26/04/2024

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Togo-Union Européenne: A quoi sert la reprise de la coopération avec Bruxelles…

Le nouveau chef du gouvernement togolais ne perd pas de temps. A peine investi de ses attributs, il annonce la couleur et fixe la priorité des priorités de son agenda : la reprise de la coopération avec l’UE. Un objectif qui apparaît désormais comme un des facteurs-clés du marchandage qui a déterminé son retour aux affaires. Seulement, la problématique qui a sous-tendu la mise au ban du pouvoir togolais par Bruxelles demeure entière, avec la circonstance aggravante de la farce électorale qui vient de se dérouler dans le pays. Le ralliement à la dictature a malheureusement un prix et il va falloir le payer.

Par Franck Essénam EKON

On s’est énormément creusé la tête ces derniers jours pour s’expliquer les raisons qui ont motivé la nomination d’Edem KODJO comme Premier ministre du Togo. Dérive provocatrice du clan au pouvoir ou conséquence de l’interventionnisme des réseaux françafricains ? Chacun y allait de sa petite conjecture pour essayer de comprendre. Même si ces tentatives d’explication sont loin d’être fictives, les déclarations du chef du gouvernement togolais lors de sa visite à Bruxelles en milieu de semaine offrent des pistes intéressantes pour aborder la question. « Nous estimons que le gouvernement formé aujourd’hui est un gouvernement qui devrait permettre à l’UE de dire qu’il y a des pas en avant et de hâter la reprise de la coopération, sinon de la reprendre immédiatement », proclame M. KODJO pour lever les dernières zones d’ombre sur l’objet de sa mission. Quelques jours seulement après sa prise de fonction, on aurait tort de banaliser ces propos. Ils éclairent d’une lumière particulièrement vive, l’axe principal du chantier confié au nouveau gouvernement. La normalisation des relations avec Bruxelles, synonyme d’ouverture du robinet de l’aide financière européenne est le principal enjeu de ce cahier de charge. Elle est certainement la monnaie d’échange qui a fait pencher la balance en faveur de la soudaine pôle position « accordée » au ticket KODJO dans la course à la primature et scellé le sort des négociations entre les partis de la coalition de l’opposition avec la bande au pouvoir.

L’empressement du Premier ministre de Faure Gnassingbé à demander la reprise de la coopération ne peut se comprendre qu’en tenant compte du fait que ses prises de position depuis quelques années allaient déjà dans ce sens au grand dam des autres formations politiques de l’opposition. En avril 2004, il s’était lourdement invité comme « sparing partner » des 22 engagements conclus entre l’UE et le gouvernement togolais, officialisant un retour sur la scène politique nationale après quasiment un an de « retrait volontaire ». Cette période peut, objectivement, être considérée comme marquant le point de départ du renouveau des relations entre le nouveau Premier ministre et le clan au pouvoir. Alors que les consultations entre l’Union européenne et le gouvernement peinaient à démarrer véritablement et qu’un scepticisme unanime avait gagné les esprits quant à une réelle volonté du pouvoir de donner les gages sincères d’une ouverture politique, le tandem Kodjo-Ayéva monta en première ligne pour défendre avec bec et ongles les « acquis du dialogue » et fustiger par la même occasion l’irrédentisme du reste de l’opposition…C’est, du reste, cette idylle qui aurait dû être concrétisée vers la fin du mois de février 2005 par la nomination de Kodjo comme chef du gouvernement si le Général Eyadéma n’avait pas eu la mauvaise idée de rendre l’âme trop vite. C’est apparemment l’épilogue de ce projet que les Togolais connaissent aujourd’hui. Et c’est le nouveau Premier ministre lui-même qui le reconnaît : « Les engagements ont reçu un début d’exécution impeccable jusqu’à la mort du président Eyadéma. Les troubles que nous avons connus depuis le 5 février n’ont pas permis d’ »avancer dans leur application », souligne-t-il comme pour signifier la fin de l’inopportune parenthèse ouverte par le raz-de-marée populaire exprimé en faveur du changement au Togo lors des élections présidentielles d’avril dernier. « Nous sommes venus signaler que nous sommes prêts à reprendre le processus », poursuit-il dans son plaidoyer de la semaine dernière à Bruxelles, un processus, qui dans sa terminologie n’aurait donc jamais dû être interrompu et dont les troubles survenus dans le pays ont différé l’apothéose naturelle, à savoir son intronisation à la tête du gouvernement.

Il apparaît ainsi clairement que les raisons pour lesquelles la reprise de la coopération est réclamée aujourd’hui n’ont rien à voir avec le respect des grands principes démocratiques au Togo. A preuve, avant même d’avoir pris en charge la gestion de la complexe problématique post-électorale, l’épineuse question des 40.000 togolais réfugiés de part et d’autre des frontières du pays et surtout le problème du dialogue entre le pouvoir et l’opposition dite « radicale », le patron du nouveau gouvernement file à Bruxelles pour demander une normalisation pourtant conditionnée par des exigences dont il connaît bien la teneur. La situation politique au Togo en juin 2005 est-elle meilleure à celle qui prévalait avant le décès de Gnassingbé-père ? Des élections libres démocratiques et transparentes ont-elles eu lieu dans le pays ? Dans cette espèce de géographie de la terreur et d’espace de non-droit est-il permis de croire que la question du déficit démocratique (et celle connexe de l’irrespect accentué des droits de l’homme) est solutionnée ? Le nouveau chef du gouvernement a tout l’air de répondre à ces questions par l’affirmative. Le plus inquiétant dans cette situation, c’est le caractère emphatique de ses projections candides dans un contexte qu’il connaît à merveille. Il ne s’agit, par conséquent, pas d’un noviciat mais d’une sorte de slalom en terrain connu. Déduction : l’enjeu de la reprise de la coopération avec Bruxelles, comme du vivant d’Eyadéma, s’inscrit toujours dans une optique d’orgueil et de fanfaronnade pour la bande au pouvoir et il s’est agi de miser sur un porte-voix qui correspond à ces standards.

L’unique et pathétique argument mis en avant aujourd’hui pour demander à l’UE de reconsidérer sa position sur le Togo, c’est la mise sur pied d’une équipe gouvernementale majoritairement truffée de membres et associés du Rassemblement du peuple togolais( parti au pouvoir) et la « ferme conviction » de réaliser les réformes souhaitées par Bruxelles. Un bien maigre dossier de défense pour celui qui est supposé être une pointure de la persuasion. Le comportement du camp présidentiel à la souscription des 22 engagements en 2004 ne laisse subsister aucune illusion sur le sort qui leur est réservé. Vanter, comme le fait le nouveau Premier ministre leur « mise en œuvre impeccable » avant le 5 février est un artifice rhétorique que ses interlocuteurs de la commission apprécieront. Les parlementaires européens, eux ne s’y sont pas trompés en soulignant le 12 mai dernier que tout ce qui s’est passé dernièrement au Togo « ne répond pas aux engagements préalables à la reprise de la coopération ».

Le respect des termes du « contrat » est décidément mal engagé dans ces conditions puisque l’insupportable réalité d’une répression aveugle est venue se greffer sur une réputation bien établie de régime politique obtus que traîne le pouvoir togolais depuis des années. Les vrais artisans de l’obscurantisme au Togo (le clan Gnassingbé et ses prolongements militaires) étant toujours en place avec la même conception de la direction des affaires du pays, il eut été plus décent de poser des actes concrets allant dans le sens voulu par la majorité des togolais avant de se livrer à ce triste numéro de séduction à l’égard de la Commission européenne. Alors même que l’illégitimité (dans tous les sens du terme et sans exception) des actuels dirigeants du Togo recommande un minimum d’humilité dans les postures, le chef du gouvernement vient de présenter ce que sera certainement la trajectoire de son équipe sur le chemin de la reconstruction de champ de ruines qu’est devenu le pays : cécité volontaire sur les tares internes du clan au pouvoir et rejet des responsabilités sur des causalités externes. Il faut s’attendre donc aux sempiternelles imprécations sur l’anti-patriotisme de l’opposition radicale insensible à la main tendue du pouvoir. On entendra aussi bientôt la rengaine habituelle sur la nécessité qu’a le Togo « d’aller à la démocratie à son propre rythme »…pendant que chasse à l’homme et assassinats politiques se poursuivent.

Avec le passif qui est celui de la bande aux commandes du Togo aujourd’hui, et au vu du traitement réservé aux engagements souscrits il y a un an, on comprend que Bruxelles fasse montre d’une telle circonspection face au cas togolais. Une vigilance qui n’a visiblement que faire des contrats secrets qui ont été passés entre les mains avides qui se sont partagé le pays.

La rédaction le togolais.com