partis d’opposition, crées de toutes pièces par le pouvoir en place, afin de brouiller l’image d’union de l’opposition. C’est ainsi qu’une querelle est en train de naître entre opposition dite “dure” et opposition dite “modérée”, signe d’une tentative – en cours de réussite – de fraude de l’opposition.

Ainsi, la vigilance doit être de vigueur, c’est pourquoi nous souhaiterions que la communauté internationale, celle qui n’a d’autre intérêt que l’avènement de la démocratie dans un pays frère, veille scrupuleusement, beaucoup mieux que par le passé, au déroulement d’élections libres et transparentes au Togo. En conclusion, c’est l’occasion de lancer un appel solennel à tous les démocrates d’Afrique et du monde, pour que le complot odieux contre la démocratie africaine ne puisse réussir et pour que soit restauré au Togo une ère nouvelle : celle d’une République républicaine.

Mamadou DIA Ancien président du Conseil des ministres du Sénégal

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