Par Marc Gothrich
Coopérant canadien au Togo
Le mois dernier, une émission d’information de Radio-Canada concernant l’Afrique n’aura servi qu’à perpétuer un misérabilisme qui ne tient aucunement compte des réalités quotidiennes de ce continent. En tant que coopérant, j’aimerais ici soulever des aspects importants de la problématique du développement en Afrique, soit la perpétuation de la dictature sous des déguisement, disons, démocratiques…
Malgré des élans de démocratie en Afrique, il faut vivre sur ce continent pour s’apercevoir que la dictature est toujours bel et bien existante ici. La vie de tous les jours nous démontre en effet les effets de ces dictatures jusque dans les ramifications du quotidien.
Le fonctionnement de la dictature
Beaucoup de gens croient qu’un régime dictatorial se résume à un parti unique avec un appareil gouvernemental tout orienté vers les besoins de ce parti unique, avec une armée toute soumise au parti et prête à intimider toute opposition ou force de rébellion. La dictature en Afrique est beaucoup plus que cela. Elle se déploit jusque dans les activités économiques de tous les jours.
C’est ainsi que des membres influents du parti régnant d’un pays africain deviennent président, directeur commercial, ou directeur technique des sociétés d’Etat comme dans le domaine de la téléphonie, de la télécommunications, sans oublier des postes influents aux douanes ou aux ports, là où la corruption enrichit de façon exponentielle ces gens avec les droits de douane. Il devient alors extrêmement difficile pour ces gens de quitter volontairement un appareil politique qui les sert grassement.
L’argent détourné
Il faut aussi noter cette mentalité de dictature à travers la corruption fiscale qui mine toute tentative de constituer un véritable trésor public. L’argent qui devrait normalement être destiné à la construction et entretien des routes et des rues, à la construction d’école et de clinique médicale est trop souvent détourné vers les poches des membres influents du parti. Une amie togolaise me racontait que pour favoriser son ascension professionnelle dans la fonction publique, elle serait sollicitée pour faire partie du parti régnant. Ainsi la dictature en Afrique a des racines profondes qui conditionne toute la vie quotidienne.
Dans cette perspective, il est évident que les nouvelles exigences démocratiques des pays développés face à l’Afrique impliquent alors que la dictature veut se légitimer avec des élections qui ne peuvent être que bidon. En effet, les membres du parti régnant ne laisseront jamais un pouvoir politique qui leur garantit tous ces postes de commande de sociétés d’État et autres monopoles étatiques et par lesquels ils s’enrichissent de façon exponentielle. Il devient ainsi extrêmement difficile d’entrevoir tout changement salutaire, d’autant que ces régimes légitimés par des élections bidons sont accrédités par des pays comme la France qui est toujours une des premières à reconnaître ces régimes bidons.
L’obstacle majeur au développement
Une lettre au Devoir a récemment soulevé le problème de la militarisation de l’Afrique comme étant un frein au développement. Il existe certes une relation entre la militarisation d’un pays sous-développé africain et l’impact de celle-ci sur son niveau de vie.
Prenons un exemple démontrant cela. Si le Québec avec ses 7 millions d’habitants devait financer une force militaire comme celle du Togo avec ses 4,5 millions d’habitants, le niveau de vie au Québec en serait grandement affecté. Alors, imaginons cet impact militaire sur un pays pauvre comme le Togo… Les pays ouest-africains investissent plus dans le militaire que dans la santé ou l’éducation. Ceci est le désolant héritage de la France en Afrique. Oui, un héritage de quincaillerie militaire et de dictatures légitimées par des élections bidons comme au Gabon, Togo, Tchad, Burkina, etc.
La France a osé parler de l’aspect dit « positif » de la colonisation. Il en faut tout un culot pour parler ainsi! Il est évident que la France se terre derrière le principe d’une coopération dite « militaire » pour justifier ses menées peu honorables et la défense de ses seuls intérêts à tout prix. Or cette coopération militaire appauvrit l’Afrique et enrichit la France. On pourrait même penser que le niveau de vie des Français dépend de l’exploitation honteuse des pays africains. Voilà pour le malheureux héritage de la France en Afrique.
Ce sont donc des réalités que la Société Radio-Canada pourraient tenir compte dans ces futurs reportages en provenance d’Afrique…
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