18/04/2024

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Togo Affaire Agbobli: Nous ne nous tairons pas !

Il faut reconnaître à la famille et aux proches du défunt le droit à la sérénité et au calme. Je m’incline religieusement devant ce droit et je m’associe à tous ceux qui leur présentent les condoléances les plus profondes: ils ont perdu un homme dont la grande valeur n’est plus à démontrer. Atsutsè Joachim appartient d’abord à sa famille. Il faut le reconnaître. Mais Atsutsè Kokouvi Agbobli, l’homme public nous appartient à nous tous, Togolais et au-delà, Africains, même si nous n’avons pas toujours partagé toutes ses prises de position et n’avons pas toujours été d’accord avec les voies qu’il avait cru bon de choisir pour atteindre les objectifs qui, je l’estime, nous étaient communs; même si les armes dont il avait usé dans notre combat commun pour un Togo libre et démocratique, une Afrique unie et digne ne sont pas toujours les nôtres.

La donne est aujourd’hui différente: Atsutsè Agbobli comme tous ceux qui ont une vision de l’Afrique qui ne se laisse plus dicter les lois de son existence par l’impérialisme, via nos roitelets, corrompus, nègres, dans tous les sens. Sur ce plan, quelles fautes Agbobli aurait-il commises, que nous n’ayons commises nous aussi? Celles de gêner un pouvoir? Celles d’écrire et de dire tout haut ce qu’il pense pour le bien du Togo et de l’Afrique? Atsutsè Agbobli nous appartient en ce sens que, pour paraphraser un proverbe mina, le démon insatiable qui a pris du haricot chez lui pourrait, aujourd’hui ou demain, venir chercher de l’huile chez moi ou chez n’importe quel autre Togolais pour l’accompagner. Autrement dit, personne parmi ceux qui disent tout haut ce qu’ils pensent du pouvoir illégitime et incompétent du Togo, n’est à l’abri d’un coup semblable à celui qui a frappé Agbobli.

Quoi? Avons-nous trop tôt accusé les pouvoirs publics? Non! Carrément non! Nous avons évoqué des antécédents, connus de tous, qu’il est inutile de citer encore ici. On nous dit que le procureur de la République a été saisi pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire. C’est bien beau. Nous reconnaîtrons que nous avions eu tort de donner libre cours à notre indignation, à notre révolte, quand toute la lumière aura été faite et qu’il s’avérera qu’il ne s’agissait pas d’un assassinat à des fins politiques. Nous présenterons alors nos excuses à ceux que nous aurons accusés à tort, à ceux que nous aurons offensés. Et même, s’il faut réparer, s’il faut aller en prison pour diffamation, nous assumerons la responsabilité de nos dires. Mais, je parlais d’antécédents: combien de fois ne nous avait-on pas promis, à la suite d’actes criminels commis au Togo, commissions d’enquête, lumière, châtiments des coupables avec la dernière rigueur etc., promesses dont l’objectif inavoué a plutôt toujours été de nous enfoncer plus dans les ténèbres que de nous apporter quelque lumière que ce soit sur l’affaire en question, d’étouffer nos voix de protestation en étouffant l’affaire? Et, je pose cette question à tous ceux qui connaissent le Togo du clan Gnassingbé: croit-on vraiment que s’il s’agit d’un assassinat politique commandité par le pouvoir, nous puissions jamais connaître la vérité? Et, d’autres questions: les institutions togolaises, qu’il s’agisse de l’exécutif, du législatif ou du judiciaire, ne nous ont-elles pas habitués à des comportements tels que nous ayons des raisons de ne pas leur faire confiance? Quelle garantie avons-nous que le pouvoir judiciaire actuellement en place au Togo, si toutefois il s’agit réellement d’un pouvoir, puisse nous dire une autre vérité que celle que le ministère de la Sécurité et de la Protection civile a déjà rendue publique le jour même de la découverte du corps d’Agbobli échoué à la plage de Lomé, à savoir que l’ancien ministre de la Communication avait des comportements suspects, qu’il avait fait une tentative de suicide? Cela paraît-il sérieux aux Togolais, que le ministère de la Sécurité donne une version « officielle » de ce décès? Qu’a donc de vraiment « officiel » cette version? Et si la justice n’était commise que pour rectifier le tir du ministère de la Sécurité? Car, à mon avis, il s’agit d’une erreur ou d’une confusion volontaire dans les compétences (à quelle fin?): le ministère de la Sécurité, pas plus qu’un autre, donc l’exécutif, ne devrait se prononcer sur les causes d’un tel décès avant la justice. Si donc l’exécutif a déjà fait son enquête et en a publié le résultat, s’attend-on à ce que le judiciaire, après s’être livré à la sienne, même en faisant appel aux meilleurs médecins légistes du Togo, conclue à un résultat qui contredise celui du ministère? Il le justifiera, le confirmera ou le corrigera légèrement dans le meilleur des cas.

Il nous faut être lucides, je le suis, je crois. Mais la lucidité n’empêche pas la passion. La mienne est celle de la recherche de la vérité. Elle est aussi celle de la soif du vrai changement au Togo et en Afrique. Et on ne va rien changer au Togo si on continue d’accepter que des citoyens meurent sans qu’on sache pourquoi, ni comment, ni de quelle main et pour quelle cause. Tout le monde sait que la meilleure solution est celle d’une enquête réellement indépendante par rapport au pouvoir togolais, entièrement confiée à une institution internationale. Tout est donc à reprendre si on veut faire la lumière sur l’affaire. Sinon, tout demeure obscur.

Allemagne, 19 août 2008
Sénouvo Agbota Zinsou