01/05/2024

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Patrick LAWSON: L’UFC est la première force du Togo

Interview réalisée par TVT

M. Patrick Lawson, pour une première participation de votre parti l’UFC à un scrutin législatif, on peut dire que les résultats ne sont pas très mauvais pour vous. Vous êtes la deuxième force politique du pays. C’est quand même bien ?

Patrick LAWSON : Pour être tout à fait sincère, nous sommes la première force surtout en voix. De la même façon nous considérons que si un plus grand sérieux avait été mis dans la transmission des résultats et dans le contrôle des bulletins, aujourd’hui, nous serions également majoritaires en sièges. C’est pour toutes ces raisons que nous avons décidé d’introduire des recours de façon qu’il y ait la paix. Nous n’en croyons pas trop mais nous avons décidé de jouer le jeu. Il faudrait qu’on en tienne compte pour la paix dans ce pays parce qu’un parti ne peut pas être éternellement triché. Il est temps maintenant que les résultats sortis des urnes soient pris en compte. C’est tout ce que nous demandons.

La proclamation des résultats au décompte final, résultats provisoires publiés par la CENI, donne 50 sièges au RPT, 27 pour l’UFC et 4 pour le CAR. Comme vous venez de le dire, vous vous installez dans la contestation des résultats. Est-ce que c’est l’ensemble des résultats que vous contestez ou bien une partie ?

Patrick LAWSON : Une partie, surtout dans certaines circonscriptions. Il y a eu trop d’annulations de bulletins. C’est le cas de Vo par exemple où le troisième siège nous échappe avec une différence de moins de 100 voix. Dans le même temps, on s’est vu annuler plus de 12.000 bulletins. Sur ces 12.000 bulletins, il y a au moins 80% qui reviennent à l’Union des Forces de Changement. Dans l’Assoli, on aurait pu avoir un des deux sièges. Dans le Tchaoudjo, c’est la même chose. Et pour Lomé, c’est la catastrophe parce que ce qui s’est passé est trop grave. Vous savez que l’article 123 est clair. A la fin des dépouillements on aurait dû transmettre les résultats aux partis politiques. Mais au niveau de la CENI déjà, ça n’a jamais été fait. Bien au contraire, c’est la CENI qui renvoie l’ensemble du dossier à la Cour Constitutionnelle, laquelle Cour Constitutionnelle a refusé à son tour de proclamer et de juger quoi que ce soit, enjoignant à la CENI de publier complètement les résultats. Ces résultats ont été publiés sans décompte sérieux et ça, c’est inacceptable. Au 21ème siècle, faire encore des élections dans ces conditions, ce n’est pas possible. Si on voit ce qui s’est passé à Lomé, qu’est-ce qu’on peut penser de l’intérieur ?

Mais la CENI avait publié un communiqué dans lequel elle a fait savoir qu’il y a manque de sérénité tout simplement parce que certains de vos militants sont allés perturber le déroulement du travail dans l’enceinte de la CENI ?

Patrick LAWSON : Est-ce que c’est l’UFC qui a donné le coup de poing à des représentants à la CENI ? Nous avons un de nos représentants à la CENI M. Atantsi qui a eu une arcade sourcilière complètement ouverte. En fait, à la CENI, les résultats étaient clairs. Mais on a voulu perturber tout cela en introduisant des bulletins, des urnes dont on ne connaît pas l’origine. Tout cela a perturbé les élections.

En dehors de quelques anicroches, tout le monde a reconnu que les élections se sont bien déroulées. La plupart des partis politiques qui ont pris part à ce scrutin ont reconnu les résultats. C’est l’UFC seule qui se retrouve dans la contestation. Vous êtes seuls contre tout le monde…
Parce que nous sommes le seul vrai gagnant. Et comme c’est nous qui avons été trichés, nous ne pouvons que réclamer ce qu’on nous a pris. Ceci dit, le problème ne se pose pas en ces termes. Quand les élections ne sont pas justes, il faut dire qu’elles ne sont pas justes. C’est vrai qu’il faut faire la part des choses. Une première partie a été bonne, le déroulement de la campagne. C’est pour la première fois qu’il n’y a pas eu beaucoup d’accrochages, il n’y en a pas eu pratiquement. C’est une réalité. Mais ce n’est pas une raison pour que les observateurs, sans attendre de voir le dépouillement et la proclamation des premiers résultats sortis des urnes, se mettent à dire que tout s’est bien passé. Je crois que tout cela n’était pas bon pour la sérénité. De la même façon, nous avons remarqué que le soir même, des amis à nous qui sont d’autres partis, surtout des partis adverses nous appelaient eux-mêmes pour nous dire que c’est la bérézina. Et le lendemain, tout a changé. On a vu qu’ils ont repris conscience en eux-mêmes qu’il s’est passé quelque chose : achat de cartes d’électeurs, beaucoup de choses, surtout les bulletins nuls qui nous ont porté beaucoup de préjudices. C’est ça qui n’est pas bon.

Même l’Union Européenne dont l’avis compte beaucoup a salué cette élection. Est-ce que l’UFC ne risque pas de se voir isolée, marginalisée ?

Patrick LAWSON : La seule marginalisation que craindrait l’UFC c’est celle de nos populations. Or, à chaque élection, on leur fait peur et à chaque élection, les populations votent pour l’UFC. C’est quand même quelque chose. Le seul pas qu’on n’a pas encore franchi au Togo, c’est ce qui est arrivé au FIS en Algérie. Mais il est clair que nous représentons une force qui ne fait pas peur aux populations. Nous faisons peut-être peur à la classe politique. On ne sait pas pour quelle raison. Pourtant, nous sommes des gens normaux, des gens qui parlent avec tout le monde. Mais nous ne savons pas en quoi on a peur de nous. C’est ce qui est à la base de tout ce qui se passe. On ne veut pas nous donner la victoire parce qu’on a peur qu’on en fasse autre chose.

Une lecture des résultats de ce scrutin montre une fois encore que le pays est divisé, coupé en deux. Concrètement, comment entendez-vous sûrement ce clivage ?

Patrick LAWSON : Nous avons fait campagne partout, que ce soit dans la région septentrionale et dans les régions du sud. Partout, nous avons rencontré des populations qui croient à l’idéal que nous défendons. Ce qui constitue un réconfort pour nous. Et pour cela, nous n’avons pas peur pour le Togo. C’est artificiel la division qu’on veut faire croire au Togo entre le nord et le sud. Je le répète encore, si ces élections ont été réellement transparentes, s’il n’y a pas eu ces bulletins nuls, nous aurions gagné beaucoup de sièges également dans le nord et ce ne sont pas des inventions. Nous sommes très satisfaits de ce que nous avons rencontré auprès des populations du nord. On les a rencontrées, on les a senties et c’est tout ça qui fait aujourd’hui notre force et qui fait que tout ce qui se passe ne nous rend pas malheureux, parce que nous savons que les populations nous ressentent.

Comment expliquez-vous que les électeurs togolais qui ont envie de vivre en paix, ont choisi deux formations politiques qui se sont toujours regardées en chien de faïence ?

Patrick LAWSON : Si les Togolais ont choisi surtout l’UFC, l’autre parti a essayé de prendre des voix par d’autres moyens. Je ne crois pas que les Togolais veuillent nous opposer. Ce que veulent les Togolais, c’est que justice soit faite, que les populations se retrouvent dans leurs élus. Pour ce qui concerne cette question nord-sud, je crois que ce problème est plus artificiel que réel. Quand on a vu la campagne qu’on a menée, quand on connaît la représentation nationale de notre parti, nous croyons que nous sommes très loin de ce problème. Et surtout ce que nous cherchons, c’est qu’il faut après ces élections que chacun s’investisse pour que ce problème ne nuise pas un jour au Togo. Parce qu’il n’existe pas dans la réalité, mais on veut l’inventer. Il faut qu’ensemble nous puissions combattre cela.

Pendant la campagne électorale, vous avez laissé entendre que l’UFC refuse toute alliance, est-ce que l’UFC va continuer son voyage solidaire ? On se rend compte que tous vos amis traditionnels vous ont lâchés ?

Patrick LAWSON : Le scrutin auquel on a eu à faire face est un scrutin de liste qui ne permettait pas d’alliance avant les élections. Soyons clair là-dessus. J’ai toujours dit que gagner les élections c’est une chose, former le gouvernement en est une autre. On ne pouvait pas faire d’alliance puisque tout le monde disait qu’il faut qu’on sache désormais qui est qui et fait quoi. Au moins ça aujourd’hui, c’est rétabli. C’est le schéma qui existait, qui est ressorti des urnes. Cela doit faciliter maintenant les choses dans la recomposition de la classe politique. On doit savoir aujourd’hui qui peut être chef d’une opposition sans contestation. On peut aujourd’hui mettre sur pied un statut de l’opposition sans protestation. Cela permettra à un chef de l’opposition d’aller désormais à des invitations officielles en sachant où il va s’asseoir et quelle sera sa place dans le rang des unes et des autres. Maintenant, il y a autre chose, c’est que notre pays est en crise, hautement en crise. Il faut que nous comprenions que nous devrions nous investir pour sortir le pays de cette situation. Si tel est le cas, il faut que nous changions très tôt de comportement et qu’on cherche à reconstruire ce pays. C’est ce qui a été toujours notre objectif et cet objectif est encore poursuivi malgré tout ce qui s’est passé. Ce que nous voudrions, c’est que ces recours se fassent bien et qu’il n’y ait pas trop de rancœurs, que ce qui est récupérable le soit et qu’on parle maintenant de comment on va gérer ce pays. Qui sera dans l’opposition, qui sera dans le gouvernement et c’est sur la base de ce programme, des décisions que nous aurions que chacun sera fixé. Voilà comment nous voyons les choses.

Les déclarations de cette nature, nous ne ferons alliance avec personne, est-ce que ces déclarations ne font pas peur à des électeurs qui veulent qu’il y ait un compromis beaucoup plus dynamique toujours dans l’apaisement ?

Patrick LAWSON : Est-ce que les électeurs ont eu peur en leur âme et conscience puisqu’ils ont voté pour nous ? C’est la classe politique peut-être qui a peur. Je le crois d’ailleurs. Mais les électeurs ont voté pour l’Union des Forces de Changement et majoritairement. Cela veut dire que c’est les populations qui savent que par leur vote, il n’y a aucun problème avec l’Union des Forces de Changement. C’est la classe politique qui a peut-être des problèmes avec l’UFC. S’il y a donc des problèmes, qu’on s’asseye et qu’on le dise. Aujourd’hui, nous représentons au moins quelque chose. Qu’on établisse ce qu’on nous reproche et on va essayer d’en discuter ensemble. Mais nous n’avons aucun problème avec les populations. Je crois que c’est suffisamment clair après ces élections.

Est-ce que l’UFC ne fait pas assez preuve d’excès de confiance qui lui impose une posture l’obligeant à ne pas assez connecter sur les réalités ?

Patrick LAWSON : Quelles sont ces réalités puisque nous avons tout accepté dans ce pays ? Chaque fois que nous avons été premiers, quelques semaines, quelques mois après, on a pris part à tous les dialogues. Nous avons signé tous les accords et on n’a rien eu en échange. Qu’est- ce qu’on nous reproche alors ? Nous n’avons rien à nous reprocher…

Le Rassemblement du peuple Togolais prône la formation d’un gouvernement d’union, une décision saluée par de nombreux partis politiques. Participerez-vous au gouvernement d’union nationale au cas où on vous faisait appel ?

Patrick LAWSON : Vous savez, quand on organise les élections, c’est pour qu’il y ait des vainqueurs et des vaincus et que ceux qui ont gagné, gèrent. Maintenant, si on veut un autre schéma, ce sont des discussions politiques qui sont menées. Et ces discussions politiques doivent être claires et ne doivent pas constituer une sorte de contrat léonin en ce sens que nous devons parler égal à égal ; qu’on sache ce qu’on veut faire avec un gouvernement d’union nationale. Il ne faudrait pas que ce soit un machin pour les uns et les autres pour s’enrichir en oubliant les populations dans leur malheur. Nous voudrions que, si gouvernement d’union il doit y avoir, les conditions soient clairement définies.

Vous parlez d’une négociation ?

Patrick LAWSON : Vous m’avez posé une question et je ne répondais qu’à cette question. Ce qui compte pour nous pour le moment c’est que les recours trouvent une solution. Ça, c’est la première chose. Après, nous verrons qu’il y a plusieurs possibilités ; l’UFC peut s’inscrire dans l’opposition, l’UFC peut également décider de former un gouvernement en alliance avec d’autres. L’UFC peut prendre part à un gouvernement d’union nationale mais pas à n’importe quelle condition. Ceux qui l’ont essayé, ont compris que les populations nous surveillent et n’acceptent pas qu’on rentre dans n’importe quoi. Il faut qu’on sache où on va. Quand on va dans un gouvernement d’union nationale, c’est pour créer les conditions de la reconstruction du pays. Ce n’est pas pour faire croire que tout va bien.

Transcription de Liberté Tri-Hebdo