26/04/2024

Les actualités et informations générales sur le Togo

Mouta Gligli : « Les élections n’ont jamais apporté de vrais changements au Togo »

Interview réalisée par Zeus Aziaduwo*

– Vous êtes Togolais et vous résidez en Belgique. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Mouta Gligli: Comme vous le faites voir dans la formulation de votre question, je suis Togolais. Rien à confirmer. Et je vis en exil en Belgique depuis quelques années. Si j’ai bien compris votre question en me demandant de me présenter, vous faites allusion à mes activités politiques en Belgique. Politiquement, ce que nous faisons en Belgique pour essayer de sensibiliser nos compatriotes sur l’enjeu togolais est certainement connu tant en Belgique qu’au Togo et dans certains pays africains notamment en Côte d’Ivoire et en RDC Congo. En effet, depuis que l’implacable dictature en place au Togo nous a jetés sur les chemins de l’exil au début des années 90, nous n’avons pas croisé les bras. Nous avons organisé nos compatriotes dans des associations comme le Cercle Kwame N’Krumah, le F2P (Front Patriotique Panafricain) etc. Et comme support de ces activités politiques, nous avons créé le journal ‘’Kanlento’’ qui nous sert à faire connaitre nos opinions et surtout les objectifs de notre lutte.

– Le 6 mars dernier, le Ghana a célébré les 50 ans de son indépendance et la mémoire de Kwame N’Krumah a été honorée à cette occasion. Quel sentiment vous a animé, vous en tant qu’admirateur du chantre du Panafricanisme ?

Mouta Gligli: Fêter les 50 années de l’indépendance du Ghana et la mémoire du Dr Kwame N’Krumah est une chose mais porter ses idées et les concrétiser surtout en est une autre. Sur le plan de la symbolique, le Gouvernement ghanéen est à féliciter pour avoir honoré la mémoire de cet illustre fils d’Afrique. Mais à nos yeux, ce qui importe, c’est la poursuite des idées du Dr Kwame N’Krumah au moment où l’Afrique se trouve à la croisée des chemins.
A mon tour de vous retourner la question : que représente pour la jeunesse africaine d’aujourd’hui et de demain, le panafricanisme du Dr Kwame N’Krumah ? Voilà à mon sens la vraie question. Cet anniversaire m’inspire un sentiment mitigé.

– Vous avez créé une association dénommée ‘’Cercle Kwame N’Krumah’’. Pouvez-vous nous préciser la mission de ce mouvement et ce qu’il en est aujourd’hui véritablement?

Mouta Gligli: Justement, le Cercle Kwame N’Krumah a été créé pour faire revivre Dr Kwame N’Krumah à travers les âges en donnant des ailes à sa philosophie, à ses idées qui demeurent immortelles. Et c’est dans ces idées-là qu’il faut trouver des solutions aux problèmes de développement de l’Afrique et de son émancipation à travers le panafricanisme. Le panafricanisme, c’est quoi au juste ?
C’est l’unité de l’Afrique à l’instar de l’Union Européenne présentée aujourd’hui comme garantie du développement et de la sécurité du continent. A ce titre, notre Cercle a pour but d’inciter l’Afrique à faire une vraie unité des peuples et non des dirigeants. C’est pourquoi, nous luttons dans le cadre du Cercle pour la concrétisation des idées du Dr Kwame N’Krumah.

– Vous étiez un proche de feu Tavio Amorin, quelle corrélation faites-vous entre le panafricanisme de N’Krumah et celui de Tavio Amorin ? Plusieurs années après, est-ce que leurs idées sont toujours d’actualité ?

Mouta Gligli: On peut établir des passerelles entre les idées du Dr Kwame N’Krumah et celles de Tavio Amorin. Tous les deux aujourd’hui morts ne s’étaient jamais rencontrés. A ma connaissance. Mais le fait que Tavio ait porté les idées du Dr Kwame N’Krumah cela prouve à suffisance la puissance du panafricanisme et son influence dans le cœur de la jeunesse africaine. Tavio est mort dans le vif de l’action pour l’instauration d’une vraie démocratie au Togo qui est un aspect du panafricanisme tel que le pensait et le prônait Dr Kwame N’Krumah. Tavio, dans son combat, s’est beaucoup inspiré des idées internationalistes du Capitaine Thomas Sankara qui est aussi un autre disciple du Dr Kwame N’Krumah. On peut dire que Tavio se situe dans la lignée des révolutionnaires africains dont Lumumba, Ossendé Afana, Dr Kwame N’Krumah et bien d’autres. Malheureusement ces différentes personnalités n’ont pas vécu à la même époque.

Enfin, l’actualité, c’est quoi ? L’actualité de ces idées n’est à plus à démontrer. Aujourd’hui, on parle de démocratie, de développement de l’Afrique, de l’Unité de l’Afrique, du respect des droits des peuples. Ces idées ont été le combat du Dr Kwame N’Krumah, de Lumumba et de Tavio. Au lieu de me poser la question de savoir si leurs idées sont toujours d’actualité, il fallait plutôt nous interpeller : qu’avons nous fait de ces idées à nous laisser en héritage par nos aînées. C’est là la question de la responsabilité et de la formation de la jeunesse africaine.

– Parlons un peu de la diaspora togolaise. L’ancien président de la CNDH , Me Ahlonko Dovi, Denis Nayone et Logo Dossouvi entre autres sont déjà rentrés au pays. Ce qui veut dire qu’il y a un changement au Togo… Ne pensez-vous qu’il est temps de revenir bâtir le pays après plusieurs années passées en exil ? Qu’est-ce qu’il faut alors faire pour rassurer vous qui doutez encore et hésitez à retourner au bercail ?

Mouta Gligli: Le retour au pays c’est toujours une question personnelle. Chacun prend ses responsabilités et prend sa décision comme il l’entend. D’autres sont retournés après avoir donné l’illusion qu’il se battait pour la démocratie de leur pays. En revanche, d’autres, qui, aujourd’hui encore, pensent que le Togo n’est pas un pays démocratisé et qu’en cas de leur retour risquent de s’exposer à de graves violations de leurs libertés d’action et de pensée, préfèrent rester encore à l’étranger. Pour ma part, l’important n’est pas de dire qu’il est temps de retourner comme vous me le suggérer. C’est une question de responsabilité personnelle et individuelle. Les cas de retour que vous citez n’engagent que ces personnes.
Le doute peut s’emparer de n’importe qui et à tout moment. Ne dit-on pas qu’en cas de doute, il vaut mieux s’abstenir ? Si on s’abstient à retourner au pays, c’est que le doute est sérieux. Vous êtes au pays vous même et vous constatez quotidiennement que tous les paramètres socio-économiques sont au rouge sans parler des violations massives des droits de l’homme. Tout ceci nourrit le doute du vrai combattant.

– Quel message avez-vous à l’endroit des Togolais à la veille des élections législatives ?

Mouta Gligli: Aujourd’hui, il y a une urgente nécessité de créer un vaste mouvement démocratique et anti- impérialiste afin de renverser le rapport de force et balayer le règne de l’arbitraire, de l’incompétence notoire et de l’injustice du clan Gnassingbé. Sous une saine direction révolutionnaire et une bonne organisation. Le mécontentement général à l’égard du régime crée un terrain favorable à l’unité des forces démocratiques.

Au Togo, la démocratie se révèle comme l’expression d’ un réaménagement du statut quo sous l’œil vigilant de la France qui veille sur ses intérêts.
Les élections n’ont jamais apporté de vrais changements. On l’a vu dans le cas togolais sous le règne de feu le dictateur Eyadéma et celui de son fils. Les différentes élections n’ont rien apporté. Il n’y a rien de nouveau pour que je change mon opinion et ma position sur les élections au Togo ou ailleurs en Afrique. Reposez-moi la question au lendemain de ces législatives

*Publié dans Liberté Hebdo N°198 du 02/05/07